[Théâtre] Le journal d’un fou : La critique

Date : 29 / 02 / 2016 à 09h30
Sources :

Unification


Le journal d’un fou est l’adaptation théâtrale de la nouvelle éponyme de Nicolaï Gogol écrite en 1835 et traduite en 1845 par Louis Viardot (dont je vous engage de découvrir la très intéressante note de traduction). Ce texte rédigé à la première personne du singulier raconte la descente aux enfers d’un petit fonctionnaire russe qui perd progressivement la tête et annonce des choses de plus en plus invraisemblables.

Le très beau texte d’une quarantaine de pages, en libre accès car tombé dans le domaine public, est savoureux à découvrir et son adaptation en est très bien faite avec des coupes bien maîtrisées et une légère réactualisation de certains termes un peu datés.

Ainsi adapter ce texte russe du 19ème siècle était déjà un challenge en soi. Rester seul sur scène pour interpréter la pièce est un véritable tour de force, d’autant qu’il ne s’agit pas d’un one-man show dans lequel les blagues fusent régulièrement.

En effet, malgré ses incohérences qui font sourire et des répliques qui partent parfois où on ne les y attend pas, il s’agit bien d’un drame qui se déroule sous les yeux des spectateurs. Il faut donc à l’acteur capter ces derniers pendant une heure sans avoir à sa disposition des artifices comiques ou explosifs. D’autant que la dernière partie laisse entrevoir le traitement violent que subissaient les fous de l’époque en Russie, et sans nul doute ailleurs.

C’est aussi à la mise en scène d’accaparer le spectateur. Bruno Dairou a réussi une scénographie très pure qui permet à l’acteur d’envahir l’espace et transforme la scène au grès des scénettes. Les déplacements sont très étudiés et participent à la tension du drame, d’autant que le comédien est parfois amené à s’adresser directement au public ou à se déplacer parmi lui. Les séquences figées qui marquent le passage des différents jours sont très bien trouvées et ponctuent la pièce d’un étrange compte à rebours entrainant le spectateur dans les profondeurs de la folie.

La création lumière d’Antoine Laudet met aussi fort bien en valeur la pièce et l’acteur. Elle est bien maîtrisée et la régie lumière répond parfaitement aux différents effets de l’acteur. Sans compter que la gestion du son est elle aussi impeccable, toujours en osmose avec le comédien, mais n’accaparant jamais plus l’attention qu’il ne faut.

Mais c’est vraiment l’interprétation d’Antoine Robinet qui force l’admiration. Ce dernier, seul en scène n’a aucun droit à l’erreur, d’autant qu’un décor minimaliste (un banc, une caisse, des feuilles au sol), ne lui permet pas de s’effacer de scène un seul instant. Que ce soit la position de son corps, la modulation de son phrasé, la projection de sa voix, jusqu’à sa respiration, tout est maîtrisé à merveille par un comédien impressionnant qui incarne avec un grand talent un personnage dont la folie se fait de plus en plus prégnante. Un protagoniste fort attachant qui à travers une vie et des espoirs simples sombre dans une démence qui l’englouti inexorablement.

Le journal d’un fou est une excellente pièce de théâtre qui après avoir été créée en Avignon off en 2013, puis reprise en 2014, 2015 est jouée depuis le 29 décembre 2015 à Paris. Le spectacle s’est d’ailleurs déroulé dans un théâtre comble. Et si la salle n’est pas très grande, cet espace permet une certaine proximité avec l’acteur et permet de s’immerger en plein cœur du drame de la folie.

Avec une belle mise en scène, un jeu de lumière maîtrisé et un acteur impressionnant, c’est un très beau moyen de découvrir un grand auteur russe du 19ème siècle à travers cette superbe adaptation de l’une de ses œuvres majeures.

De plus la très belle affiche de Romain Arnaud-Kneisky réussit à transmettre l’impact d’un spectacle dense et addictif qui ne relâche l’attention du spectateur que sur une magnifique dernière réplique.

Une belle expérience et une réflexion saisissante sur les arcanes de la folie.

INFORMATION

Le spectacle est joué jusqu’au 20 mars 2016, tous les vendredis et samedis à 20h30 et les dimanches à 16h30 au Théâtre Le Guichet Montparnasse (15 rue du Maine 75014 Paris).

Réservation par téléphone au 01 43 27 88 61 (du mardi au samedi, de 14H à 18H). Les places sont réservées jusqu’à 1/4 d’heure avant le début de la représentation.

Remarque :

Le spectacle commence à l’heure.
L’entrée n’est pas garantie après le début de la représentation, même avec une réservation.

- RÉSERVATION INTERNET
- SITE OFFICIEL

SYNOPSIS

« Le Journal d’un Fou » est sans doute l’œuvre majeure de Nicolaï Gogol.

On y rencontre un héros bien singulier : un petit fonctionnaire dans un ministère du tsar nous fait découvrir sa stupéfiante destinée à travers ses Mémoires de plus en plus étrangement rédigées.

