Star Trek Strange New Worlds : Critique 2.07 Those Old Scientists

Date : 26 / 07 / 2023 à 17h00
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STAR TREK STRANGE NEW WORLDS

- Date de diffusion : 22/07/2023
- Plateforme de diffusion : Paramount+
- Épisode : 2.07 Those Old Scientists
- Réalisateur : Jonathan Frakes
- Scénaristes : Kathryn Lyn & Bill Wolkoff
- Interprètes : Anson Mount, Ethan Peck, Rebecca Romijn, Jesse Bush, Christina Chong, Celia Rose Gooding, Melissa Navia, Babs Olusanmokun, Carol Kane et Paul Wesley

LA CRITIQUE FM

Le crossover entre Strange New Worlds et Lower Decks avait été annoncé de longue date comme un évènement majeur de la seconde saison de la série Paramount+. Il y avait beaucoup d’interrogations concernant la façon dont les équipes de Secret Hideout allaient gérer un mix entre deux séries qui, si elles sont censées se dérouler dans le même univers, sont assez opposés dans la forme et dans le fond.

L’intérêt de l’épisode est, selon moi, justement de faire interagir deux personnages dysfonctionnels en provenance de Lower Decks avec un équipage qui est sensé, j’ai bien dit sensé, être plus structuré. Si les situations ne m’ont pas fait hurler de rire, je trouve globalement que l’épisode respecte son objectif et est donc très réussi.

Des deux transfuges, c’est Jack Quaid qui tire le mieux son épingle du jeu. Dans la gestuelle et les expressions faciales, on retrouve vraiment le Boimler du dessin animé. Tawny Newsome, quant à elle, offre une Mariner toujours aussi énervante mais plus cool dans sa gestuelle que sa contrepartie animée.

C’est aussi l’occasion d’avoir de nombreux easters eggs à l’écran. Pour la petite histoire, je rappelle que la voix du Commander Ransom est Jerry O’Connell et que celui-ci est le mari de Rebecca Romijn. Cela ne manque pas de sel de voir son personnage s’exclamer devant le poster de Boimler que "Numéro Una est l’officier le plus sexy de l’histoire de Starfleet" !

Those Old Scientists est une respiration dans cette seconde saison de Star Trek Strange New Worlds.

LA CRITIQUE YR

SNW 02x07 Those Old Scientists était en effet un épisode très attendu, essentiellement par les fans de la série animée Lower Decks, qui — à travers un cross-over avec une série live — était supposée y gagner un supplément d’être (et de canonicité).
Mais l’attente portait également sur l’astuce que les showrunners allaient pouvoir trouver pour faire se rencontrer deux équipages à la fois séparés par le temps (un bon siècle dans la chronologie) et par le paradigme modal (une série live supposée sérieuse vs. une série animée parodique) sans pour autant violer la chronologie et la crédibilité internaliste.
Les auteurs allaient-ils inventer pour l’occasion un épigone du Nexus méta-temporel de ST Generations ou bien un interfaçage d’expression comme dans Farscape 03x16 Revenging Angel (où la rivalité entre John Crichton et Scorpius fut déclinée dans le style cartoonesque du Roadrunner & Wile E. Coyote de Chuck Jones).
Malheureusement rien d’aussi élaboré, la high concept SF demeurant toujours loin de l’horizon de Secret Hideout.

Pour tout cross-over, SNW 02x07 Those Old Scientists se contente d’un banal voyage temporel, peut-être le plus banal jamais mis en scène sous le label de Star Trek, car provoqué par les habituelles clowneries des personnages de Lower Decks… qui cette fois n’ont rien trouvé de mieux que d’aller faire les kékés sous l’arche d’un antique portail temporel (celui de la planète Krulmuth-B). Quelques holo-photographies souvenir (émettant des radioisotope) par Samanthan Rutherford, et hop le portail s’active, aspire Brad Boimler, et l’envoie non pas ad patres mais au sein de l’équipage de SNW quelque 120 ans avant. Finalement Beckett Mariner viendra rejoindre son comparse un peu plus tard pour inaugurer un running gag, à savoir l’arrivée chronique de "gamins" du futur en uniforme de Starfleet dont chacun tentait d’aller chercher le précédent à travers le portail Krulmuth-B pour s’y retrouver piégé à son tour (à la consternation impuissante de l’équipage de SNW).
Mais... miracle... c’est sous leur forme humaine (et non plus animée) qu’ils parviennent dans le champ intradiégétique de SNW, ce qui évite à l’épisode une hybridation simultanée animation/prise de vue réelle façon Casper ou Bob l’éponge (qui auraient peut-être été loufoque mais très décrédibilisante pour du ST), tout en offrant aux spectateurs le privilège de découvrir Jack Quaid et Tawny Newsome en chair et en os.
Et tout ça tombe plutôt "bien" pour leurs personnages, car justement ces incorrigibles trekkies de Lower Decks parlaient avec convoitise de Pike et de son équipage juste avant le drame ! Ils ne rêvaient en fait que d’une chose (sans forcément l’admettre) : rencontrer leurs idoles du passé... dont ils connaissaient bien entendu par cœur chaque détail, chaque inflexion, chaque recoin de la "vie télévisuelle" dans les épisodes de ST TOS, ST TAS... et désormais SNW. Le portail ancien de Krulmuth-B permet donc à la fois de voyager dans le temps, de passer d’un univers animé en 2D à un univers live en 3D, et de réaliser les vœux (pas si) secrets des voyageurs imprudents.
L’épisode s’offre ainsi du méta transgénérationnel à bon compte, mais pas à la façon du chef d’œuvre ST VOY 04x23 Living Witness, plutôt à la façon de Mystery Science Theater 3000 où l’externalisme raille l’internalisme.

Si vous ne souhaitez pas vous plonger dans une analyse exhaustive du contenu (fatalement riche en spoilers), veuillez cliquer ici pour accéder directement à la conclusion.

