Zack Snyder’s Justice League : La critique

Date : 21 / 03 / 2021 à 14h30
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" Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. " Antoine Lavoisier

La Snyder Cut existe

Ce 18 mars 2021, s’achève l’épopée passionnante d’une bande d’irréductibles qui useront de toutes les méthodes – jusqu’à la limite du déraisonnable – pour faire renaître leur messie et poser les yeux sur une licorne dont l’existence a été réfutée par d’éminentes instances.

Révélée au monde par HBO Max sous l’appellation Zack Snyder’s Justice League, la licorne " Snyder cut " existe définitivement et sans équivoque.

Ainsi, né au lendemain d’un énorme pavé jeté dans la mare twitter par l’artiste Jay Oliva en 2018, le mouvement " Release the Snyder cut ", aurait donc terminé avec succès sa quête. En effet, le réalisateur et sa femme Deborah ont exprimé à maintes reprises que ce film est un " remerciement " à destination de tous ceux qui – au moyen du #releaseSnydercut – se sont mobilisés pour lever plus d’un demi-million de dollars au profit de la Fondation américaine de prévention du suicide. En ce sens, ce film dédié à sa fille Autumn Snyder revêt une dimension profondément personnelle.

C’est une grande victoire pour les amoureux des comics, le réalisateur Zack Snyder, l’industrie et quelque part HBO max et … la Warner.

Et maintenant qu’il est sorti, il est temps de questionner la qualité intrinsèque du film et sa capacité à refléter réellement les intentions ou la vision initiale du réalisateur Zack Snyder.

Une œuvre inachevée qui va rester dans les mémoires

Quant à la qualité intrinsèque, Zack Snyder’s Justice League n’est pas parfait – loin de là. Aussi talentueux que peuvent être Snyder et l’équipe qui l’entoure, ils ne peuvent pas rendre une copie parfaite sur la base des rushes d’un tournage inachevé et en grande partie non retouchées au niveau des VFX.

Au prime abord, la Snyder cut reste donc un film inachevé, bâti sur une réécriture plus légère d’un scénario originel – jamais tourné - et dont les morceaux de bravoure sont éventés puisqu’exploitées dans un honteux premier montage de « commande » de 2 heures en 2017. D’ailleurs, le film garde par endroits les stigmates des négociations homériques entre les studios et le couple Snyder.

Toutefois, en dépit de ses défauts, ce blockbuster de 4 heures va marquer profondément de son empreinte l’histoire du cinéma et l’industrie de son époque.

En effet, pour rester dans les mémoires, il est nécessaire de se démarquer en dévoilant une véritable signature, une identité inimitable et immédiatement reconnaissable. En ce sens, la dénomination Zack Snyder’s Justice League n’est pas usurpée. Cela fait bien longtemps – surement depuis 2016 avec Batman V Superman (BvS) - que la personnalité d’un réalisateur n’a pas autant jailli dans un film du genre super-héroïque.

" Le point de vue est l’unique pouvoir du réalisateur " Zack Snyder

Cette Snyder cut est une master-class de cinéma. Ce film expose le rôle vital du « point de vue » du réalisateur. Tout au long du film, Zack Snyder insiste sur l’idée que pour raconter son histoire, le réalisateur devrait être au cœur de tous les choix. Tout en rappelant l’importance du montage dans le processus créatif, Snyder met en lumière la nécessité de « poser sa caméra », penser au millimètre la composition de plans tournés en argentique, faire des choix de « focal » (objectif caméra) ou décider de la durée des plans pour insuffler un rythme. Il opte pour le ratio optimal (1,33) pour insister sur la verticalité des figures héroiques. Il décide de la colorimétrie pour dégager une atmosphère propre à DC au cinéma (image désaturée en lien avec le costume noir de superman, le bat signal …). Il choisit évidemment son équipe, en particulier le compositeur de sa musique, Junkie XL – qui a repris de zéro son travail pour offrir une soundtrack singulière oscillant entre un ton Mad Max et Zimmerien, ponctuée de chansons à contre-emploi.

En outre, le style et l’expérience passée de Zack Snyder permettent au film de dégager l’aura d’une œuvre où cohabitent dans un ensemble cohérent plusieurs genres : le Péplum (300), l’heroic fantasy (Le Seigneur des anneaux), la science-fiction (Terminator) et le super-héroïque.

