Femmes d’Argentine [VOD] : La critique

Si les Françaises ont eu la chance d’avoir Simone Veil, grâce à qui l’avortement a été dépénalisé (en 1975), ce n’est hélas pas le cas dans de nombreux pays, notamment ceux de l’hémisphère sud.
En Argentine - où la pauvreté touche 40% de la population - l’éducation sexuelle et le planning familial sont inexistants, les femmes n’ont pas les ressources suffisantes pour se procurer des moyens de contraception et les viols, l’inceste et la pédophilie sont monnaie courante. Imbu de sa bien-pensance, le patriarcat se cache derrière la religion pour soumettre les femmes à sa dictature sexiste, et l’illégalité de l’avortement pousse des milliers d’entre elles à s’en remettre à des faiseur-euse-s d’anges dont les méthodes s’avèrent souvent létales.
Ce documentaire a d’autant plus de valeur (à mes yeux) qu’il a été réalisé par un homme. Juan Solanas s’est fait invisible : si cette histoire le touche, il ne se l’approprie pas et il fait cadeau de son film à la cause féministe. C’est elle d’ailleurs, le personnage central du documentaire.
Solanas est allé à la rencontre de femmes (et d’une poignée d’hommes qui ont accepté de s’exprimer) qui ont perdu des proches, qui militent, qui participent à la vie politique et qui veulent toutes et tous la même chose : que les femmes aient le droit de jouir de leur corps comme elles l’entendent. Si les témoins focalisent surtout sur le côté sanitaire de l’avortement, certains abordent aussi les violences morales et sexuelles subies par les femmes. Notamment lorsque, arrivant à l’hôpital au bord de la septicémie ou se vidant de leur sang, elles sont harcelées par les médecins et la police pour avoir commis un acte hautement répréhensible. La chasse aux sorcières continue, on est en plein Moyen-Âge au 21ème siècle...
Le film nous montre en alternance les manifestations sonores et animées des foulards verts luttant pour la légalisation de l’IVG, celles - bigotes jusqu’à l’écoeurement - des bleus ’pro-life’, les interventions des sénateurs pour ou contre la loi, et des témoignages souvent poignants. Le débat politique n’est finalement que la partie émergée d’un profond questionnement philosophique et humaniste sur la condition féminine, et on ne peut pas rester insensible aux revendications de ces femmes qui pâtissent encore et encore de l’obscurantisme d’individus et d’institutions qui les considèrent comme des quantités négligeables.
Un documentaire qui montre une fois de plus les limites et les faiblesses de la démocratie : même lorsque le peuple est dans la rue, c’est une poignée de privilégiés, leurs fesses rivées sur des fauteuils confortables et leurs portefeuilles bien remplis, qui décide de son sort.
Âmes sensibles, prévoyez vos mouchoirs... ou vos punching balls.

SYNOPSIS
En Argentine, où l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est interdite, une femme meurt chaque semaine des suites d’un avortement clandestin. Le 14 juin 2018, les députés argentins disent « Oui » à la légalisation de l’IVG. Mais pour qu’il y ait une loi, il faut que le Sénat ratifie le vote des députés. Pendant huit semaines, le projet est âprement discuté au Sénat, mais aussi dans la rue, où des dizaines de milliers de militant-e-s pro-avortement manifestent dans l’espoir d’influencer le vote.
BANDE ANNONCE - EXTRAITS
FICHE TECHNIQUE
Durée du film : 1 h 26
Titre original : Que sea ley
Date de sortie : 20/12/2020
Réalisateur, scénariste, photographie, montage : Juan Solanas
Musique : Paula Moore
Producteurs : Les Films du Sud, Cine Sur, Gameland
Distributeur : Destiny Films - Wild Side Video
Les illustrations des articles sont Copyright © de leurs ayants droits. Tous droits réservés.