Dès lors, les détails des péripéties résolutives importent peu, l’essentiel du rhème résidant dans la collision méta-soapy entre les trekkies du 24ème siècle post-ST TNG (qui roulent pour ceux du 21ème) et les cadors du 23ème siècle pré-ST TOS...
On invente donc pour la circonstance l’horonium (dont jamais Star Trek n’avait fait mention auparavant) absolument indispensable au portail pour fonctionner à nouveau (et renvoyer les deux garnements en uniforme à leur époque). Mais évidemment "comme par hasard", cette mystérieuse substance a disparu du quadrant depuis un siècle ! Voilà qui est aussi peu crédible que la disparition complète du dilithium dans le 32ème siècle de la troisième saison de Discovery. L’artifice scénaristique est (une nouvelle fois) tellement gros que ce serait insulter la cause climatique que d’y voir un quelconque message ; ou alors le message serait tellement contreproductif qu’il en deviendrait juste bon à flatter les climatosceptiques par son invraisemblance !
En tout état de cause, l’enjeu — ou plutôt le prétexte de l’épisode — consistera à trouver de l’horonium quand même.
Après quelques essais de synthèse foireux de l’horonium évoquant les expériences de chimie amusante de Gaston Lagaffe (avec explosions rigolotes garanties), ce sont les memberberries de South Park 20x01 Member Berries (et le musée de Starfleet de Picard 03x09 Võx) qui fourniront la solution : le fétichisme des protagonistes de LD pour SNW s’avère "contagieux" — à la façon d’un mème — et il dévoile alors le propre potentiel de fétichisme des protagonistes de SNW pour ST ENT (en particulier Erica Ortegas pour Travis Mayweather et Nyota Uhura pour Hoshi Sato) ! Dès lors, eurêka, il apparait que le NX-01 d’Archer contenait de l’horonium ; or comme la tradition veut qu’un fragment d’un vaisseau décommissionné soit placé dans le sein même du vaisseau qui lui succède, l’USS Enterprise contient aussi de l’horonium. Et voilà. C’était finalement tout simple. Donc check pour le retour vers le futur.
Il faudra quand même avaler qu’une substance (l’horonium) employée pour des vaisseaux construits dans le système solaire au moyen de ressources locales (car à l’aube de l’exploration spatiale terrienne en 2151) ait "aussitôt" disparu (dès 2259) de tout le quadrant galactique ? Un bébé kelpien aurait-il pleuré un peu trop fort quelque part dans la galaxie ?
Il faudra également oublier que le NX-01 Enterprise de ST ENT a été désaffecté en 2161 (avant la naissance de l’UFP à la genèse de laquelle il a contribué) tandis que l’USS Enterprise de ST TOS (et de SNW même si ce n’est clairement pas du tout le même vaisseau) a été mis en service en 2245. Rien de moins que 84 ans les séparent (!), et à moins de vraiment chercher à faire de l’UFP l’expression de l’impérialisme terrien, le vaisseau amiral du Starfleet de la Fédération ne succède pas directement au vaisseau pionnier du Starfleet de la Terre (pas plus que le porte-avion USS Enterprise CV-6 de 1936 ne succédait directement au voilier trois-mâts de 1874). Mais ces subtilités n’ont aucun sens pour les télévores de LD qui réduisent la diachronie de l’in-universe à ce qui existe dans les épisodes TV. Auquel cas en effet, à la façon de la virtualité des premiers épisodes de WandaVision, il n’y a rien entre ST ENT 04x22 These Are The Voyages et ST TOS 00x01 The Cage (et ces deux épisodes s’enchaînent tant qu’à faire).
Il faudra enfin en passer par une partie de cache-cache (façon ST TOS 04x19 The Pirates Of Orion) et de poker-menteur (l’ancien portail de Krulmuth-B en échange de graines de tritriticale pour la colonie de Setlik 2 sachant que dans ST TOS 02x13 The Trouble With Tribbles ce sera du quadritriticale pour la colonie de Sherman) avec l’équipage du vaisseau D’Var commandé par le capitaine Harr Caras, au sein duquel sert "comme par hasard" l’arrière-grand-mère (Astrea) de D’Vana Tendi de LD (que le Kurtzmanverse est petit !). Ces scientifiques orions souffrent beaucoup d’être amalgamés à leurs compatriotes pirates (même si lesdits scientifique sont eux aussi un peu pirates quand même), et Boimler réussira à gagner le cœur de Caras (et en même temps un droit de passage) en lui parlant d’un monde (enfin d’une époque) où tous les Orions ne sont plus automatiquement pris pour des pirates (même quand ils se sont). On est trekkien woke nominaliste ou on ne l’est pas.

L’essentiel de l’attention est donc porté sur le spectacle (supposément) inénarrable offert au main cast de SNW par les duettistes Boimler et Mariner en mode prétérition, c’est-à-dire annonçant sans cesse qu’ils ne révéleront rien du futur tout en ne cessant de le révéler. Il y a un faux air de ST TNG 05x09 A Matter Of Time dans ce spectacle, si ce n’est qu’ici l’escroquerie ne vient pas seulement de Berlinghoff Rasmussen (ou de ceux qui le remplacent) ! Elle est en fait bien plus profonde, systémique...

