Quand les tomates rencontrent Wagner : La critique

Date : 03 / 09 / 2021 à 10h00
Sources :

Unification


À peu près n’importe qui peut faire un documentaire sur à peu près n’importe quoi. Il suffit de savoir se servir d’une caméra, voire d’un téléphone portable, et d’avoir un bon monteur/une bonne monteuse sous la main. Si vous avez la chance d’être cadreu-r-se et monteu-r-se à la fois, l’argent n’est pas vraiment un problème, tout est surtout une question de temps. Vous pouvez avoir un boulot alimentaire, tourner le weekend, monter le soir. Votre documentaire sera fini quand il sera fini, personne ne l’attend de toute façon. Après vous l’envoyez dans les festivals, et vous croisez les doigts que l’un d’entre-eux accepte de sélectionner votre film.

Il ne vous reste plus qu’à trouver le bon sujet. Et ça, ça non plus, ce n’est pas un problème. Car il y aura toujours un public pour s’intéresser à ce qui vous intéresse. Un documentaire sur les chroniqueurs d’Unif ? Imaginez la cible : les lecteurs d’Unif, les nerds et les geeks (ils sont légion), les contributeurs de sites web... Tout dépend de l’angle sous lequel vous abordez votre histoire, et des personnages que vous mettrez en lumière : celui qui écrit des romans-fleuves, celle qui a toujours la remarque sarcastique (ça, c’est moi !), le fan de SF puriste qui met le doigt sur toutes les incohérences... Qui sont-ils ? Pourquoi écrivent-ils pour Unif ? Qu’est-ce qui les passionne ?... Un angle, voyons... s’ils devaient écrire leur film idéal, qu’est-ce qu’ils y mettraient ? On réunit tous les chroniqueurs, on crée une writers’ room, et on alterne les plans où ils nous parlent d’eux et les plans où ils écrivent ensemble un scénario, certains peut-être, pour la première fois de leur vie. Je suis sûre que maintenant que je vous ai mis l’eau à la bouche, vous aimeriez le voir, ce documentaire ! Et c’est pour ça que j’aime tellement le genre : c’est à la portée de tous et c’est universel.

Mais revenons à nos tomates... Peut-être que Marianna Economou, la réalisatrice, connait Alexandros Gousiaris, le héros de ce documentaire. Peut-être qu’elle est la nièce de l’une des charmantes dames qui travaillent pour Alexandros. Peut-être que, tout simplement, elle est tombée par hasard sur une histoire dont le sujet la touchait. Bref, quelles que soient ses raisons ou ses motivations, elle a pris sa camera, son équipe de potes, et elle est partie tourner.

Un documentaire sur des producteurs de tomates, ça n’a pas l’air passionnant vu comme ça. Mais Marianna Economou a un angle, et c’est cet angle qui rend son documentaire intéressant : la survie des petits producteurs agricoles dans une économie toujours plus rude, et l’originalité des moyens qu’ils mettent en place pour ne pas sombrer.

Dans le petit village d’Elias, au milieu de la pampa grecque, une trentaine d’habitants dont la moyenne d’âge tourne autour de 70 ans fait de la résistance : ils ne partiront pas de chez eux, malgré les difficultés qu’ils rencontrent. Alors Alex et son cousin Christos prennent les choses en main et donnent un travail à une demi-douzaine de mamies du village.

Alex est surdoué. Ce n’est pas dit dans le film, mais ça se voit. Il a fait des études, il est charismatique, il a du coeur, et pour lui, business veut avant tout dire survie. Avec Christos, il a mis au point une technique pour faire rougir les tomates (non, il ne se mettent pas à poil devant les plants, comme le raconte la blague !) : ils leur font écouter de la musique. Alex, son truc, c’est la musique classique. Christos, lui, préfère la musique traditionnelle. Alors ils disposent des hauts-parleurs dans les champs et les branchent sur la radio. Ça marche, ça ne marche pas, l’histoire ne le montre pas. Mais c’est le point de départ du documentaire et c’est pour le moins original.

Alex et Christos se sont rendu compte que certains pays étaient friands de plats grecs, et ils en concoctent dans le laboratoire de leur usine. Au menu : sauce tomate et tomates farcies au riz. Alex est aussi apiculteur, et un miel délicieux est mis en pot pour l’exportation. Pendant que son équipe de ’tantes’ comme il les appelle, remplit les pots, il leur fait la lecture, leur donne des cours de maths ou de géographie. Il est vrai que ces charmantes dames n’ont pas eu la chance d’aller à l’école. Elles sont avides de connaissances et boivent les paroles d’Alex. A t-il fait tout ça rien que pour séduire la caméra ? C’est possible, l’histoire ne le dit pas non plus. Mais c’est charmant, c’est touchant, au point qu’on a envie de lui donner un prix ou une médaille pour ses bonnes oeuvres.

Les mamies sont du tonnerre : il y a Olga, Niki, Agathi, Katina et Stavroula. Elles sont flétries, courbées, durement façonnées par la vie mais elles respirent la joie de vivre. Elle collaborent avec enthousiasme à toutes les initiatives d’Alex : un groupe d’élèves français vient visiter leur exploitation ? Qu’à cela ne tienne, elles vont remettre en service l’école désaffectée et préparer un délicieux repas. Pour les motiver (et aussi peut-être pour la caméra ?), Alex les amène en Belgique, à la recherche de leurs produits. Ils les trouvent sur une étagère dans une supérette, youpi ! Mais sont-ils bien appropriés au marché ? Pas vraiment, dit l’importateur. Il faudrait faire quelques ajustements, comme remplacer le riz par de l’orge et du quinoa, ça fait plus tendance. Et Alex et Christos concoctent une nouvelle recette...

Il y a des longueurs, des plans contemplatifs sur les champs, des moments où rien ne se passe, à part la vie bien peu excitante d’un village qui semble figé dans le temps. Mais le sujet est prenant, les personnages sont attachants, et l’humour omniprésent. Ce documentaire raconte une belle histoire humaine qui pourrait servir d’inspiration à de nombreux entrepreneurs comme Alex, et c’est avant tout pour cela qu’il mérite d’être vu.

SYNOPSIS

A Elias, un minuscule village du centre de la Grèce, Alex, un génial entrepreneur au grand coeur, donne un nouvel élan à l’économie locale. Avec son cousin Christos et son équipe de grand-mères, il cultive des tomates, les récolte et les transforme pour l’exportation. ’Christophe Colomb a ramené les tomates d’Amérique’ aime t-il raconter, ’et maintenant, on les leur renvoie’. Une belle aventure humaine servie avec pas mal d’humour et une pointe de philosophie.

BANDE ANNONCE - EXTRAITS


FICHE TECHNIQUE

- Durée du film : 1h13
- Titre original : Otan o Wagner Sinantise tis Ntomates
- Date de sortie : 8/09/2021
- Réalisateur : Marianna Economou
- Interprètes : Alexandros Gousiaris, Christos Takas, Olga Lorida, Agathi Gousiari, Katina Gousiari, Stavroula Govari, Niki Karava
- Photographie : Marianna Economou, Dimitris Kordelas, Argyris Tsepelikas
- Montage : Evgenia Papageorgiou
- Producteurs : Rea Apostolides, Yuri Averof, Spyros Mavrogenis
- Distributeur : Les Films des deux rives


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