Star Trek Picard : Review 1.05 Stardust City Rag

Date : 24 / 02 / 2020 à 16h30
Sources :

Unification


ATTENTION : Deux critiques comme pour chaque review d’un Star Trek. Une première par Frank et une seconde par Yves avec une analyse très fine des événements de l’épisode.

Amour, trahison, extraction Borg, vengeance, planète Las Vegas, costumes bigarrés et interprétation sur-jouée... Je ne sais pas ce qui a été livré dans la Writer Room de Star Trek Picard cette semaine, mais c’était sûrement de la bonne...

Star Trek ou pas Star Trek, c’est le débat récurrent qui est alimenté chaque semaine par Yves et vous tous en commentaire de nos articles. En l’occurrence, je serais bien en peine de caractériser cet épisode, cet OVNI, mais si c’est du Star Trek, c’en est une forme mutante...

Cela commence par le sort réservé à Seven of Nine. Il peut s’en passer des choses en une vingtaine d’années, des événements qui changent les hommes et les femmes. Et le trauma qui est montré en début d’épisode, lors des retrouvailles avec un autre personnage de Voyager, est du genre à bouleverser les certitudes d’un personnage. Pour autant, dès le départ, je ne suis pas arrivé à croire en l’issue de cette scène préliminaire. Était-il impossible de sauver ce personnage ? Est ce que l’ensemble de l’épisode est cohérent avec ce que Seven of Nine avait montré de sa personnalité dans ses 4 saisons de Star Trek Voyager ? Bref, le tout m’a laissé dubitatif et assez mal à l’aise.

Quant à Raffi, on se demande bien à quoi sert sa scène de retrouvaille avec son fils sur Freecloud. Cela ne sert en rien l’intrigue principale. Cela ne sert à rien quant à la découverte de la personnalité de Raffi, on savait déjà que celle-ci avait été très perturbée par les événements de Mars. Si on rajoute que c’est plutôt mal joué des 2 cotés, on se dit tout ça pour ça...

C’est aussi un épisode où la Fédération prend cher. Et ce pas seulement avec les paroles de Bruce Maddox à la fin de l’épisode. Le concept même de Freecloud, le fait que cela semble être le bordel un peu partout dans la galaxie, laisse peu de doutes sur le fait que la Fédération semble être au bord du précipice. C’est à se demander si la thématique de Picard est juste construite pour avoir un lien avec la troisième saison de Discovery où la première bande-annonce tease l’effondrement de la vénérable institution.

Mais ce qui me gêne le plus avec cet épisode, c’est son coté foutraque. Scènes horrifiques voire gore au début, sérieux et dramatique par moment, pure comédie dans d’autres, c’est une histoire qui ne choisit pas sa direction et qui donc échoue sur tous les tableaux. Et pourtant, certaines scènes prises séparément sont plutôt bonnes. Je pense notamment aux dialogues entre Seven et Picard sur leur humanité retrouvée ou pas suite à leur séparation du collectif. Reste la trahison de Jurati qui était tellement prévisible depuis le début. La scène finale, là aussi prise séparément, est excellente.

Pour moi, Stardust City Rag est le plus mauvais épisode depuis le début de la série. On croise les doigts pour la suite...

FM

Si vous ne souhaitez pas vous plonger dans une analyse exhaustive du contenu, veuillez cliquer ici pour accéder directement à la conclusion.

C’est sous les 7 Dômes de la planète Vergessen dans le système d’Hypatia en 2386 (soit un an après les teasers-flashbacks précédents façon Watchmen) que Picard 01x05 Stardust City Rag ouvre le bal avec une authentique scène gore. Un humanoïde ex-Borg (qui s’avérera être le personnage Icheb de VOY) est ligoté à une table d’opération, tandis qu’une inconnue pratique sur lui une vivisection. Il est littéralement démembré sans anesthésie, ses implants borgs sont arrachés par des moyens mécaniques. On entend les hurlements, les bruits de scanners, de perceuses, d’extracteurs, on énuclée les yeux…
- [Chirurgienne-bourreau à la victime] Où est ton nodule cortical, l’ami ? Il doit être quelque part par là.
Soudain, une déflagration. La "chirurgienne" qui s’apprêtait à trépaner sa victime au moyen d’une perceuse, interrompt son geste.
- [Chirurgienne-bourreau, inquiète] Bjayzl ?