Cela commence par le présupposé de départ, totalement révisionniste, avancé par les personnages de LD, à savoir qu’il y aurait plein de portails temporels antiques partout, au point que chaque geek de l’USS Cerritos aurait son préféré ! Et attention, il ne s’agit pas là de découvertes ultérieures à ST Nemesis (entre 2379 et 2381)… mais carrément antérieures à ST TOS !
Pourtant, c’est dans ST TOS 01x28 The City On The Edge Of Forever (en 2267 soit huit ans après SNW 02x07 Those Old Scientists) que l’équipage de l’USS Enterprise avait découvert le premier portail antique connu de la Fédération (le Guardian Of Forever). Les réactions de surprise et d’incrédulité des protagonistes de la série originale (à la pointe des connaissances de Starfleet puisqu’aux commandes de son vaisseau amiral) ne laissent aucun doute sur la primauté, tout comme les conséquences en matière d’étude et de surveillance (ST TAS 04x02 Yesteryear). Il faudra ensuite attendre près d’un siècle pour qu’un second portail soit découvert dans ST TNG 02x11 Contagion (en 2365) mais strictement spatial (et non temporel) quant à lui, suivi d’un troisième dans ST DS9 04x24 To The Death (en 2372). Et ces deux derniers portails (même pas temporels) ont été détruits par les héros eux-mêmes afin de ne pas laisser un pareil avantage à une puissance adverse, c’est dire à quel point le ST historique mesurait alors le game changer que représentait de tels artefacts sur le grand échiquier géostratégique. Avec pour corollaire que la survie pouvait imposer de détruire prophylactiquement de pareilles merveilles d’ingénierie avant même de réussir à percer leurs secrets...
Mais dans SNW/LD que voit-on ? Eh bien, les portails temporels sont tellement banals qu’on s’en fout, au mieux on y fait des visites touristiques. Pike en a même découvert un en 2259, huit ans avant ST TOS 01x28 The City On The Edge Of Forever, et c’était de toute façon un non-événement. Si ce n’est pour permettre à Boimler et Mariner de cesser leur bavardage incessants (en les renvoyant le plus vite possible à leur époque), l’objet ne représentait qu’un enjeu mineur car il se négociait avec les Orions contre des... céréales ! Lumineux.
C’est vraiment à croire que le FakeTrek ne mesure ni la valeur ni les implications de quoi que ce soit, alors qu’un seul portail de ce genre, correctement étudié et utilisé, pouvait assurer à n’importe quelle espèce — a fortiori agressive comme les Orions — une suprématie historique sur toutes les autres par une réécriture chirurgicale de l’Histoire. Si tout le monde avait accès à de tels portails, la Temporal Cold War n’aurait pas attendu le 31ème siècle pour débuter, elle aurait été initiée bien avant ST TOS. Mais le ver était déjà dans le fruit de cette inconséquence crasse dès DIS 02x12 Through The Valley Of Shadows avec les cristaux temporels magiques du monastère de Boreth... qui auraient dû offrir une suprématie aux Klingons sur tout le monde et depuis toujours.
Ne craignant pas le ridicule, le déchiffrage laborieux par Uhura des inscriptions figurant sur le portail de Krulmuth-B conclut à une paternité des… Nausicaans ! Une des espèces les plus primaires (et imbéciles) du STU, à peine plus évoluée que les caricaturaux Pakleds ! Voilà pourquoi, en guise de mode d’emploi, la seule information portée sur l’artéfact sera tautologique et traduite par « Ceci est un portail temporel » (typique de l’humour copyrighté Lower Decks et arrachant tout au plus un sourire). N’empêche, si même les Nausicaans ont fabriqué de tels portails dans leur antiquité, franchement qui ne l’a pas fait ?
Et comme pour renforcer encore davantage le systématisme de ces portails, SNW 02x07 Those Old Scientists multipliera les clins d’œil visuels à Stargate… où le portail Krulmuth-B en fonctionnement ressemble à s’y méprendre à la porte des étoiles (au bémol de deux anneaux au lieu d’un), et c’est tout juste si on ne devine pas les héros de SG-1 devant. Oui Stargate, un univers où presque chaque planète habitable de la Voie Lactée possède son portail spatial (et qui peut toujours devenir temporel au besoin). Message reçu.

Ensuite, il y a la mécanique temporelle en elle-même. Non contents d’avoir exposés plusieurs personnages majeurs de SNW aux voyages dans le temps dès la seconde saison de DIS puis périodiquement dans SNW, les scénaristes n’ont pas pu s’empêcher d’en remettre une couche bien grasse dans SNW 02x07 Those Old Scientists. Alors qu’avant ST TOS 01x06 The Naked Time (en 2266), Starfleet et ses officiers n’avaient pas collectivement et officiellement connaissance de la simple possibilité de voyager dans le temps ! Certes, il pouvait y avoir eu auparavant quelques "flirts" temporels individuels isolés et classifiés (comme ceux d’Archer et de T’Pol face à la TCW). Mais désormais, c’est tout l’équipage de l’USS Enterprise qui y est exposé, or celui-ci est en grande partie commun à celui de ST TOS ! Du coup, cela revient à transformer la plupart des personnages de la série originale en hypocrites et en menteurs quand ils feront mine de tomber des nues devant le recul temporel accompli pour la première fois par l’USS Enterprise à la fin de ST TOS 01x06 The Naked Time, tandis que Kirk lui-même deviendrait le dindon de la farce (tout le monde saurait sauf lui). Exactement comme pour les Gorns qui ne pouvaient être connus de Starfleet et des ressortissants de la Fédération avant ST TOS 01x19 Arena (sauf à vouloir ridiculiser Kirk et son équipage), et pourtant ils constituent l’ennemi principal récurrent de SNW neuf ans avant ! Un choix qui en dit long sur la compétence ou l’intention des auteurs.
Toujours est-il que SNW 02x07 Those Old Scientists est la parade des anachronismes. Mais tout le monde ne le remarquera pas, car cela porte sur les tropismes mêmes de l’équipage de SNW. Or à force d’avoir été biberonnés d’histoires temporelles sises à des époques ultérieures, les trekkers finissent par avoir des réflexes instinctifs d’habitués, de vieux routards… au contraire de ceux des héros de ST qui évoluent durant des ères pré-temporelles. Et il en est de même pour les scénaristes de Secret Hideout qui ne pensent aucunement la psychosociologie de la chronologie de façon [diachronique… tout en faisant mine d’exhiber un fétichisme envers ST ENT qui pourraient presque être touchant — or la série prequelle fut justement une référence de l’étude comportementale évolutive au gré des connaissances acquises.
Mais ici, c’est tout l’inverse, jusqu’à l’absurde... Ainsi, l’équipage de SNW n’est pas supposé avoir vécu d’expérience temporelle auparavant. Pourtant, il identifie d’emblée l’artéfact de Krulmuth-B comme un portail temporel, et Boimler comme un voyageur venu du futur ! Pas un seul instant cette version des faits n’est contestée, personne de doute des affirmations de Brad, nul voix ne s’élève pour envisager d’autres hypothèses (lorsqu’on songe aux débats nourris sur ce sujet à bord du NX-01 dans ST ENT…). Par contre, tous les protagonistes de l’USS Enterprise de Pike s’érigent d’emblée en gardiens zélés de la Netiquette temporelle, à commencer par La’an qui énonce religieusement la Temporal Prime Directive (en substance)… un siècle avant qu’elle ne soit inventée ! (Un effet de son "trauma" personnel de SNW 02x03 Tomorrow and Tomorrow and Tomorrow ?) Ou Chin-Riley qui fait avec paternalisme la leçon à Brad sur le flux temporel. Ou encore Chapel qui met savamment en garde Boimler contre l’empoisonnement par chronitons… alors que ces particules ne seront détectées qu’au 24ème siècle (le siècle de Brad justement) et la pathologie associée seulement dans ST TNG 05x24 The Next Phase. Et ça continue de plus belle durant tout l’épisode…

