Pluto : Critique du dernier manga de Naoki Urasawa

Date : 07 / 03 / 2010 à 00h05

Quand l’auteur de Monster et de 20th Century Boys rencontre l’univers d’Astro Boy de Tezuka cela donne Pluto.

Pour ceux qui ne le savent pas encore Osamu Tezuka est le père du manga, avec de nombreuses œuvres à son actif comme c’est le cas d’Astro Boy, Black Jack, Janguru Taitei (Le roi Léo, honteusement plagié par le studio Disney avec le Roi Lion), l’Histoire des 3 Adolf et tant d’autres moins connus du grand public français.

Et donc quand Naoki Urasawa arrive avec un projet d’adaptation d’une des histoires les plus populaires d’Astro Boy cela suscite forcément la curiosité.
Le 7 avril 2003 est la date d’anniversaire fictive d’Astro et pour cet évènement de nombreuses adaptations ont vu le jour dont Pluto. Urasawa est un grand fan du dieu du manga et il jette son dévolu sur "Le robot le plus fort du monde", chapitre qui a marqué sa jeunesse (paru dans le cinquième tome de l’anthologie d’Astro Boy chez Kana)
A première vue, Urasawa ne semble pas être le mangaka idéal pour reprendre Tezuka. Le premier a un style réaliste, anguleux pour servir des thrillers à tiroir alors que le second a un trait tout en rondeur et très cartoon.
Malgré tout l’alchimie s’opère. Et au lieu de faire un simple remake avec une succession de combats de robots, l’auteur de Monster va se réapproprier l’univers d’Astro Boy pour offrir un seinen (manga pour jeunes adultes) au scénario original.

Dans un futur alternatif, les robots cohabitent avec les humains. Bon nombre d’entre eux aspirent à une vie humaine et c’est pourquoi, ils travaillent, vont à l’école, ont une vie de famille, mangent, boivent… Certains ont une apparence humaine d’autres sont des modèles plus archaïques. Tout comme le manga original, les lois de la robotique d’Asimov sont appliquées et donc en principe aucun robot ne peut tuer d’humain.
Après une guerre meurtrière en Asie Centrale, une série d’assassinats est perpétuée. Gesicht, un robot envoyé par Europol est en charge de l’affaire. Il découvre un point commun ; les personnes visées sont des robots et humains vétérans du précédent conflit. Ils sont tous retrouvés morts avec des cornes plantés dans le crâne tout comme Mont Blanc, la première victime, qui était devenu garde forestier en Suisse après la guerre.

7 robots sont menacés. Ce sont les 7 robots les plus puissants du monde. Et parmi eux se trouvent Astro et Gesicht. On entre alors dans un polar noir tout comme Monster ou le cultissime Blade Runner. Les meurtres se succèdent et la tension est palpable.
Au lieu de reprendre Astro comme personnage central dans Pluto, Urasawa préfère mettre en avant Gesicht déjà présent dans le récit original. Malgré tout le héros de Tezuka reste un acteur récurrent.

Une des qualités d’Urasawa, c’est le travail sur la psychologie des protagonistes qu’ils aient un rôle principal ou secondaire. Pour cela il est capable d’offrir une palette d’expressions impressionnante.
Ici même pour les robots, on a du ressenti, de l’empathie. Un androïde avec une tête totalement inexpressive, rien qu’avec un léger jeu de tramage, Urasawa arrive à exprimer la douleur et tout un flot d’émotion. Les troubles du sommeil du robot Gesicht, au-delà de la trame narrative apporte une humanité, une faiblesse à un personnage en apparence impassible. On finit alors par s’identifier aux différents personnages, à les comprendre alors que pour la plupart ce ne sont que des machines.