Seven, armée, débarque, et descend tout le personnel de la salle de torture.
- [Icheb, très faible] Seven ?
- [Seven à Icheb] Tout va bien. Tout ira bien.
- Vas-y...
- Pas sans toi, Icheb.
[Ils se regardent mutuellement avec intensité, se comprenant silencieusement] Je vais rester avec toi.
- [Icheb, agonisant] Non, Seven. Je t’en prie.
- Je suis désolée, mon enfant.

Et Seven euthanasie au phaser Icheb tandis qu’elle le tient dans ses bras. Puis elle fond en larme… tandis que la caméra balaye des moignons de corps borgs suspendus comme des jambons. Fondu au blanc.

Saisissante entrée en matière, qui évoquera davantage un slasher movie comme Hostel voire un torture porn comme Philosophy Of A Knife, plutôt qu’un sequel de TNG.
Non pas que la franchise Star Trek soit totalement exempte de gore (cf. par exemple ST II The Wrath Of Khan), mais ici, l’intention est clairement exhibitionniste dans le but de frapper l’affect.
Les connaisseurs de VOY seront surpris par ces retrouvailles par effraction avec Icheb (non teasées dans les BA), un personnage certes secondaire (apparu onze fois dans la série) mais qui symbolisait l’action humaniste de la Fédération au travers de la fiction juridique que fut l’USS Voyager au sein du quadrant delta. Produit de l’ingénierie génétique et envoyé par sa propre famille pour un voyage sans retour destiné à contaminer les Borgs ravageant périodiquement leur planète, ce jeune Brunali a finalement été sauvé et recueilli à deux reprises par l’USS Voyager, puis guidé par Seven, avant d’entamer ses classes et intégrer Starfleet. Autant dire que le retrouver dans un abattoir huit ans après, traité à la façon d’un réservoir de pièces détachées, sans connaître d’autre forme de protection ou de justice qu’une action punitive de rogue, cela représente un doigt d’honneur à l’héritage de l’USS Voyager et, surtout, une gifle de plus adressée à la face de la Fédération.

Désormais, les épisodes de ST Picard s’emploient à pesamment multiplier les gages internalistes à l’attention des trekkers, en puisant des références précises dans des épisodes historiques. Par exemple, l’incapacité de la "chirurgienne" à trouver le nodule cortical borg d’Icheb s’explique par l’épisode VOY 07x02 Imperfection. Malgré tout, ce sont généralement davantage des alibis que des consolidations, ces références n’étant généralement d’aucune utilité pour l’intrigue et la crédibilité de l’édifice.