Lorsque les héros un minimum expérimentés, donc postérieurs à SNW, voyageaient dans le passé, ils avaient en général le scrupule acéré de préserver (ou restaurer) la timeline d’où ils provenaient. En revanche, ils ne se préoccupaient jamais du devenir de ladite timeline au-delà de leur époque d’origine, non par je-m’en-foutisme, mais parce que ça sortait légitimement de leur champ de compétence (et tout simplement de leur possibilité d’action). En mécanique temporelle, leur devoir allait à leur présent (et donc à leur passé), mais non à un avenir inconnu dont ils ne pouvaient raisonnablement s’ériger en gardiens (corolaires du libre-arbitre). C’est la raison pour laquelle dans ST TNG 05x09 A Matter Of Time, les protagonistes de l’USS Enterprise D (pourtant expérimentés sur les questions temporelles) n’ont jamais eu à cœur de se soucier de la préservation d’un avenir (non écrit pour eux) dont Berlinghoff Rasmussen prétendait provenir. Au contraire, Picard soumettait le voyageur temporel à une pression constante pour tirer un maximum d’informations utiles sur les choix à faire, car c’est bien l’optimisation de présent qui le préoccupait. À chacun ses responsabilités en quelque sorte.
Mais SNW 02x07 Those Old Scientists inflige un spectacle kafkaïen lorsque ses héros sans expérience et même sans réelle compréhension temporelle s’érigent en "policiers du temps" au nom d’un futur dont ils ne savent rien et dont ils prétendent ne rien vouloir savoir. À croire qu’ils veulent "péter plus haut que leur…". En réalité, c’est au niveau d’irresponsabilité ahurissant des protagonistes de LD — quand bien même upgradés en prise de vue réelle (mais ça ne change rien sur le fond) — que l’on doit cette complète inversion des rôles : les voyageurs du futurs sont tellement immatures et incontinents que ce sont les "ignorants" du passé qui en sont réduits à les cornaquer et les recadrer tout le temps au nom d’un avenir qui ne les concerne pourtant en rien (et s’il le faut au détriment de leur propre présent). Soit une inversion des rôles anachroniques et qui montre à quel point il a été nécessaire de courber et customiser SNW pour pouvoir accommoder LD.