On y apprend qu’il parle le chien couramment, qu’il évite les collisions stellaires et qu’il est promis au trône d’Espagne !
Ce texte incisif, émouvant et à l’humour tendre est un chef-d’œuvre de la littérature russe.


DISTRIBUTION

  • Texte : Nicolaï Gogol
  • Traduction d’après : Louis Viardot (1845)
  • Mise en scène et direction d’acteur : Bruno Dairou
  • Interprétation : Antoine Robinet
  • Création lumières : Antoine Laudet
  • Graphisme et mise en page : Romain Arnaud-Kneisky
  • Production / édition : Compagnie des Perspectives
  • Durée : 1h00
  • Tout public
TARIFS

  • Plein tarif : 20 euros
  • Tarif réduit (étudiants / chômeurs / 60 ans + / groupes à partir de 10) : 15 euros
  • Tarif Kiosque (Montparnasse / Madeleine et CE) : 10 euros
PRḖSENTATION

La stupéfiante destinée d’un petit fonctionnaire qui devient roi d’Espagne !

Le journal d’un fou est sans doute l’œuvre majeure de Nicolaï Gogol. On y rencontre un héros bien singulier : dans un ministère du tsar, un petit fonctionnaire nous fait découvrir sa stupéfiante destinée au travers de ses Mémoires de plus en plus étrangement rédigées. On y apprend qu’il parle le chien couramment, qu’il évite les collisions stellaires et qu’il est promis au trône d’Espagne ! Ce texte incisif, émouvant et à l’humour tendre est un chef-d’œuvre de la littérature russe. Réédité́ par la Compagnie, il est ici présenté́ dans sa version originelle (Louis Viardot, 1845).

CARNET DE NOTE DE LA CRÉATION

Reprendre un texte de 1845. Quel intérêt ? Quelle idée ? Est-ce assez contemporain ? Est-ce encore accessible aujourd’hui ? Et là, la découverte d’une traduction centenaire qui marque la drôlerie, l’actualité, la folie comique, la tragédie de la perte de contrôle. Désormais, c’était ce petit bijou auquel il fallait fournir un écrin. En route pour le voyage.

Recherche avec l’acteur : comment rendre la folie ? Comment dire assez, faire rire sur le tragique ? La forme fixée par ce journal décalé que tient le héros, comment la rendre mobile, y inscrire une progression dramatique et le choc de la folie, du dédoublement, en jouant de l’absurde des situations mais sans sombrer dans le surjeu facile autour d’un être grimaçant à force de se dissoudre dans son propre oubli.

Moments inouïs de la répétition ; quel art parfait serait le théâtre si la représentation n’en était pas le prolongement nécessaire. Car quoi de plus humain, de plus inscrit dans l’éternité et dans l’héritage de la mémoire collective, que la prescience quasi divine de l’acteur dont les gestes s’aguerrissent, empruntent à quelque source cachée au reste de l’humanité. Et qui tracent peu à peu des formules magiques, découvrent des rites au-delà des évidences du quotidien et y inscrivent une courbure si spécifique qu’elle donne à ressentir, à éprouver, à soudain vouloir vivre fort, plus fort en tout cas, et qui finissent par décrire l’intérieur des prisons de l’imaginaire pour mieux les rejeter au profit d’une réalité augmentée par la sacralisation du vécu : comment, ce que cet homme ou cette femme me dit sur scène, je pouvais le ressentir en propre, en creux, au cœur de chaque émotion ? Et, par là même, rentrer de plain pied en communication avec cette humanité qui témoigne alors de mes richesses enfouies au temps même où elle exprime son caractère le plus unique ; ce serait donc, le théâtre, une espèce de sorcier africain qui utilise son propre sang pour faire entendre la voix des dieux qui hurle par la plaie pour quelques minutes encore béante.

Je refuse tout avilissement de cette magie de l’instant qu’emprunte le génie de l’acteur. Car, si le metteur en scène sait se taire à temps – son verbe est si pauvre comparé à celui du médiateur campé sur la scène qui attend pourtant ses indications – c’est tout un monde qui conflue vers cet espace où les hommes qui contemplent se comparent. Les chrétiens des temps bornés qui refusaient la terre bénite aux comédiens leur rendaient le plus bel hommage mais par un effet miroir qui surgissait à leur insu. Ce n’est pas parce les acteurs veulent s’égaler à Dieu mais parce qu’ils le surplombent et lui offrent chaque jour l’opportunité de ne pas se dissoudre dans la mémoire collective qui vieillit si vite qu’ils sont dangereux. En quelque sorte, chaque acteur porte en lui une part de la mémoire du monde.

GALERIE PHOTOS

Le journal d'un fou


© Compagnie des Perspectives 2015 - Jessy Conjat
© Compagnie des Perspectives 2015 - JC Lallias

© Compagnie des Perspectives 2015 - Romain Arnaud-Kneisky


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