Fièvres : la critique
Le "danger" des films sur la banlieue, c’est le cliché. Et bien qu’il s’en défende Hicham Ayouch est bel et bien tombé dedans. Même si l’œuvre est très esthétique et qu’il "sublime" le décor par des prises de vue effectivement de qualité, le fond reste tout de même très léger.
L’histoire très banale du pauvre petit garçon rebelle et mal dans sa peau qui se frotte à la "petite bande locale" et s’isole, à la fois de sa famille et "du reste du monde"... ça n’est pas bien original.
Ce qui sauve le film c’est la rencontre magique avec cet ermite des temps moderne, en plein milieu de nulle-part. Pas assez exploitée à mon goût, car le personnage est fantastique. Mais à l’instar de tous les autres, traité un peu trop en surface...
Et on passe à côté de la magie que cela aurait pu engendrer, tant le garçon ne reçoit "pas grand chose"... et semble considérer l’homme plus comme un simple clochard, rien de plus. Ne lui accordant que quelques sourires ironiques et amusés. Pour ma part, j’aurais aimé le voir passer plus de temps avec cette sorte de mentor, avec qui il aurait pu avoir des conversations plus longues et plus riches... certes, le poète est bel et bien découvert, mais il ne prend pas assez de place dans le récit.
Toute la poésie qu’Hicham Ayouch a voulu mettre dans sa description de la banlieue n’échappe en rien aux clichés du genre, en dépit de ce qu’il affirme. Il ne suffit pas d’y mettre une forme réellement différente, j’en conviens, pour faire oublier qu’on est encore dans "la violence exacerbée" et "l’extrême" qui semblent tant lui plaire.
J’ai grandi en banlieue et j’y vis encore, et si je suis moi aussi convaincue qu’il y règne "aussi une poésie et une immense envie de vivre." Que "Les habitants de ces quartiers sont drôles, attachants et surtout très humains." Que tout ceci combiné, "cette humanité", "est un beau matériel cinématographique, car elle est porteuse d’émotion... " je n’ai pourtant pas constaté l’émotion, vers laquelle Ayouch a prétendu vouloir tendre.
Ses personnages secondaires (hormis le poète) manquent singulièrement de relief. Et le jeu des acteurs, pourtant assez bon, ne relève pas le ton, loin de là.
Où sont donc les habitants drôles et attachants dont il parle ? Le gardien "un peu barré" ? peut-être... (beau personnage de "déglingo", très bien interprété).
J’attends avec impatience, un film sur la banlieue, où on nous montrerait enfin, tous les gens "positifs" qui y vivent... les enfants polis et soignés qui y grandissent, ceux qui ne portent la capuche que quand il pleut... (si, il y en a !), "le dessous de l’iceberg", les commerçants, les enseignants, tous les "acteurs de quartiers", solidaires et amicaux, "pas agressifs"... les associatifs, les créatifs, (pas seulement les tagueurs), les musiciens (et pas seulement les rappeurs)... j’aimerais bien qu’on s’intéresse "aux vrais gens" pour changer. Qu’on leur donne la place qui est la leur dans ce paysage urbain, pas toujours aussi moche (mais cinématographique, je le reconnais) que ça.
Sûr, c’est plus dur de donner envie de regarder des gens heureux, ou au moins "ordinaires", ça manque de piment... mais ceci est un autre débat.
Le film d’Hicham Ayouch est très bien fait. Très beau par moments. Mais il est pour moi, un film de plus sur la banlieue des zonards, de la violence, du "côté sombre". Et ceux-là j’en ai pour ma part une indigestion.
Le genre qui ne me donne pas la fièvre mais me fiche le bourdon.
Déjà trop vu.
A vous de décider.
SYNOPSIS
Déterminé, Benjamin décide à 13 ans d’aller vivre chez son père qu’il ne connaît pas. Benjamin veut grandir. Vite. Karim, lui, habite toujours chez ses parents et se laisse porter par la vie. Il se retrouve démuni face à cet adolescent insolent et impulsif qui va violemment bouleverser leur vie, dans ce quartier aux multiples visages.
BANDE ANNONCE
FICHE TECHNIQUE
Durée du film : 1 h 30
Titre original : Fièvres
Date de sortie : 29 octobre 2014
Réalisateur : Hicham Ayouch
Scénaristes : Hicham Ayouch, Aïcha Haroun Yacoubi, Hafed Benotman
Interprètes : Didier Michon, Slimane Dazi, Farida Amrouche
Photographie : Boubkar Benzabat
Montage : Julien Foure
Costumes : Mathieu Hennion
Décors : William Abello
Producteur : La Vingt-Cinquième Heure
Distributeur : La Vingt-Cinquième Heure
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