Le " point de vue " de Zack Snyder revêt aussi deux autres dimensions : donner au spectateur l’impression de lire un comics en insufflant au film « l’esprit comics » et susciter un engagement émotionnel fort en exposant avec soin le sens des actions des protagonistes.

L’esprit comics

Sur la première dimension, au niveau de la direction de ses acteurs, la patte Snyder est notable. Dégageant une aura de majesté, les acteurs s’effacent complètement dans les personnages pour se rapprocher fortement de leur alter-égo papier.

De plus, part intégrante de son identité, il existe chez Zack Snyder la volonté de respecter religieusement le matériel d’origine au point d’exporter à l’écran les codes narratifs et visuels hérités de l’auteur visionnaire Jack Kirby.

En ce sens, avec un style visuel très personnel poussé à son paroxysme, Zack Snyder’s Justice League donne l’impression de tourner des pages – voire des Splash Pages des comics de Geoff Johns, Jim Lee ou Franck Miller. A l’exception de 300, Watchmen, le premier Kick Ass et Infinity War, aucune autre adaptation de comics book n’avait laissé cette impression. Il s’en dégage donc du film le caractère épique, puissant, jouissif, régressif et exagéré qui se dégage des papiers glacés de DC comics.

En passant, le film démontre que Zack Snyder souhaitait adapter 6 arcs narratifs marquants. Ainsi, les runs Justice League origins - Darkseid War version New 52 et Injustice : God Among Us gravitent autour des questionnements de Death of Superman, avant l’immersion dans le multiverse avec Flashpoint Paradox et Crisis on Infinite Earth.

Le point de vue consistant à insuffler l’esprit comics dans les images est si marqué qu’il est presque tentant de dire que Zack Snyder réalise et signe peut-être avec sa trilogie a priori achevée, le premier véritable « Cinematographic Novel » d’un label Elseworld de Detective comics.

Deuil, mélancolie et idéal d’Espoir

Sur la dimension de l’engagement émotionnel, Zack Snyder réussit le tour de force d’ajuster son point de vue et apporte à son Justice League ce qui a essentiellement manqué à Batman V Superman. Dans ce dernier, il régnait une atmosphère émotionnellement froide générée par la difficulté de s’identifier aux protagonistes principaux. D’un côté, le postulat de les présenter comme des Dieux parmi les humains, éloigne les personnages du commun des mortels. D’un autre côté, le pari d’appliquer au panthéon DC, les thématiques de Watchmen, en particulier la place, l’éthique et la moralité du Surhomme, n’a pas été payant.

Comme il est parfois difficile de s’identifier aux personnages ou de s’intéresser à leur tourment wagnérien, la seule façon de susciter l’engagement émotionnel du public est de confronter ces dieux à la condition humaine – la mort, l’amour, le deuil – et d’y puiser le sens de leurs actions pour qu’elles soient comprises par l’intellect et le cœur.

En ce sens, la Justice League de Zack Snyder est un film choral plutôt mélancolique relatant l’histoire de personnages endeuillés dont le salut ou la chute réside dans l’existence et le destin d’une entité unique : Superman, personnage solaire qui incarne l’idée d’espoir. A titre de rappel, dans la droite ligne du héros campbellien, Superman a vécu l’étape de la naissance héroïque (Man of Steel), l’épreuve initiatique (Batman V Superman) et la renaissance à l’âge adulte (Justice League).

A contrario de la version cinéma de Batman V Superman ou le Justice League de 2017, au sein de la Snyder cut, le sens de chaque action a été minutieusement exposé pour que le film dégage l’aura d’une histoire organique et que les protagonistes et antagonistes ne constituent qu’un seul corps qui évoluent naturellement vers un seul objectif.

Dans ce cadre, chaque action ayant un sens et entrant dans un plan savamment exposé en vue d’un but bien identifié et compris, la tension à chaque obstacle rencontré est palpable et en progression constante vers le climax final – ce qui captive irrémédiablement le public forcément acquis à la cause des protagonistes. La tension dramatique est d’autant plus palpable que Zack Snyder et Chris Terrio semblent avoir construit un scenario à la Titanic ou King Kong. D’ailleurs, surement conscient de la mort de sa franchise, Zack Snyder tourne en 2021 une scène dont la teneur des dialogues renforce cette idée d’une destinée funeste inévitable.

