[Théâtre] Nina des tomates et des bombes : La critique

Date : 06 / 03 / 2016 à 10h23

Sources :

Du 3 mars au 1er juin, Le Proscenium présente la 1ère édition du festival Cultures de Femmes, Invitation au voyage.

C’est dans ce cadre que l’on peut découvrir Nina des tomates et des bombes. Une pièce de théâtre adaptée du conte philosophique Nina de Marie-Claire Neveu, édité aux éditions Kirographaires.

L’actrice adapte elle-même son livre dans un spectacle qu’elle interprète seule sur une mise en scène dépouillée de Nicolas Bazin. Une petite zone délimitée par un rideau lui permet de changer de costume, un pupitre lui sert d’appui ou d’accessoire modulable, et son unique présence lui sert à occuper l’espace de la scène.

Nina, c’est une femme étrange, parfois un peu folle, de temps en temps poétique qui prend à parti le public et le convainc qu’il fait partie des protagonistes d’une scène géante créée pour elle.

Le texte fait parfois rire, surprend souvent, égare de temps en temps le spectateur pour mieux lui envoyer un uppercut littéral. Les sujets se succèdent sans forcément une transition évidente, mais s’ils s’envolent quelquefois dans le n’importe quoi, la pointe de vérité n’est jamais très loin et fait réfléchir à des thématiques parfois très sombres.

Ainsi à travers le téléphone portable, c’est l’exploitation des ouvriers africains qui meurent au fond des mines pour en extraire des minéraux rares, composants de ces outils électroniques, qui est dénoncée.
Les abeilles et les pesticides, la société de consommation et le gâchis alimentaire, les produits chimiques et le mercantilisme, l’immigration et le destin poignant d’un jeune homme, le tourisme et le capitalisme sont quelques uns des thèmes forts abordés. Tous n’ont pas la même puissance d’évocation, mais chacun y trouvera son compte.

Pour les plus cinéphiles, le passage du drone ne sera pas sans rappeler la bombe parlante du Dark Star de John Carpenter : cynique, hilarant et létal.

Quant à la scène final, c’est une merveille d’écriture avec une mise en mots de l’histoire de l’humanité truculente, savoureuse, réaliste et frappante. Comme quoi, savoir changer les expressions à bon escient peut mettre en valeur certaines choses avec plus de force qu’un discours classique.

Mais la pièce, à travers Nina, ne se cantonne pas à un simple texte, tout aussi bon qu’il soit. Cette dernière interpelle régulièrement les spectateurs qui participent eux-mêmes à l’ambiance. À quelques effets de lumière sobres mais réussis, s’ajoutent de la musique qui vient occuper la scène, surtout quand la comédienne s’éclipse pour changer de costume.

Cette dernière pousse d’ailleurs deux fois la chansonnette et livre deux jolies chansons aux biens belles paroles qu’elle interprète fort bien.

Marie-Claire Neveu est clairement Nina, cette jeune femme tantôt naïve, tantôt brillante qui apostrophe son téléphone et la salle, conte des discours fleuris issus du non-sens et sait émouvoir avec des mots vrais qui vont droit au cœur.

Plus qu’une pièce purement militante, c’est une réflexion parfois dérangeante sur l’humanité et le choix qu’à chacun d’accepter l’intolérable sans sourcilier. Une tartuferie dans laquelle le monde serait le dindon de la farce. Et si les Solanacées peuvent être à l’origine des bombes, peut-être faut-il oser se demander ce qu’est devenue sa tomate.

Nina des tomates et des bombes est une pièce étonnante qui sous couvert d’une drôlerie décalée et caustique n’hésite pas à égratigner faits de société, comportements individuels et collectifs et grandes entreprise. Avec une écriture souvent d’une grande pertinence et d’une ironie indéniable, une mise en scène dépouillée mais efficace et une actrice qui incarne à merveille son personnage, c’est à un étrange voyage, parfois fantasmatique, que le spectateur est invité.

Etonnant et percutant.

INFORMATION

La pièce se joue au Théâtre Le Proscenium (2 Passage du Bureau, 75011 Paris) dans le cadre du festival Cultures de femmes, invitation au voyage à 19h30.

les vendredis 04, 11, 18 et 25 mars 2016 à 19h30
les mardis 05, 12, 19 et 26 avril & 03 et 10 mai 2016 à 19h30

Réservation par téléphone : 07 68 38 32 63

RÉSERVATION
SITE OFFICIEL

Pour les non parisiens, le spectacle sera aussi joué :

vendredi 1er avril 2016 à 21h00 au Caf’Art Théâtre (St Rémy les Chevreuses)
samedi 7 mai 2016 à 20h00 au Théâtre l’Almendra (Rouen)

SYNOPSIS

Dans un seule en scène caustique, poétique, urgent et musical, Nina partage sa découverte du monde, du vrai : mascarade d’origine… incontrôlable !

Nina a des yeux. Elle s’en sert. Elle les ouvre, énormes, sur le monde tel qu’il va, tel qu’il croit aller. Du fin fond de l’Occident à l’Extrême Orient, Nina rencontre des tomates et des bombes, voyage au côté de Fathawi l’Erythréen, bourdonne avec Pchela l’abeille, appelle le Président, convoque Monsieur Science, les puissants, les shampoings, six millions de Congolais, une fleur et un rayon yaourts. Nina, c’est un clown amer, caustique, ganté mais déjanté, plein d’ironie jaunissante mais de cruauté naïve, qui dissèque le non-sens, le grotesque, le scandale. Nina, enfin, c’est nous. En rêve.

DISTRIBUTION

Texte : Marie-Claire Neveu et Nicolas Bazin, adaptation de Nina, publié en mai 2012 chez les Editions Kirographaires
Avec : Marie-Claire Neveu
Mise en scène : Nicolas Bazin
Production : Compagnie de l’Armoise
Durée : 1h00

TARIFS

Plein tarif : 17,99 euros
Tarif réduit (Tarif réduit jeune -26, senior +60, chômeur, intermittents) : 13,99 euros
Pass’culture : 3 spectacles pour 27 euros (soit 9 euros la place)