[Théâtre] La Peur : La critique

Date : 21 / 10 / 2016 à 10h00
Sources :

Unification


La Peur est une excellente pièce de théâtre adaptée d’une magnifique nouvelle du grand écrivain Stefan Zweig en 1910.

C’est aussi un texte ciselé par la metteuse en scène Élodie Menant qui en signe l’adaptation et la situe dans les années 50. Des mots incisifs, des phrases savoureuses, des propos merveilleusement écrits forment la trame audible d’un drame savamment mis en scène.

Élodie Menant s’est inspirée d’Hitchcock pour la dramaturgie de sa pièce et elle réussit à créer non seulement une intrigue palpitante réservant des surprises, mais aussi une atmosphère angoissante dans laquelle son personnage principal se perd progressivement.

Car si l’héroïne a peur, sa terreur imprègne le public, le rendant encore plus réceptif à sa lente descente aux enfers quand son adultère non avoué et ses mensonges accumulés l’enferment de plus en plus dans une situation impossible à soutenir.

C’est d’ailleurs de cette infidélité conjugale que vient cette peur dévorante frappant le protagoniste principal. Cette femme, bourgeoise aisée vivant dans les années 50 ne travaille pas et s’occupe de ses enfants. Les tâches ménagères sont effectuées par une domestique, son mari est peu présent à cause de son travail. Cette pléthore de temps libre la pousse à aller trouver ailleurs l’affection dont elle manque.

C’est donc un trio qui se dessine très rapidement, celui du couple et de la femme qui suit à la trace l’épouse. Une femme qui vient perturber cette dernière jusque dans ses pensées.

La mise en scène d’Élodie Menant est constamment brillante, mais elle touche au grand art grâce à la manière dont elle mêle fiction et réalité. Le spectateur en vient à douter de la présence réelle de ce maître chanteur au sein de la maisonnée quand l’héroïne la voit partout et que cette dernière lui répond, véritable voix de sa conscience tourmentée.

Il faut d’ailleurs saluer les décors formidables d’Olivier Defrocourt. Ces derniers, montés sur roulettes, permettent de changer l’espace à volonté. Ainsi, aidé par la scénographie lumineuse, la maison cossue se transforme à volonté en allée lugubre, en cuisine ensoleillée, en bureau assombri, en vaste salle de séjour... Une multitude de lieux différents défilent ainsi sous nos yeux, servant à merveille une intrigue de plus en plus palpitante.

Les costumes et accessoires sont eux aussi très travaillés et offrent, notamment, une belle garde-robe au personnage principal.

Mais la pièce ne serait pas aussi bonne sans son interprétation splendide.

Hélène Degy est tout simplement étincelante. Sa puissance d’évocation est telle que l’on semble étouffer avec elle, ou se liquéfier à ses côtés lorsque son avenir s’assombrit de plus en plus. La comédienne passe avec une grande aisance de la futilité à la dépression entraînant les sentiments des spectateurs sur le grand huit qu’elle vit elle-même sur scène.

Aliocha Itovich est superbe en mari vertueux, avocat de profession, ne supportant pas le mensonge. Droit et imposant, il montre avec talent le manque de compréhension le liant à sa femme avec qui il peine parfois à communiquer. Il est aussi d’une grande justesse lorsqu’il communique la détresse qu’il éprouve face à la dégradation de sa femme.

Quant à Ophélie Marsaud, elle est très bonne en femme attirée par l’argent, n’hésitant pas à plonger sa victime dans la terreur à l’idée de la rencontrer. L’actrice a le rôle ingrat se la pièce en ce personnage détestable porteur de malheur. Mais elle réussit à transcender sa condition lors des caméos qu’elle fait, apparitions troublées de la psyché dégradée de l’héroïne.

La peur est un spectacle magnifique qui tient le spectateur en haleine pendant 1h10. Avec une histoire se déroulant comme un thriller, un trio d’acteur envoûtant et une mise en scène dynamique, on passe un excellent moment de théâtre.

