Casting sauvage : Rencontre avec l’équipe du film
A l’occasion de la projection de Casting sauvage, nous avons rencontré Galaad Hemsi, Raphaël Delétang et Clément Vieu, personnes multitâches dans leur film (scénariste, réalisateur, producteur…), qui ont répondu avec enthousiasme aux questions du public qui était en grande partie composé d’acteurs.
Voici la retranscription des échanges qui ont eu lieu.
Comment avez-vous commencé l’aventure du film
J’étais chef opérateur dans une émission de télé-réalité, Raphaël et Clément étaient directeurs de casting. Chaque jour nous voyions 80 à 100 personnes. Et nous devions leur faire faire n’importe quoi. C’est à partir d’une discussion que Casting sauvage est né. Nous voulions mettre en valeur les acteurs et ne pas faire seulement un grand bêtisier. Nous avons choisi une qualité d’interprétation différente pour un personnage unique. C’est un véritable défi car nous pouvions faire des images très belles : nous avions un chef opérateur et l’accès à de bonnes caméras. Mais nous ne voulions dans notre film aucuns artifices et nous avons donc choisi des caméras basiques et une prise de son casting afin de respecter au mieux l’esprit d’un casting.
L’évolution du son a été un sous-design car ce dernier a été progressivement retravaillé en post-production.
Un autre défi été de travailler dans un lieu unique. Notre idée au départ était d’avoir un véritable décor, mais nous avons décidé d’y renoncer car ce qui était intéressant était le jeu des acteurs.
Le tournage a eu lieu sur quatre ans.
Est-ce que les comédiens étaient au courant de la véritable raison de votre casting ?
Très peu de personnes étaient au courant de ce que nous faisions. Toutes les situations ont déjà été vécues. Elles ont été retranscrites par des amis ou des comédiens qui ont passé un casting. Selon ce qu’on leur demande, les acteurs jouent où subissent.
Tous les acteurs qui apparaissent dans le film ont vu ce dernier et ont donné leur accord. Il s’agissait de personnes qui étaient soit au courant du film que nous voulions faire, soit ont apprécié leur prestation et ont voulu apparaître dedans.
Lorsque nous avons fait passer le casting, les comédiens n’avaient que trois scènes pour s’exprimer. Même si certains acteurs sont nos amis, ils n’ont pas forcément été retenus pour le montage final du film. De toute manière les gens que nous connaissions ne nous connaissent pas tous les trois ce qui nous permettait de garder la maîtrise du casting.
Nous avons reçu 1600 candidatures sur quatre ans.
Pouvez-vous revenir sur votre choix de ne pas avoir mis de décors, car votre lieu unique fait un peu ghetto ?
Le lieu dans lequel nous avons fait passer le casting était dans une école préparatoire à une école d’art. C’était un lieu pratique pas très loin de là où habitait le réalisateur Galaad Hemsi. Nous avions dans l’idée de faire passer le casting dans une salle blanche, mais ce n’était pas possible pour un film de plus d’une heure.
Dans la salle nous avions des tabourets, des tags, des néons qui marquaient les ombres sur des murs. Et les comédiens ont créé parfois leurs propres outils : ils ont mis en scène les tables, ont transformé les tabourets en lits… Ils se sont servis de ce qui se trouvait dans la salle.
La réalisation a duré quatre ans et le décor a aussi évolué.
Pourquoi la scène de nu ?
C’est une scène que nous avons déjà vécue. Nous voulions montrer le pouvoir du réalisateur dans un casting. Où se trouve la limite ? Lors des castings que nous avons menés ou que nous avons subis, on peut demander n’importe quoi, même quelque chose d’invraisemblable, et les acteurs ne disent jamais rien. Je me souviens de castings de Téchiné, le directeur de casting teste les limites des acteurs. C’est parfois traumatisant.
Est-ce que la fille qui a fait la scène de nu savait qu’elle serait dans le film ?
Nous voulons protéger les comédiens. Il y a quatre-vingt acteurs dans le film et il n’y a pas de manque de respect de notre part. Il n’y avait pas de comédien mauvais.
Dans le film on voit certains comédiens qui expliquent leur personnage. Quel était votre temps de travail ?
Les scènes duraient 15 minutes et comme la scène était répétée 3 fois, on a rarement dépassé les 45 minutes par acteur. Le film oscille entre documentaire et fiction. Beaucoup de comédiens s’identifiaient aux personnages. La scène de nu permettait de voir comment réagissait un acteur.
La scène répétée 3 fois est un esprit casting. Cela permet de garder la fraicheur du personnage. L’acteur n’a pas le temps d’acquérir d’automatismes.
Lorsqu’à l’issu des 4 ans de casting nous avons fait le montage, nous avons appelé les acteurs qui apparaissent dans le film. Nous avons été pas mal insultés. Tous ceux que nous avons contactés ont accepté d’être dans le film sauf une actrice qui n’a pas voulu voir notre premier montage et un acteur qui n’a pas voulu apparaitre dedans. Evidemment ces personnes ne sont pas dans la version finale qui sort en salle.
Avez-vous payé les acteurs ?
Nous avons signé un contrat avec les acteurs qui sont dans le film dans l’éventualité de la sortie de ce dernier. Cela permet au comédien d’être vu. Nous avons fait preuve d’honnêteté avec les acteurs qui ont passé le casting dès le début. Même si ces derniers ne savaient pas que les scènes qu’ils jouaient feraient partie du film si leur interprétation était retenue.
Si le film marche un peu, ces derniers toucheront une rémunération.
Déjà certains acteurs travaillent sur un film ou dans des publicités grâce à Casting sauvage.
Le film permet de montrer des visages nouveaux à l’écran.
Vous avez eu 1600 demandes, comment s’est effectué votre choix de casting final ?