En revanche, aussi contextuellement choquante et immorale soit cette scène, lors de l’intervention fracassante de Seven, Icheb avait "seulement" enduré on screen une extraction oculaire, le perçage de son crane ayant été interrompu. Dès lors, il est possiblement excessif que Seven et Icheb aient d’un commun accord décidé que le mercy kill était la seule issue possible pour lui.
Si cela ne tenait qu’à un œil, la médecine d’aujourd’hui aurait pu le sauver, à fortiori la médecine du futur trekkien (cf. le remplacement de l’œil borg de Seven Of Nine par l’EMH dans VOY).
Certes, il serait possible de supposer d’autres extractions pratiquées en amont, c’est-à-dire off screen, ou encore l’impossibilité de transporter ou téléporter Icheb.... Mais il aurait alors été utile de le préciser... Certains implants borgs sont vitaux à la survie des sujets, mais pas tous, et la médecine est susceptible d’avoir fait des progrès depuis la fin de VOY...
Dans tous les cas, la décision d’assassiner Icheb aurait dû être davantage contextualisée et soupesée plutôt que d’être présentée comme coulant de source. Car en l’état, au pire cela s’apparente à une provocation gratuite (mutilation d’un personnage emblématique de VOY suivie de son "exécution" par un autre personnage non moins emblématique de VOY), tel un doigt d’honneur mouillé aux trekkers nostalgiques. Au mieux, c’est un artifice bancal destiné à créer à la fois du mélodrame (à l’attention des spectateurs) et du trauma (à l’attention de Seven)… histoire de justifier toutes les outrances vengeresses qui vont suivre. Car c’est bien le cliché du "character into the fridge" ou women in refrigerators que l’épisode recycle ici, quand bien même dans une version féminisée.

Il serait également possible de questionner la relation maternelle qu’affiche aussi démonstrativement Seven envers Icheb... et les larmes résultantes. À bord de l’USS Voyager, elle avait développé un attachement effectif pour lui, notamment dans VOY 06x19 Child’s Play, à l’occasion de son retour sur sa planète d’origine et du sort cruel que lui réservait sa famille biologique. Pour autant, c’est l’équipage de l’USS Voyager dans son ensemble qui fut avant tout sa famille, mais aussi sa Starfleet Academy… lui ayant permis de grandir et de s’émanciper. Il est donc assez curieux de retrouver le binôme Seven/Icheb huit ans après le final de VOY, avec une relation infantilisée, alors que cela aurait dû être l’inverse sous l’effet du temps et des parcours de chacun.
De son côté, autant Seven avait gagné en sensible durant son long parcours vers l’humanité, autant elle a toujours su conserver un stoïcisme vulcain ; les pleurs de Margot jurent donc quelque peu ici.
Pur syndrome soap consistant à transformer toutes les interactions en relations sentimentales ou familiales pour émouvoir à peu de frais, surtout tisser des motifs de vengeance… et au passage salir toujours un peu plus les personnages les plus représentatifs du Star Trek qui fut. En filigrane, se dessine l’intention de suggérer que la Fédération est devenue un tel Pandémonium que seule l’intensité des relations individuelles constitue un bouclier de survie (comme dans les post-apo du type The Walkind Dead).

Bref, aussi hard qu’il semble être de prime abord, ce teaser donne en fait le ton de Picard 01x05 Stardust City Rag : une machine à pathos !

Contrairement à Picard, à Data, à Hugh, et à Seven, cette fois, Icheb n’aura pas échappé à la case recast, puisque c’est désormais Mark Bennington qui interprète Icheb, et non plus Manu Intiraymi (pourtant toujours en activité dans le business). Mais il est vrai que seulement huit ans se sont écoulés en internaliste et dix-neuf ans en externaliste... L’acteur pouvait donc être considéré comme trop "âgé" pour reprendre ce rôle...
Magré tout, d’après les rumeurs, le recast résulterait en fait d’un litige entre Manu Intiraymi et l’équipe de production actuelle...

Et comme le précédent, cet épisode inflige une séance de name dropping intersectionnel, le système stellaire qui accueillait ces turpitudes en 2386 porte le nom d’une autre icône pionnière du féminisme, Hypatie, philosophie, astronome et mathématicienne d’Alexandrie du 4ème et 5ème siècle, à la tête de l’école néoplatonicienne.
Quant à la planète elle-même, Vergessen, son nom correspond au verbe "oublier" en allemand.
L’univers de ST Picard est décidément totalement anthropocentriste.