Du coup, dans le registre des incongruités (qui pourront certes en faire rire quelques-uns), l’épisode en aligne des belles :
- Pike répétera à l’envie qu’aucune information du futur ne doit filtrer pour préserver la timeline de Boimler (quel dévouement !), et pourtant il ne cessera de suivre les recommandations omniscientes du visiteur (voire obéir à ses "ordres du futur"), pour le regretter après (au vu des résultats souvent contreproductifs), avant de recommencer ensuite (incorrigiblement). Peut-être que cette inconséquence permanente est supposée être aussi un running gag, mais le capitaine de SNW n’en ressort pas grandi.
- Car dans le même temps, Pike et son staff reprocheront les indiscrétions des voyageurs du futur tout aussi imperfectibles sur le mode « - Vous avez recommencé là ! / - Oups, je ne peux pas m’empêcher ». En fait, c’est là un mécanisme très Lower Decks qui repose sur un éternel recommencement. Qui est le plus puritain dans ce match : les personnages de LD... ou ceux de SNW... en faisant mine de s’offenser à l’idée d’apprendre quoi que ce soit du futur tout en ne demandant pas mieux ? "Non" veut dire "oui" en somme. Un hommage à l’esprit #MeToo probablement...
- Tout le personnel de la passerelle se retourne en rang pour ne pas voir comment Boimler upgrade (avec ses connaissances du futur) l’une des consoles de la passerelle pour permettre à l’USS Enterprise de pister le D’Var ayant volé (par téléportation) le portail de Krulmuth-B (qui se souvient de SG-1 08x10 Endgame ?). La scène se veut comique, mais c’est une coquetterie de Tartuffe, car c’est bien le personnel de la passerelle qui fera ensuite usage de ces "améliorations". Or leur mémoire ne sera pas effacée, et pire, rien ne suggèrera dans l’épisode que Brad démantèlera ensuite son installation.
- In fine, Boimler aura surtout cherché à éviter que l’USS Enterprise ne détruise le D’Var afin de préserver la vie d’Astrea, pour que son arrière-petite-fille D’Vana Tendi ne cesse pas d’exister dans LD. Et pour cela, son arme de fan fut l’obséquiosité, en cirant sans cesse les pompes de Pike dans le style : « Trouvez la solution pacifique. Je sais que la diplomatie compte parmi vos très nombreux atouts. Aux côtés de la patience, du pardon, de la bienveillance, et de votre belle coiffure. » C’est sûr qu’avec de si belles paroles, on se met n’importe qui dans sa poche. Mais dans le cas où Brad n’était pas hypocrite (probable car "fan d’abord" et "fan toujours"), ses attendus tombaient dans le diallèle. Car si Christopher est bel et bien le diplomate bienveillant invoqué, il n’était pas nécessaire de chercher sans cesse à le réfréner dans ses décisions de commandement comme si s’agissait d’un tueur psychopathe.
- Le capitaine semble ici dépourvu de personnalité et de volonté propre, tel un fétu porté par la brise temporelle. Soit Pike s’assume en boy-scout au service du futur (et pas seulement du présent), et il confine alors sans complexe les égarés de l’an 2381 pour éviter au maximum les interférences (et la triche). Soit Pike assume se foutre d’un futur qui pour lui n’est pas encore écrit, et il accepte sans honte de se laisser mener par ces fanboys et fangirls qui en savent tellement plus que lui et qui en plus le vénèrent tel un dieu. Mais on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre tout au long de l’épisode.
- Una refuse (elle aussi) dogmatiquement d’apprendre quoi que ce soit sur l’avenir... tout en étant obnubilée par le sien propre. Rien ne l’émerveillera donc davantage que de découvrir qu’elle deviendra dans le futur une pop idol du recrutement de Starfleet sur toutes les affiches publicitaires indissociables de la devise "Ad Astra Per Aspera" (mise à l’honneur dans l’épisode éponyme), et accessoirement le fantasme personnel de Boimler. Outre divers jeux de mots sur la polysémie de la locution "pin-up" (dont pour une fois Mariner fait mine de ne pas en comprendre le sens contemporain), cela offrira certes au premier épilogue (à bord de l’USS Cerritos au 24ème siècle) un Easter egg ironique (de plus) lorsque le Cmdr Ransom (de LD) déclarera en voyant l’affiche accrochée dans le casier privé de Brad qu’elle fut l’officière la plus sexy de toute l’histoire de Starfleet (sachant que Jerry O’Connell est le mari à la vie de Rebecca Romijn). Mais il reste très peu crédible que les flyers de recrutement de la fin du 24ème siècle s’appuient sur une figure du milieu du 23ème (c’est comme si les États-Unis continuaient à employer aujourd’hui la fameuse affiche "I want you for U.S. Army" créée par James Montgomery Flagg). De plus, avoir érigé ainsi en parangon de Starfleet une Augment semble excessif et incompatible avec ST DS9 05x16 Doctor Bashir, I Presume ? (où même si un Amélioré génétique pouvait servir dans Starfleet en 2373, il n’était pas pour autant question d’en faire la promo en le prenant pour modèle pour un nouvel EMH). Alors après avoir inventé une politique discriminatoire digne du 19ème siècle, SNW tente maintenant de transformer SNW 02x02 Ad Astra Per Aspera en vecteur token pour "utopiser" en accéléré la société trekkienne selon un schéma intersectionnel anachronique...
- Il est difficile de ne pas détecter dans l’obsession de Mariner pour Uhura — impliquant notamment son désir groupie de la rencontrer et sa compulsion maître/disciple de ne surtout pas la décevoir — un tropisme communautaire s’inscrivant dans le crypto-ségrégationnisme (mental) qui suinte de la société américaine actuelle. Un réflexe foncièrement woke qui jure dans l’utopie universaliste trekkienne. Certes, l’épisode a bricolé un vague alibi internaliste : Uhura serait tellement "cool as hell" (sic) que ça justifierait chez Mariner le désir impérieux de la prendre pour modèle et le besoin pressant d’aboucher ! Mais tout ça est un peu court, car le script ne peut pas répondre en quoi Nyota est une pionnière en internaliste. Dès lors, la vraie explication est externaliste (comme quasiment à chaque fois chez Secret Hideout), et ce n’est donc plus du Star Trek (mais un agenda politique contemporain).
- Spock est désormais assailli de crises de fous rires à pleines dents (par exemple chaque fois qu’il entend quelqu’un associer l’intelligence au hasard). Ces séquences sont tellement outrées et artificielles, outre de survenir comme un cheveu sur la soupe, qu’elles en revêtent un caractère grossièrement parodique, comme si LD avait déteint sur SNW, et que Spock était devenu un personnage cartoonesque dans son propre univers live. Il semble au minimum être resté le comic relief de l’affligeant SNW 01x05 Charades, un simple jouet entre les mains de l’équipage, et un prétexte iconoclaste pour faire écarquiller les yeux. Boimler s’imaginera au départ que son intrusion temporelle fut la cause de ce glitch comportemental, mais un échange dans un turbolift avec Chapel lui révélera que cette involution résulte de leur relation intime. Outre d’être une tentative ratée de commenter la franchise en mode méta, quel est le rapport avec la choucroute ? Spock-Quinto n’avait jamais connu de pareils symptômes dans le cadre de sa relation avec Uhura dans les film Kelvin, et du coup il réussit rétrospectivement à paraître moins anti-Vulcain que Spock-Peck ! Puis lorsque Boimler exhorte le Vulcain à se conformer à son profil futur (car après s’être payé un max de fun, s’agit quand même de redevenir raccord avec le canon), ce dernier déduira que sa phase actuelle est nécessaire à ce qu’il deviendra par la suite ! Ou comment tenter de justifier n’importe quoi dans le cadre d’un paradoxe de prédestination tout en insultant la trajectoire de Spock dans ST TOS et les six films...
- Durant un moment, émerge la perspective d’un retour impossible dans le futur, avec pour consigne corollaire (héritée notamment de ST First Contact) de devoir vivre en ermite pour préserver la timeline. Une humilité inimaginable pour Mariner tant elle est accro d’elle-même, de l’exhibitionnisme de ses diarrhée verbales et d’Instagram). Sous l’effet des conseils à contremploi de tatie Pelia (« J’ai toujours fait semblant d’être celui que je voulais être, et puis un beau jour je le suis devenu »), les deux voyageurs prendront la décision de contacter en loucedé l’Orion Harr Caras afin d’échanger le portail temporel (inutile sans horonium) contre le tritriticale (car spécialement traité pour pousser sur Setlik 2 et en nourrir les colons). Un acte apparemment altruiste de leur part (et qui pourrait laisser penser que les deux garnements ont muri au contact des prises de vue réelles), mais qui est en réalité motivé par l’incontinence (« j’en ai ma claque de m’inquiéter pour le futur » dira Beckett comme si elle et Brad s’en étaient jamais soucié) dévoilant donc une irresponsabilité paroxystique envers les conséquences sur la timeline (exactement à l’instar de Raffi et de la plupart des autres protagonistes durant la seconde saison de Picard). Visiblement à ce stade, Boimler et Mariner étaient résignés à ne plus pouvoir repartir, et "f**k" le futur d’où ils viennent ! C’est avec un naturel déconcertant qu’ils semblaient donc soudain se foutre totalement de ne jamais retrouver leurs proches et leurs familles, voire de les plonger peut-être dans le néant (en cas de lourde altération de la timeline), confirmant le manque d’épaisseur de ces personnages strictement virtuels.
- Leur communication clandestine depuis un navette du hangar ayant été détectée (et apparemment bloquée) par Uhura), Brad et Beckett sont interrompus dans leur élan par La’an qui les conduira d’autorité (et sous la menace d’un phaser) dans les quartiers de Pike (où comme de bien entendu, il fait la popote en bonne fée du logis qu’il est). À noter, dans le registre de la forme, le réalisme visuel/sonore de la scène en amont où Boimler et Mariner se dissimulaient en conspirateurs dans le hangar de l’USS Enterprise en assistant dans l’obscurité au trafic des navettes (même si ces impressionnants mouvements de décollage n’avaient guère de sens à ce moment précis du récit).
- Comment se fait-il que, même dans les moments de "dépit", aucun des deux visiteurs n’ait songé à d’autres moyens temporels (que ce portail de Krulmuth-B) pour revenir à leur époque ? Eux qui connaissent chaque épisode de la franchise par cœur, ils sont bien placés pour ne rien ignorer des nombreuses autres méthodes employées par leurs autres idoles (ultérieures) pour voyager dans le temps. Mais là soudain, leur fétichisme de trekkies ne leur est plus d’aucune aide. Comme c’est curieux…
- Évidemment, ce que Boimler et Mariner ne pouvaient deviner à ce stade, c’est qu’un paradoxe de prédestination venait (comme d’habitude dans le FakeTrek) couvrir (et déresponsabiliser) toutes les inconséquences décisionnelles et tactiques, y compris lorsque Pike laisse avec le plus grand naturel à Harr Caras le portail durant la dernière scène sur Krulmuth-B (où le capitaine du D’Var attendait le détachement de l’USS Enterprise suite à la transmission de Mariner qu’Uhura n’avait finalement pas réussi à bloquer) ! Nul ne songe aux avantages stratégiques que les très dystopiques Orions pourraient tirer de cette technologie... Qu’importe, puisque les auteurs permettent à Brad et Beckett de retrouver leur 24ème siècle inchangé jusqu’à en comprendre les causes (qu’ils ont eux-mêmes provoquées) de la différence de narratif entre la Fédération et D’Vana Tendi (quant à la paternité de découverte de ce portail).