Avec ceci l’intrigue avance plutôt bien. Autant dans Monster et 20th Century Boys, Urasawa posait tranquillement le décor de son histoire autant là, il va plus vite. Il faut dire qu’on lui a imposé un format court ; 8 tomes et que les fondations du monde qu’il utilise sont déjà posés. D’autre part l’intrigue n’est pas figée au même endroit. On débute en Suisse, puis on va à Düsseldorf, Istanbul, l’Ecosse, le Japon…. Certes nous ne sommes pas dans Monster où Urasawa nous peignait l’Allemagne et l’Europe Centrale avec brio, mais cela apporte un certain dépaysement.

Graphiquement, Pluto est un manga travaillé que ce soit sur les décors ou pour ce qui est des personnages. On retrouve parfaitement l’ambiance futuriste tout en gardant certains éléments contemporains qui permettent une immersion totale dans le récit.
Quand on parle d’Urasawa, on met souvent en avant la qualité de ses histoires, la psychologie de ses personnages ou encore de sa mise en scène et finalement très peu de son style graphique. Or le dessin c’est aussi un des vecteurs importants dans une BD. Et si on parle peu du dessin d’Urasawa ce n’est peut être pas parce qu’il est mauvais, mais peut être qu’au contraire l’auteur a su trouver le parfait équilibre, entre un trait détaillé, riche en émotion et l’absence d’effet ostentatoire, qui n’étouffe pas la narration, mais au contraire la sert.

Une chose intéressante, c’est que l’on peut faire un parallèle entre The Watchmen d’Alan Moore et Pluto. Dans les deux, les auteurs narrent un complot visant à éliminer des êtres hors normes, d’un côté des super-héros de l’autre des robots, tous ayant un lien avec une guerre antérieure.
Que ce soit les héros de The Watchmen ou les robots de Pluto, il y a une volonté de les humaniser et donc de marquer leurs faiblesses. Ici, les robots cherchent à tout pris à ressembler à leurs créateurs que ce soit dans leurs gestes et leurs attitudes. On ne peut que penser à la quête ce cher Data dans Star Trek The Next Generation.

Tout comme les œuvres de Moore, la politique est également présente. Urasawa, à l’inverse de Tezuka a mis plus en accent ce thème alors que le maître ne faisait que le survoler. La traque du Serial Killer se fait dans un contexte d’après guerre entre les Etats-Unis de Thrace et la dictature persique de Darius XIV. Cela fait bien évidement écho à la seconde guerre du Golfe. Urasawa se permet même de reprendre dans son récit l’utilisation d’envoi d’inspecteurs en Perse pour vérifier l’existence ou non de développement secret de robots de destruction massive et d’autres petits détails encore.

Pour ceux qui hésitent encore, nulle besoin d’avoir lu Astro Boy pour se lancer dans Pluto. Urasawa arrive sans difficulté à présenter l’univers d’origine par le biais de répliques disséminées tout au long du récit sans perdre le lecteur néophyte au monde de Tezuka.
Il n’oublie pas d’y injecter sa propre patte. On retrouve ainsi ses propres thématiques déjà présentes dans ses autres œuvres que ce soit la crainte du fascisme, du sectarisme, l’importance de la mémoire et la perpétuelle quête d’identité.

Ce manga entre récit d’anticipation et thriller est certainement l’une des meilleures séries en ce début d’année 2010. Si vous ne connaissez pas encore Urasawa, Pluto avec ses 8 tomes est le bon moyen d’y remédier.

Nom : Pluto
Auteurs : Naoki Urasawa / Osamu Tezuka
Nombre total de tomes : 8
Déjà parus : tomes 1&2, le 19 février 2010
Prochain tome, le 2 avril 2010
Editeur : Kana

Les œuvres d’Urasawa publiées en France
Monster : 16 tomes chez Kana
20th Century Boys : 22 tomes chez Panini Comics
21st Century Boys : 2 tomes chez Panini Comics

Pour plus d’informations sur Naoki Urasawa et ses œuvres vous pouvez aller sur ce site : http://www.labasesecrete.fr/

Richard THOMAS


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