Retour au "présent" (2399), quoique deux semaines plus tôt. La scène se déroule à Stardust City, planète Freecloud du système Alpha Dordus, dans un bar-cabaret qui tient de point de ralliement pour la pègre locale et de QG pour une puissante organisation mafieuse dirigée par Bjayzl (interprétée par la belle Necar Zadegan possédant un faux air de Marina Sirtis), et secondée par l’épais reptiloïde Mr Vup…
- [Bjayzl] Quoi ?
- [Mr. Vup] Bruce Maddox.
- Ici ?
- Absolument.

- [Bjayzl à Vup] Comme tombent les puissants... Tue-le. (…) Attends. (…) Nouveau plan. [Plus tard, dans une autre pièce, Bjayzl A Maddox] Bruce. Quelle surprise ! Vous avez mauvaise mine.
- [Maddox] Je me cache depuis un moment. Ils ont détruit mon labo, Bjayzl.
- On me l’a dit, chéri. Prenez de la tranya.
- Ils ont utilisé un solvant moléculaire pour détruire tout le local. Il n’en est rien resté. Ils ont failli me tuer. Je suis désolé, Bjayzl.
- Pourquoi ?
- Je ne sais pas comment je vous rembourserai votre prêt.
- Sottises. Qui a fait ça, d’après vous, Bruce ? Qui vous en veut ?
[Vup, resté à proximité, pousse alors un grognement intimidant pour Maddox]
- Je crois que c’était le Tal Shiar.
- Ça change un peu les choses.
[Et alors Maddox s’écroule sous l’effet d’une drogue présente dans le verre de tranya] Traiter avec le Tal Shiar, c’est... toujours sacrément pénible.

Dans ce bar-cabaret de Freecloud tenu par la redoutable Bjayzl, une pianiste possiblement extraterrestre joue un ragtime (Solace) de Scott Joplin. Un joli moment "ambiance", qui quoique de bien courte durée, aura probablement participé du titre de l’épisode (Stardust City Rag).
Quant à la dénomination de la ville, elle procède évidemment du personnage extraterrestre, icône du glam rock, inventé par David Bowie dans l’album The Rise And Fall Of Ziggy Stardust And The Spiders From Mars sorti en 1972. Et pour rester dans ce thème, la planète Freecloud sort de la chanson Wild Eyed Boy From Freecloud également de David Bowie, qui était la face B du célèbre single Space Oddity sorti en 1969 et que Stamets avait fait chanter à Tilly dans Discovery 02x04 An Obol For Charon
Le ST kurtzmanien possède assurément une certaine constance dans ses cautions trendy, en particulier les références répétitives à la fantasy, aux icônes SJW, et à David Bowie. Mais avec pour effet de frapper de géocentrisme tout son univers.

Nouveau gage internaliste (quoique parfaitement superflu), la boisson qu’offre Bjayzl à Maddox est du tranya, renvoyant à Balok et à la First Federation de TOS 01x02 The Corbomite Maneuver.

Mais pourquoi Bruce Maddox, qui est pourtant loin d’être un imbécile (le cybernéticien théoriquement le plus génial depuis feu Noonian Soong), a-t-il choisi de demander asile précisément à la structure mafieuse à qui il doit de l’argent (qu’il ne peut en outre rembourser), et dont la vénalité (et la lâcheté) est telle qu’elle ne saurait résister à la tentation de le livrer au Tal Shiar que précisément il fuit ?!

Ce bar-cabaret mafieux de Bjayzl convoque une nouvelle fois d’innombrables références de l’imaginaire audiovisuel, en particulier The Last Resort sur Mars dans Total Recall (1990), la Cantina de Chalmun à Mos Eisley sur Tatooine dans Star Wars : Episode IV - A New Hope, et le Casino Canto à Canto Bight sur Cantonica dans Star Wars : Episode VIII - The Last Jedi. Mais comme d’hab, rien qui se rapporte de près ou de loin au STU (Star Trek Universe).
Quant au costume flashy de Bjayzl, il sort directement de la série kitsch (et culte) Buck Rogers In The 25th Century (1979).