Bien entendu, comme toujours dans SNW, la finalité diégétique de l’épisode n’est aucunement SF mais strictement soap et autocentrée. Il s’avère donc que la venue de Boimler et Mariner avait surtout pour fonction de faire prendre conscience à Christopher Pike que son temps était compté jusqu’à ST TOS 01x15+01x16 The Menagerie (comme s’il ne le savait pas vu qu’il s’est engagé à se sacrifier en vain au nom d’une timeline qu’aucun auteur ne respecte). Et donc, plutôt que de s’isoler avec une bouteille de whisky (dans le chalet de pêche de la lune glacée de Setlik 2) à l’occasion de son anniversaire (qui marque le dépassement de l’âge de décès de son père avec qui il se disputait mais qui lui manque), le capitaine Pike consent à le célébrer aux côtés des VIPs de son équipages (car il leur manquera tant lorsqu’il aura disparu comme le lui fait comprendre Boimler grâce à sa légendaire "sagesse du futur").
Voici donc l’audacieuse morale de SNW 02x07 Those Old Scientists : « célébrez vos anniversaires avec vos potes tant que vous le pouvez encore, pauvres mortels ». Puissant et profond ! Ça valait bien la peine d’aller deux siècles et demi dans le futur, à des centaines d’années-lumière de la Terre, et même à la frontière multidimensionnelle entre la 3D et la 2D.
Et pour appuyer cette leçon de choses essentielle, elle se voit délivrée au format animé (tout comme le générique de l’épisode) – le tord-boyau Delaq d’Orion étant un passeport pour Flatland (mais hélas pas celui d’Edwin Abbott Abbott).
Bah ! La beauté alien de la surface de Krulmuth-B vaut tous les déplacements...

Conclusion

Toute la voute temporelle de SNW 02x07 Those Old Scientists relève du paradoxe de prédestinationagain. Un type de voyage dans le temps parfaitement raccord avec l’innéisme messianique de la Marque K depuis 2009, car ne laissant aucune liberté réelle aux personnages. Car quoi qu’ils fassent, c’était déjà prévu dans la timeline… même s’il faut en passer par son effacement (préalable et "temporaire"). Cette idée était très originale et conceptuelle la première fois dans ST TAS 04x02 Yesteryear (il fallait que Spock en passe par son propre effacement pour lui permettre de continuer à exister). Mais par la suite, le Star Trek historique a eu la sagesse de ne pas abuser de ce schéma certes audacieux mais far fetched, pas plus que des paradoxes de prédestination (ou Pogo paradox) plus classiques.
Mais dans le FakeTrek, c’est devenu la norme. Toute la saison 2 de Picard est un paradoxe de prédestination sur le modèle de ST TAS 04x02 Yesteryear, car l’effacement de la timeline par Q au profit d’une horreur ultra-dystopique était (semble-t-il) une étape nécessaire pour permettre la ligne temporelle de la série (comme l’a implicitement confirmé Picard 02x10 Farewell étant donné le rôle crucial joué par Rios durant le 21ème siècle pour le futur trekkien). Idem pour SNW 02x03 Tomorrow And Tomorrow And Tomorrow où (si l’on fait abstraction du nawak des Guerres eugéniques) l’effacement de la timeline de SNW était une étape nécessaire pour la permettre (sans sa rencontre avec La’an au 21ème siècle, la millénaire Pelia ne serait probablement pas devenue ingénieure au 23ème siècle). Et rebelote avec SNW 02x07 Those Old Scientists où certes, il n’y a pas d’effacement/altération de timeline cette fois, mais où sans le voyage au 23ème siècle de Boimler et de Mariner, la postérité n’aurait pas partagé la découverte du portail de Krulmuth-B entre Starfleet et les scientifiques orions.
Donc sur ça, comme sur le reste, l’unicité ou du moins la singularité originelle (qui faisait toute la force et la sève originelle de Star Trek) devient une recette, une martingale, et même un système. Un chapitre sur lequel Lower Decks est — davantage encore que les autres séries kurtzmaniennes — à la pointe. Mission : banaliser et trivialiser à l’extrême ce qu’était jadis Star Trek.

