Mytho saison 2 : La rencontre avec Anne Berest

À l’issue de la projection des deux premiers épisodes de la saison 2 de Mytho, j’ai eu la chance d’avoir été invité par Madame Figaro pour rencontrer la scénariste Anne Berest.

Cet entretien en petit comité était réellement passionnant, d’autant qu’Anne Berest a un immense enthousiasme et parle merveilleusement de sa série et de ses œuvres.

Les propos échangés étaient tellement passionnants qu’en voici le résumé. La deuxième très bonne saison de Mytho est disponible intégralement sur Arte en ligne depuis le 30 septembre 2021 et diffusé sur la chaîne Arte à partir du 6 octobre 2021.

Anne Berest parle avec beaucoup d’anecdotes de l’univers des séries. En effet, depuis quelques années, ces dernières sont en grande évolution. L’un des éléments principaux qui a changé étant que le scénariste est maintenant associé à part entière à l’œuvre. Ce qui lui permet d’avoir un droit de regard sur le casting, de pouvoir assister au tournage et de faire évoluer son scénario en fonction de ce qui est possible de faire au niveau du budget ou de la réalisation.

La série moderne doit captiver son audience dès les cinq premières minutes du premier épisode. En effet, l’omniprésence des chaînes SVOD comme Netflix font que le consommateur ne passe pas beaucoup de temps à essayer de s’intéresser à une œuvre et n’hésite pas à en changer vite s’il n’accroche pas immédiatement.

L’auteur a donc cinq minutes pour convaincre le public d’aller plus loin dans son visionnage. C’est aussi la raison pour laquelle environ toutes les sept minutes, un twist doit être proposé pour relancer l’attention et faire que le spectateur ne décroche jamais de la série.

C’est donc l’excellence d’une écriture à long terme qui est proposé, et qui nécessite des trésors d’inventivité pour éviter que les gens ne s’arrêtent en cours de route.

D’après Anne Berest, il y a d’ailleurs 2 grandes catégories de séries. La première concerne les univers qui se dévoilent devant les yeux de spectateurs. Par exemple, avec Urgence, on a l’impression de bien connaître l’hôpital, grâce à Perry Mason, on comprend le système de justice américaine, alors que House of Cards permet d’appréhender la politique et le système d’élection du même pays.

Il y a ensuite les séries à personnages ou ces derniers sont suivis avec intérêt. Elle aime beaucoup quand un personnage semble aller dans une direction et que le scénario lui en fait prendre une autre. L’un de ses exemples est In Treatment où un parrain de la mafia est obligé de suivre une psychothérapie. Ou alors Nurse Betty avec une infirmière qui est un ange, mais qui est accro aux médicaments qu’elle vole aux patients qu’elle soigne.

C’est aussi cela qu’elle a voulu faire dans sa série en mettant en avant un personnage de femme au foyer parfait qui va exploiter un mensonge affreux.

Elle s’est d’ailleurs basée pour l’écriture de sa série sur Angela, 15 ans pour l’ambiance qu’elle a voulu retrouver et sur Desperate Housewives pour parler du voisinage. D’ailleurs, avec le réalisateur Fabrice Gobert, elle partage le fait d’avoir été élevée dans une banlieue pavillonnaire et de bien connaître ce milieu.

Elle a d’ailleurs fait venir sur la série Mytho, la cheffe décoratrice des films de Xavier Dolan qui a apporté sa compétence et son savoir-faire sur le tournage. En effet, contrairement à ce que l’on peut trouver dans les séries, hors celles qui sont historiques, la production a décidé de mettre un tiers de son budget dans les décors. Ce qui permet d’obtenir des lieux fourmillant de détails et des affichages personnalisés.

C’est parce qu’elle est aussi auteure qu’Anne Berest a été contactée quand Arte France cherchait des nouvelles séries à promouvoir. En effet, l’écriture du scénario d’un long métrage n’a rien à voir avec celui d’une série qui est un travail de longue haleine et doit tenir ses personnages et son sujet sur la durée de tous les épisodes, ce qui ressemble plus au travail d’un romancier.

