Les initiés : La critique

Les initiés s’en viennent vers leurs ainés avec l’espoir de découvrir à la fois leur nature d’homme et une voie à suivre.
Le hic, c’est que ces mentors sont loin d’avoir eux-mêmes accomplis leur voyage jusqu’au bout et sont parfois eux aussi un peu perdus.

Ils se contentent de perpétuer des coutumes, qu’on pourrait trouver choquantes dans nos régions, qui ne semblent plus vraiment avoir de sens à leurs propres yeux.

Trop occupés à vivre l’instant, sans vraiment réfléchir.

"Les Initiés est né de mon envie de m’attaquer aux stéréotypes trop souvent associés à la masculinité noire au cinéma, en Afrique comme ailleurs." explique le réalisateur.

"En tant que blanc, représenter la vie d’hommes noirs marginalisés, mettre en scène un monde qui m’est étranger, ne coulait pas de source. C’était même extrêmement délicat."

De fait, la question de la culture est primordiale dans cette œuvre, qui nous invite à nous intéresser à une façon bien particulière de faire entrer les jeunes hommes dans l’âge adulte. Violente et brutale. À mille lieues des traditions européennes de "passage".

C’est l’aspect ethnologique du film, qui ne s’arrête pas à l’évocation documentaire. C’est une vraie fiction, plutôt audacieuse me semble-t-il, car le sujet de l’homosexualité est rarement traité dans cette partie du monde.
Ce "Secret de Brokeback mountain africain" est donc une sorte d’expérience pour son auteur :

"Un tel film ne prétend pas apporter de solutions à l’enfer que traversent des millions d’homosexuels sur le continent africain et dans le monde, mais j’espère qu’il aura le mérite de représenter cette crise pour ce qu’elle est : un gouffre profond, qui ne cesse de s’agrandir." revendique John Trengove.
"Contre toute attente, durant l’écriture des Initiés, je me suis inspiré de Robert Mugabe." poursuit-il. "Ses déclarations, comme celles proférées par d’autres chefs d’État africains depuis le début des années 90, laissent entendre que l’homosexualité est un symptôme de la décadence occidentale qui menace la culture « traditionnelle ». Nous nous sommes donc dits, « Très bien, mettons cette idée en pratique, imaginons l’homosexualité comme une sorte de virus qui pénètre un organisme patriarcal et le met en péril, et voyons comment l’organisme répond à cette menace. » "

Techniquement proche du documentaire dans l’apparence, le film est pourtant traité comme un film d’aventures. Les rapports entre les protagonistes sont presque théâtraux.
Des images parfois crues, mais toujours bien filmées, pourraient heurter la sensibilité des personnes fragiles.

Une fois averti, le spectateur, plongera dans cet univers singulier avec intérêt. Sans nul doute.

Pour les curieux.

DB

Les initiés est un bon film parlant d’un sujet de société d’une façon originale à travers la cérémonie traditionnelle que suivent les jeunes gens issus de l’ethnie xhosa en Afrique du Sud.

En effet, le passage à l’âge adulte se fait par la circoncision que des adolescents subissent dans un lieu retiré en pleine nature dans lequel ils vont rester plusieurs semaines.

Encadrés par des "instructeurs", les initiés sont formatés à l’avenir qui les attend : se marier et faire des enfants.

L’histoire porte sur un jeune homme venant de la ville, obligé de subir ce rituel par son père, et qui ne se reconnaît pas dans les valeurs prônées. Ce dernier est sous la juridiction d’un homme, lui aussi différent, qui ne revient chaque année s’occuper des jeunes que pour retrouver son ami d’enfance.

Tous les comédiens, à l’exception du deuxième rôle adulte joué par l’acteur de théâtre Bongile Mantsai, sont amateurs. Ils ont été choisis, car ils parlent la langue de l’ethnie et ont suivi le rituel, à l’exception du jeune personnage principal, miroir d’un autre monde.

Ces derniers ont modifié leurs répliques en fonction de leurs vécus et souvenirs et le réalisateur leur a laissé carte blanche dans les discussions montrées dans l’œuvre, ce qui donne une très forte touche de réalisme à une histoire co-écrite par des hommes ayant aussi fait ce rituel.

Il faut souligner la qualité de prestation des trois acteurs principaux, Niza Jay Ncoyini formidable en jeune qui ne s’en laisse pas remontrer, Bongile Mantsai parfait en homme fort qui paraît sans faille, et Nakhane Touré superbe en instructeur à la conscience pas nette.

Le long métrage est tourné en pleine nature et à la beauté des paysages, la bande son, reproduisant fidèlement l’environnement sonore des lieux, apporte un vrai charme.

C’est à une très intéressante œuvre sociologique que nous invite le réalisateur John Trengove. Celle à la fois d’une tradition ancestrale, toujours d’actualité, mais aussi celle portant sur les questionnements d’un homme différent étant obligé de composer avec le monde qui l’entoure, viril et puissant, alors qu’il ne rêve que d’amour et de tendresse.

Les initiés est un film original et passionnant à découvrir, montrant que quelles que soient les coutumes et traditions, la nature humaine profonde est la même où que l’on se trouve, qu’importent sa religion, sa couleur et la société dans laquelle on a grandi. C’est aussi une très belle et dramatique histoire d’amour qui plane sur un long métrage, parfois à la limite du documentaire anthropologique.

Nécessaire et poignant.

IA

Afrique du sud, montagnes du Cap Oriental. Comme tous les ans, Xolani, ouvrier solitaire, participe avec d’autres hommes de sa communauté aux cérémonies rituelles d’initiation d’une dizaine d’adolescents. L’un deux, venu de Johannesburg, découvre un secret précieusement gardé… Toute l’existence de Xolani menace alors de basculer.

 Durée du film : 1 h 28
 Titre original : The Wound
 Date de sortie : 19/04/2017
 Réalisateur : John Trengove
 Scénariste : John Trengove, Thando Mgqolozana, Malusi Bengu
 Interprètes : Nakhane Touré, Bongile Mantsai, Niza Jay Ncoyini, Thobani Mseleni, Gamelihle Bovana, Halalisani Bradley Cebekhulu, Inga Qwede, Sibabalwe Ngqayana
 Photographie : Paul Özgür
 Montage : Matthew Swanepoel
 Musique : Joao Orecchia
 Costumes : Lehasa Molloyi
 Décors : Bobby Cardoso, Solly Sithole
 Producteur : Elias Ribeiro, Cait Pansegrouw pour Urucu Media
 Distributeur : Pyramide Distribution

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