Il en est de même pour les courbettes et les trépignements des groupies de LD… Au départ, le film First Contact avait innové en confrontant la postérité (La Forge, Barcley…) à la réalité démystificatrice d’une icône ayant changé l’histoire de l’humanité (Cochrane). Puis il y eut ST DS9 05x06 Trials And Tribble-ations avec l’enthousiasme de Jadzia Dax pour le 23ème siècle (non par fétichisme mais parce qu’elle y a vécu ses "vies antérieures" de Trill) et la coquetterie de Sisko l’ayant poussé à présenter ses respects à Kirk.
Alors qu’est-ce qu’en a fait Lower Deck ? Un système évidemment ! Tous ses "héros" perdent littéralement la tête devant n’importe quelle figure ou n’importe quel lieu apparaissant dans les productions antérieures de ST, chaque reliquat d’épisode étant vénéré comme une relique sacrée…
C’est tout juste si Boimler ne s’évanouit pas en découvrant la passerelle de l’USS Enterprise (à croire qu’il n’en a jamais vu dans son siècle). Et son « Oh my God » est d’ailleurs un peu déphasé par rapport aux idiotismes trekkiens. Tout se passe comme s’il s’agissait de trekkies du 21ème siècle dont le rêve était devenu réalité ; et c’est en suscitant de telles projections que l’épisode tente de draguer une partie du public.
Et il y a une multitude d’autres exemples de systématisation et systémisation de ce type. C’est même — avec l’anachronisme façon Kaamelot — le principal fonds de commerce pseudo-humoristique de LD.
Mais ce que les apprentis sorciers de Secret Hideout ne comprennent pas, c’est que c’est la transformation de toute les audaces créatives originelles en systèmes industriels qui drainent et siphonnent implacablement Star Trek... en le réduisant progressivement en mort-vivant. Car il n’y a plus la moindre création conceptuelle, uniquement un recyclage usinier et émétique de ce qui fut imaginé entre 1964 et 2005.
Pour employer un langage appartenant au champ de l’écologie, Kurtzman & co sont des industriels opportunistes qui exploitent de façon intensive (donc non équitable) la création de leurs prédécesseurs (donc une énergie non renouvelable)... jusqu’à l’épuisement complet du sol puis sa transformation en désert.
Et c’est ainsi que Tricatel transforme la grande cuisine en malbouffe. Mais si les séries live de Secret Hideout le font surtout par voie de médiocrité, Lower Deck le fait par voie de saturation. Ce qui est en réalité pire du fait de son préjudice rétroactif.
Alors oui, riez… tant que vous le pouvez. Mais le prix est plus élevé qu’il n’y parait. Et un jour, personne ne rira plus. Car Star Trek aura été totalement vampirisé et vidé de sa substance.

Le Star Trek historique possède à son actif une ribambelle d’épisodes humoristiques, et parfois méta mais en internaliste seulement, à l’exemple de (liste non exhaustive) : ST TOS 02x13 The Trouble With Tribbles, ST TOS 02x20 A Piece Of The Action, ST TNG 06x08 A Fistful Of Datas, ST DS9 03x03 The House Of Quark, ST DS9 03x16 Prophet Motive, ST VOY 06x17 Spirit Folks, ST ENT 02x05 Night In Sickbay...
Il n’y a en revanche jamais eu de méta externaliste car ses producteurs-showrunners historiques (Gene Roddenberry, Harve Bennett, Rick Berman…) ne voulaient pas prendre le risque de porter atteinte à sa crédibilité interne. Seules des parodies, n’appartenant pas à l’univers canon, pouvaient jouer ce rôle (Galaxy Quest, Red Dwarf, The Orville…). Cependant, le True Star Trek avait failli une seule fois franchir cette ligne rouge, avec le projet originel (hélas avorté) de Ronald D Moore pour l’épisode anniversaire des trente ans de la franchise dans lequel les Sigma Iotians de ST TOS 02x20 A Piece Of The Action auraient singé Starfleet à la façon de trekkies contemporains (ce projet fut remplacé par ST DS9 05x06 Trials And Tribble-ations). Il serait malgré tout possible d’estimer que les épisodes ST TNG 06x12 Ship In A Bottle, ST VOY 05x01 Night, ST VOY 05x13 Bride Of Chaotica !, ST VOY 06x24 Muse, et ST VOY 07x20 Author, Author frôlent (de diverses façons) la mise en abyme.
Avec Lower Decks, l’objectif était d’offrir dans chaque épisode du méta externaliste qui prendrait place dans l’univers canon, ce qui constitue presque une impossibilité au sens du principe d’indétermination (ou d’incertitude) de Heisenberg. Car comment concilier les implications d’une parodie/satire méta (une exagération irréaliste à travers un prisme externaliste de la réalité internaliste) et le canon (la réalité brute des faits en internaliste).
Presque... car il existerait malgré tout une ouverture consistant à révéler tôt ou tard que l’animation de LD ne prétend pas être une représentation fidèle des faits (comme toute œuvre canon l’implique par définition), mais une surcouche fictive (ou logicielle) qui viendrait "colorer" la réalité, c’est-à-dire un récit encadré (ou enchâssé) parodique à l’intérieur d’un récit-cadre (ou enchâssant). Par exemple un programme audiovisuel du 24ème siècle développé par des officiers de l’USS Cerritos qui relateraient de façon fantaisiste, autoparodique et dans un style très 21ème siècle vintage (à l’attention par ex. d’ados ou de passéistes) les aventures à la base très sérieuses de leur vaisseau, non sans rappeler la parodie holographique que fit l’EMH et ensuite Tom Paris de l’épopée de l’USS Voyager dans ST VOY 07x20 Author, Author. Cette approche aurait d’ailleurs pu ouvrir sur une méta-SF plus conceptuelle, pour légitimer en in-universe le médium anime afin d’en tirer une réflexion sur les différents niveaux et modes de représentation. Quoi de mieux en effet pour enrichir culturellement un univers imaginaire que d’en explorer les arts (créativité) et les outils (communiquer). Par exemple imaginer des extraterrestres de type Tamarians, mais dont le langage ne serait pas métaphorique mais cartoonesque. Mais faut-il encore pour cela avoir une ambition intellectuelle et une vision d’auteur, à l’exemple d’un Joe Menosky.
Auquel cas, SNW 02x07 Those Old Scientists représentait une belle opportunité… qui n’a pas du tout été saisie. Et cette porte pleine de promesses et de potentialités est donc désormais définitivement fermée. Certes, Boimler et Mariner sont sortis de l’animation et se sont incarnés (comme pour suggérer que LD n’était qu’une surcouche de représentation), mais hormis quelques variations d’intonations de voix, rien ne les distinguait vraiment sur le fond par rapport au dessin animé : irresponsabilité, immaturité et fétichisme indignes d’officiers de Starfleet (et même d’humanoïdes de l’utopique Fédération) ; quasiment le même débit aussi soûlant qu’irréaliste (pour psalmodier des logorrhées aussi imbuvables, il faut les avoir apprises par cœur ou les lire dans un studio)... Alors si surcouche il y a, elle est à peine caricaturale.
De plus, le rôle exact du portail Krulmuth-B reste ambigu : l’animation 2D n’existe systématiquement que d’un côté, tandis que de l’autre, ce serait juste l’effet éthylique du Delaq d’Orion (qui "défonce la tête" dixit Mariner) ; en outre, la première réaction de Brad lors de son arrivée au 23ème siècle est plutôt éloquente (« vous avez l’air très réalistes » s’écrie-t-il en voyant Una, Spock et La’an à la surface de Krulmuth-B) ; la lantern (mais inversée) au moyen de laquelle l’épisode prétend s’en tirer (lorsque Mariner sort à Boimler « quelle époque bizarre, ils parlent lentement. ») renforce l’idée que les personnage proviennent d’une "réalité cartoonesque" (car ni dans ST TNG ni dans Picard, qui que ce soit ne mitraillait au lieu de parler). Les personnages de LD auraient-ils alors conscience de provenir d’un univers de cartoon mais sans le verbaliser explicitement (afin de maintenir l’ambiguïté) ? SNW 02x07 Those Old Scientists serait-il alors un cross-over avec un univers de pure fantasy ?
Mais finalement, par-delà les gros écarts de forme, il y a en amont très peu de contraste de fond entre SNW et LD. Les deux séries se distinguent davantage par le degré que par la nature : déconstruction permanente du worldbuidling, absence de rigueur et récréativité dilettante, masse critique de WTF, fan service plus ou moins cynique, nombrilisme et VIPisme, immaturité autocentrée et manque de professionnalisme des personnages, réification gadget croissante de personnages comme Spock et Ortegas qui semblaient déjà avoir rejoint le bestiaire du cartoon Lower Decks... Si SNW est déjà une parodie, alors LD c’est quoi ? La parodie d’une parodie ? Quel enrichissement pouvait-on alors espérer d’un croisement et d’une interaction entre les deux ?
Eh bien c’est essentiellement la même médiocrité que d’habitude, mais aggravée des (éventuelles) espérances déçues. En outre, le peu de crédibilité qui reste à SNW a été davantage courbée voire sabordée pour servir l’intrusion de LD sans lui apporter quoi que ce soit. Si "bien" qu’au lieu de voir LD tirée vers le haut par SNW, c’est SNW qui a été tirée vers le bas par LD. Il en ressort le pire des deux mondes, où le pseudo-réalisme de SNW et les inconséquences assumées de LD se desservent mutuellement, chaque partie y perdant son alibi stylistique sans rien y gagner en retour. Le "facteur LD" aura surtout consisté à faire venir des trekkies sur le plateau de tournage et aura eu pour effet de transformer les personnages de SNW eux-mêmes en trekkies.
En définitive, ce cross-over annoncé en grande pompe ne s’est même pas fendu d’un script digne de ce nom : un portail magique, une histoire indigente, un moteur de narration principalement externaliste (et non internaliste), pas la moindre plus-value (pour aucune des deux séries impliquées), une volonté de faire passer l’entre-soi feel good sympa pour de l’humour (mais le véritable humour demande du talent), et finalement une avalanche de nouvelles incohérences à l’attention de l’univers Star Trek (qui part davantage en sucette à chaque épisode).