La Peur fait partie de ce genre de pièces dans lesquelles l’interprétation est tellement magistrale qu’à l’issue des applaudissements, on reste sonné sur son fauteuil, abasourdie devant une énergie et une puissance mettant les nerfs à vif.

Éblouissant et passionnant.

INFORMATION

La pièce est jouée au Théatre Michel (38 Rue des Mathurins, 75008 Paris) du jeudi au dimanche à 19h00 jusqu’au 31 décembre 2016.

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SYNOPSIS

Stefan Zweig excelle dans la description des tourments intérieurs de ses héros. Sa nouvelle, La Peur, en est le meilleur exemple. Construit comme un roman à suspense, la pièce se déroule au rythme haletant des angoisses d’Irène, jeune femme adultère traquée par l’étrange compagne de son amant.
Manipulation ? Hallucination ? Comment échapper à cette tourmente sans fin ? On assiste au vacillement d’un couple qui ne se comprend plus… jusqu’au dénouement, véritable coup de théâtre.

Cette pièce, à l’esthétique cinématographique, s’inspire de l’univers d’Hitchcock, notamment du remarquable film Fenêtre sur cour.

Elodie Menant nous offre une adaptation moderne de cette nouvelle de Stefan Zweig, servie par une mise en scène de toute beauté et un trio d’acteurs particulièrement talentueux.

Un spectacle palpitant, fêté par une critique unanime aux trois derniers festivals d’Avignon où la pièce a fait salle comble. La Peur arrive enfin à Paris dès le 07 octobre après deux ans de tournée dans toute la France.

Un spectacle palpitant.


DISTRIBUTION

  • Mise en scène, scénographie et adaptation : Élodie Menant
  • Avec : Hélène Degy, Aliocha Itovich, Ophélie Marsaud
  • D’après : Stefan Zweig
  • Décors : Olivier Defrocourt
  • Lumières : Marc Augustin
  • Costumes : Cécile Choumiloff et Sylvie Lefray
  • Graphistes : Mathieu Stortoz et Salima Glamine
  • Tourneur : Atelier Théâtre Actuel et ZD Productions
  • Durée : 1h10
  • Public : tout public
TARIFS

  • Catégorie 1 : 25 euros
  • Catégorie 2 : 18 euros
  • Rangée OR : 29 euros

Offre « découverte » jusqu’au 30 octobre 2016 (quota limité).

ADAPTATION

"La pièce décortique la chute lente et incontournable d’un couple dont la communication échoue, aspiré par la spirale infernale et angoissante du mensonge. Plongée dans les années 50, je me suis inspirée de l’univers d’Hitchcock et ai élaboré un décor mouvant. Il m’était primordial que la scénographie accompagne ce tourbillon déroutant.

La nouvelle de Stefan Zweig La peur m’offre le fil conducteur de cette pièce, une trame forte et simple, proche de beaucoup d’entre nous, sur un thème universel, le couple et la difficulté à ne pas devenir colocataire du quotidien. Le traitement de cette histoire est plus « complexe. »

Tout d’abord, tous les dialogues étaient à inventer, mais également il me fallait approfondir les personnages, très peu développés dans la nouvelle, imaginer un passé à ce couple, les sujets de conflit, leurs passions respectives, etc.

Le texte initial est composé de 50 pages qui décrivent avec une précision extrême les ressentis d’Irène, rongée par la peur, la culpabilité et le mensonge. Ces sentiments décortiqués, déchiffrés, correspondent à ce que les comédiens doivent jouer, mais il fallait trouver les dialogues qui permettent de les faire exister sans les illustrer et sans glisser dans de l’explicatif. Ce qu’ils disent cachent souvent des non-dits, des émotions qui ne parviennent pas s’exprimer."

Elodie Menant

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La peur



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