Elle s’est alors inspiré d’un événement réel qui lui est arrivé. En effet, sa mère a été atteinte d’un cancer du sein et elle s’est alors rendu compte qu’elle était nettement plus gentille avec elle qu’elle ne l’avait jamais été. Elle a alors imaginé une mère de famille parfaite, qui travaille à plein temps et est considérée comme une femme de ménage. Et elle s’est demandée : « Et si cette dernière faisait croire à tout le monde qu’elle était malade, ce qui aurait pour impact que tous s’intéresseraient enfin à elle et seraient gentils avec elle ? »

Plutôt que de proposer un résumé, elle a alors écrit le scénario du premier épisode qu’elle a soumis et qui a emballé ceux qui ont validé la série. En effet, son idée sur le papier ne semblait pas forcément très intéressante. Mais cette dernière est merveilleusement mise en valeur grâce à des répliques ciselées qui apportent tout son sel à la série.

Elle estime avoir eu beaucoup de chance que ce soit Fabrice Gobert, auréolé de son succès sur Les revenants, qui accepte de réaliser la série. Celui-ci a négocié dès le départ une seconde saison avec Arte, alors même que la première n’était pas entrée en production. Ce qui explique pourquoi, malgré les mois de délai liés à la pandémie de Covid, cette seconde saison voit le jour. Un délai qui s’est encore amplifié avec la nécessité de programmer la série dans la grille chargée de Arte et les deux mois dédiés aux traductions nécessaires.

Entre-temps, la première saison a rencontré son public et a remporté des prix. C’est d’ailleurs pour cela qu’une troisième saison est déjà à l’écriture, dans le but de proposer aux spectateurs, dès 2022, une nouvelle saison.

Le processus d’écriture a évolué entre les deux saisons. En effet, Anne Berest a écrit les premiers épisodes pour des personnes qu’elle ne connaissait pas. Mais après avoir fait plus ample connaissance, elle leur a réellement dédié le texte de la seconde saison. Cela explique d’ailleurs pourquoi, alors que la première se concentrait beaucoup sur le personnage de la mère de famille, la seconde est beaucoup plus chorale. Elle offre d’ailleurs de très beaux passages, même aux personnages qui font de brèves apparitions.

Anne Berest a aussi parlé du dernier roman qu’elle vient juste de publier, La carte postale. Son œuvre s’inspire de ce qui est arrivé à sa famille et de l’enquête qu’elle a menée pour essayer de comprendre la provenance de cette étonnante carte postale qu’ils ont reçu.

En effet, cette dernière, qui est représentée d’ailleurs sur la couverture du livre, a été postée à destination de leur adresse et n’avait que quatre mots. Chacun d’entre eux était le nom d’un des membres de la famille de l’auteur qui sont décédés dans un camp de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale. L’auteure a donc enquêté pour comprendre la provenance de la carte et la raison de son envoi. Elle s’est décidée à écrire un livre parlant de cette quête et qui présente aussi ses ancêtres et la vie qu’ils menaient avant d’être emmenés au camp.

L’autrice a pour habitude d’écrire tous les jours entre le moment où elle amène ses enfants à l’école et celui où elle va les chercher. Elle peut aussi continuer en soirée après qu’ils se soient couchés. Elle explique qu’elle se concentre en général une demi-journée sur un de ses projets avant de complètement changer de sujet le reste de la journée. Ça lui permet ainsi d’avancer de front sur le scénario d’une série, un roman ou une pièce de théâtre, tout en évitant de ne penser qu’à une seule thématique.

Une façon de procéder qui visiblement semble bien fonctionner, lui permettant d’enchaîner des œuvres dignes d’attention.

Cette rencontre était particulièrement passionnante, d’autant qu’Anne Berest est une très bonne oratrice qui réussit à non seulement à captiver son audience, mais qu’elle passionne par les propos qu’elle tient.

Un grand merci donc à Madame Figaro et à Anne Berest pour cette rencontre particulièrement plaisante.

La première saison de Mytho est actuellement disponible sur Netflix. Et si vous aimez les récits bien écrits, les personnages intéressants, les répliques qui fusent et un sujet ambigu tout en étant à la fois touchant et drôle, n’hésitez pas à visionner les six épisodes de 45 minutes de cette première partie.

Quant à la deuxième saison, elle est tout aussi réussie et fait passer un très bon moment de divertissement. Vous pouvez en trouver la critique complète ICI.

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