Du coup, en SF "sérieuse" (non intrinsèquement parodique), avoir réussi diverses formes partielles (et subtiles) de métas externalistes et de mises en abyme (fissurant plus ou moins le mur de Bertolt Brecht) mais en total respect du canon et de l’internalisme, cela reste encore et toujours les privilèges exclusifs des univers de :
- The X Files/Millennium (avec entre autres The X Files 03x20 Jose Chung’s ’From Outer Space’, Millennium 02x09 Jose Chung’s ’Doomsday Defense’, The X Files 05x05 The Post-Modern Prometheus, The X Files 07x12 X-Cops, The X Files 07x19 Hollywood AD...),
- de Farscape (par un décalage diégétique quasi-permanent qui ne sacrifiait pourtant jamais la cohérence in-universe),
- et de Stargate (avec notamment SG-1 05x12 Wormhole X-Treme ! et SG-1 10x06 200).
C’était évidemment là le fruit de l’excellence de leurs auteurs respectifs, mais aussi (soyons équitables) de grand point commun de ces œuvres, à savoir un positionnement chronologique contemporain. Impossible pour Lower Decks de rivaliser évidemment...

Alors pourquoi accorder un zéro en "note Star Trek" à un épisode qui déborde ad nauseam de références à ST (probablement glanées sur les wikis), qui enfile de façon ininterrompue les Easter eggs et les clins d’œil comme d’autres des perles, qui se peinturlure (à s’en étouffer) d’une couche épaisse de Trek calibré et copyrighté en tube et en pommade, qui instaure un culte trekkien sur le modèle télévangéliste ?
Eh bien parce qu’un opus de Star Trek N’EST PAS une convention de trekkies en costumes ! Et il ne suffit pas de venir crier à l’écran en direct live son amour (ou son fétichisme) incontinent des personnages cultes de la franchise, de tambouriner son désir (presque morbide) de les fréquenter et de les imiter, d’exhiber son érudition en "mode Trivial Pursuit trekkien" dans chaque scène (par voie de name dropping ou de quatrième mur brisé) pour faire du Star Trek.
Lorsqu’une œuvre de réduit à la somme de tous les fétichismes dans un micro-univers de bac à sable, ce n’est plus qu’un folklore stérile, le mémorial de la vacuité.
Comme tout monde imaginaire, Star Trek n’a pas conscience de lui-même et ne se met pas lui-même en scène pour flatter les fans énamourés. Dans le cas contraire, donc hélas dans le cas présent, le voile entre internalisme et externalisme est totalement déchiré, éventré même, qui plus est de façon appuyée et revendicative. La production labellisée Star Trek n’est plus qu’un rendez-vous people et une séance de dédicaces.
Derrière le jeu de mot qui pourrait arracher un sourire, le titre VO de l’épisode est lui-même hautement emblématique de la volonté d’importer l’externalisme dans l’internalisme.
L’exploitation, l’anachronisme, la trivialisation, et l’autodérision (profil trendy) ont remplacé la construction, la créativité, la substance, et la suspension d’incrédulité (profil has been). Place à une méga Gloubi-boulga Night pour adulescents en plein trip nostalgie ou cosplay. Aucun mal à ça, cela peut même être sympa et fun. D’autant plus que l’hommage, tout auto-satisfait qu’il soit, est probablement en partie sincère cette fois (merci Mike McMahan !)... comme le sont les meilleurs panels, ateliers et rencontres en conventions.
Mais de grâce, ne qualifions pas ça de Star Trek – ni même de SF – authentique.

NOTE CONVENTION DE TREKKIES

NOTE STAR TREK

BANDE ANNONCE





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