Dans un premier temps, nous avons posté des annonces correspondant aux différents personnages du scénario, puis nous avons fait une sélection à partir de photos.
Le premier casting a réuni 300 acteurs sélectionnés sur photos dont 100 personnes sont vraiment venus passer le casting. Cela a été le premier jet de notre film. Puis nous avons fait venir des comédiens qui étaient nos amis mais nous ne les avons pas forcément retenus car ils ne correspondaient pas toujours aux personnages du film.
Nous avons fait plusieurs mixages. Les acteurs que nous avons retenus ne sont pas forcément liés à leur qualité de comédien ou d’interprétation. En effet dans un film un acteur qui interprète un personnage a parfois un vrai charisme même s’il est moins fort dans son jeu scénique et du coup il apporte quelque chose en plus à son rôle.
Lorsqu’on rate un casting, ce n’est pas toujours lié à sa qualité de jeu. Il y a des comédiens qui sont comme des diesels : ils ont besoin de plus de 3 scènes pour pouvoir trouver leur rythme, alors que d’autres sont meilleurs dans la première prise et deviennent moins bons lorsqu’il y en a plusieurs.
Le son du début n’est pas terrible. Pourquoi ?
Au début, nous avons utilisé un son casting donc pas très bon. Puis nous avons évolué : nous avons mis 3 caméras et nous avons changé la prise son. Les comédiens se posaient parfois des questions quand ils entraient dans la salle où ils passaient le casting.
Quel était le parcours des comédiens ?
Certains comédiens qui nous avaient convaincus ont été rappelés pour passer une nouvelle scène. C’est pour cela qu’on voit certains comédiens plus souvent que d’autres dans le film.
Nous avons aussi voulu mélanger les couleurs de jeux des acteurs. Lors du montage nous montrons parfois la même scène avec un acteur qui joue un personnage super énervé et un autre qui l’interprète avec beaucoup de douceur.
Comment avez-vous géré la perception de la réponse d’un acteur au vu du contexte de la salle de casting, surtout ceux qui vous connaissaient ?
Les acteurs ne nous connaissaient jamais tous les trois. Cela nous permettait d’échanger nos rôles et de mettre un directeur du casting, un scénariste ou un réalisateur différent selon la personne qu’il connaissait, comme dans sur un véritable tournage en fait. Cela nous permettait de garder le contrôle sur la façon dont se passait le casting.
C’est aussi le directeur du casting qui décidait s’il était doux ou bourrin en fonction des acteurs qui passait le casting. Casting sauvage a été fait avec perversion afin d’obtenir le meilleur et le plus surprenant de la part de nos acteurs.
Comment avez-vous géré la réaction des comédiennes pour la scène de nu ?
Dans un casting, tout dépend de la contrainte. En effet, si le film a des scènes de nu, on peut demander aux acteurs d’interpréter des scènes de nu.
Un comédien est un professionnel, c’est un métier et on évalue dans un casting leur prestation.
Sur un film le réalisateur fait ce qu’il veut. Le directeur de casting doit juger le rôle et trouver la meilleure personne pour l’interpréter.
Le nu n’a rien de dégradant. Dans Casting sauvage, c’est la situation dans laquelle apparait le nu qui rend mal à l’aise vu qu’il n’y a pas de décors et une simple table basse comme accessoire.
Vous pouvez remarquer qu’au début de la scène, la comédienne a la main serrée puis quelque chose se passe entre elle et l’autre comédien et on trouve progressivement une certaine sensualité dans la scène.
Les comédiens doivent faire vivre la scène comme pour la course-poursuite : nous avons montré une chose plus chaude et une autre plus froide.
Qu’en est-il de la scène de course-poursuite ?
Nous n’avons montré dans le film qu’environ 10% de ce à quoi nous avons eu droit lors du casting. Le reste n’était pas montrable, pas forcément parce que c’était mauvais, mais parce que ça partait parfois tellement en vrille que ça ne rentrait pas dans le cadre du film.
Avez-vous pensé à mettre en parallèle deux Rémi (le personnage principal du film) en même temps ?
Nous avons fait un test pour le film, mais cela ne fonctionnait pas. Nous avons testé beaucoup de pistes et fait beaucoup d’essais. Mais tout ce qui faisait perdre le fil de l’histoire a été abandonné.
Dans la scène des baffes, avez-vous été naturel ou avez-vous interprété un personnage (question au réalisateur Galaad Hemsi) ?
Comme nous l’avons déjà dit, le réalisateur a tout pouvoir, dans le film et sur un casting s’il est présent. Galaad s’est fait violence pour interpréter un réalisateur caractériel. C’était très difficile. Mais c’est déjà une chose que nous avons vécu dans des castings auxquels nous avons assisté.
Lorsqu’un réalisateur demande à l’acteur de faire quelque chose et qu’il ne l’obtient pas, il y a va. C’est ce qui s’est passé dans le film : le réalisateur s’est déplacé pour montrer comment donner de vraies gifles puisque l’acteur n’arrivait pas à le faire.
Le film est composé de 3 parties : une partie reportage/documentaire, une partie action et une partie qui mélange les deux composantes précédentes. Cela nous oblige à parfois brusquer le jeu. Cela nécessite aussi de la part du réalisateur de se transformer parfois en comédien pour obtenir ce qu’il veut. Ce n’est pas que de la perversité.
Casting sauvage est un film très original et intéressant. On y rit souvent et on se laisse entraîner dans une histoire à laquelle on accroche jusqu’à la fin.
C’est un film que je recommande vivement et qui pourrait aussi servir de document de travail aux acteurs tellement les éléments montrés dans le film sont réalistes et montrent l’envers du décor d’un casting.
Vous pouvez retrouver la critique du film ICI.
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