Cela va sans dire que la durée exceptionnelle de 4 heures constitue un atout indéniable pour réaliser la prouesse de faire monter la tension dramatique jusqu’à un dénouement final.

Un porte-drapeau de l’expérience cinéma

Enfin, pour des raisons conjoncturelles, Zack Snyder’s Justice League restera aussi dans les mémoires.

D’un côté, le mouvement « Snyder cut » constitue un avertissement à l’industrie du cinéma et le genre super-héroïque qui devront indéniablement évoluer pour que cette Zack Snyder’s Justice League reste une anomalie exceptionnelle – et ne constitue pas un dangereux précédent.

D’un autre côté, le film est une soufflante salutaire qui rappelle la force épique de l’expérience du cinéma de divertissement authentique et généreux – force qui ne se retrouve nulle part ailleurs qu’au cinéma.

D’ailleurs, le ratio (1,33) qui revient à l’origine du cinéma, réveille inévitablement l’expérience de cinéma qui manque aujourd’hui aux habitués de salles. Il existe dans ce film une véritable vision organique, une ligne directrice, une ambition dantesque, une profonde rage mêlée à un immense besoin d’être aimé, qu’il ne peut que sortir du lot des autres productions – cette impression est accentuée par le contexte sanitaire et la disette du genre super-héroïque avec la fin du cycle Avengers.

En ce sens, tant qu’il existe des films et des réalisateurs avec une vision et des ambitions de cette envergure, le cinéma a de l’avenir face à l’émergence de la consommation de divertissement en streaming.

Un potentiel franchise player de HBO max face à la concurrence ?

Et sur la question de l’avenir, avec cette Zack Snyder’s Justice League, HBO max possède une véritable « franchise player », un porte-étendard susceptible de porter la plateforme dans un marché ultra-concurrentiel. Il sera donc très intéressant de voir les prochains mouvements de la Warner et AT&T, par rapport à la capitalisation du nouvel engouement mondial autour de la franchise Snyderverse – chose qui n’est plus arrivée depuis Batman V Superman en 2016.

SYNOPSIS

Bruce Wayne est déterminé à faire en sorte que le sacrifice ultime de Superman ne soit pas vain ; pour cela, avec l’aide de Diana Prince, il met en place un plan pour recruter une équipe de métahumains afin de protéger le monde d’une menace apocalyptique imminente. La tâche s’avère plus difficile que Bruce ne l’imaginait, car chacune des recrues doit faire face aux démons de son passé et les surpasser pour se rassembler et former une ligue de héros sans précédent. Désormais unis, Batman, Wonder Woman, Aquaman, Cyborg et Flash réussiront-ils à sauver la planète de Steppenwolf, DeSaad, Darkseid et de leurs terribles intentions ?

BANDE ANNONCE


FICHE TECHNIQUE VIDEO

- Disponibilité : VOD
- Date de sortie : 18/03/2021
- Audio : Français, Anglais
- Sous-titres : Français
- Durée du film : 4 h 02 min

FICHE TECHNIQUE FILM

- Titre original : Zack Snyder’s Justice League
- Date de sortie : 18/03/2021
- Réalisateur : Zack Snyder
- Scénariste : Chris Terrio d’après les personnages créés par Jerry Siegel et Joe Shuster
- Interprètes : Ben Affleck, Henry Cavill, Gal Gadot, Jason Momoa, Ezra Miller, Ray Fisher, Amy Adams, Amber Heard, Jeremy Irons, Ciarfan Hinds, Diane Lane
- Photographie : Fabian Wagner
- Montage : David Brenner, Dody dorn
- Musique : Junkie XL
- Producteur : Atlas Entertainment, DC entertainment, DC Films, HBO Max, RatPac-Dune Entertainment, The Story Quarry pour Warner Bros. Pictures
- Distributeur : Warner Bros. France

LIENS

- ALLOCINÉ
- IMDB

PORTFOLIO

Zach Snyder’s Justice League





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