Tandis que des spots publicitaires non sollicités (des spams quoi) sont diffusés en 3D autour des écrans de La Sirena, Picard accueille Seven Of Nine (visiblement revenue à elle) dans son Château Picard holographique :
- [Spam] Bienvenue à Freecloud. Que vous soyez là pour la sécurité maximale, pour les services financiers et de renseignements, ou les restrictions minimales sur la liberté... Freecloud garde vos secrets.
- [Picard] Entrez. Vous allez bien ?
- [Seven] Je fonctionne.
- Quelque chose à boire ?
- Du thé, un verre de vin ?
- Un whisky. Sec.
- Cet endroit n’est pas banal.
- Pas mon idée.
- Mais vous l’aimez assez pour le garder ?
- Qu’est-ce que vous fichez là, Picard ? À part d’être complètement dépassé par les évènements.
- Je cherche quelqu’un. Ça vous surprend ?
- Je présumais que c’était une mission diplomatique et malavisée. Sauver la galaxie ?
- Il y a peut-être un peu de ça aussi.
- Vous allez à Freecloud.
- Vous connaissez Freecloud ?
- Je déteste cet endroit.
- Mais nous, les Fenris Rangers, on garde notre argent là-bas. Le peu qu’il y a.
- Les temps sont durs à Fenris, m’a-t-on dit.
- Ça vous fait plaisir ?
- J’admire les buts des Rangers, leur courage, leur ténacité. Mais vous faites régner votre propre loi.
- Quelle loi ?

- [Picard encaisse avec fait play] Vous marquez un point. Néanmoins, nommer vous-même le juge et le jury...
- Je ne suis pas là pour un sermon. Si vous me considérez comme une vigilante, pas de problème. La surveillance, c’est mon boulot. Ça ne sauve pas la galaxie. Ça aide ceux qui n’ont personne pour les aider. C’est désespéré, absurde et épuisant, et la seule chose qui serait pire... ce serait de renoncer.
[Picard approuve de la tête sans forcément adhérer] Freecloud, ça m’ira. Vous pouvez m’y déposer. [Seven s’en va, mais avant de franchir le seuil du holodeck, elle se retourne vers Picard] Qui cherchez-vous ?
- Quelqu’un qui n’a personne d’autre pour l’aider. Quelqu’un qui mourra certainement si je ne l’aide pas.
[Seven fait alors demi-tour, et demande un autre verre de whisky]
- Alors, j’en prendrai un autre.

Cette séquence lève à la fois le voile sur l’une des questions que se sont longtemps posés les fans (et auxquelles ont tenté de répondre bien des auteurs de l’univers étendu, y compris Brannon Braga himself), à savoir ce qu’est devenue Seven Of Nine après VOY...
L’une des meilleures réponses proposées fut que Seven auraient été chargé du programme humanitaire de dé-borguisation et de réadaptation des anciens drones issus de l’effondrement du Collectif dans VOY 07x25+07x26 Endgame. Néanmoins, eût-il fallu encore que la Fédération restât la Fédération...
Avec Picard, le ST Kurtzmanien aura réussi a apporter la réponse la plus insatisfaisante possible : Seven a rejoint un groupe de vigilantes, à savoir les Fenris Rangers (évoqués dans l’épisode précédent), s’efforçant de maintenir (tant bien que mal) un semblant d’ordre (en partie mafieux) dans les nombreux "territoires perdus" ou abandonnés par la Fédération, possiblement sinistrés du fait de ses choix (im)moraux et (anti)stratégique.
En terme de dystopie, la facture s’allonge à chaque numéro...

Cette séquence matérialise également un moment culte dans le Panthéon personnel des trekkers. La rencontre si souvent fantasmée entre Picard et Seven.
Malheureusement, ladite rencontre est loin de se déployer sur un pied d’équité : d’emblée Seven prend Jean-Luc de haut, avec toute la prétention de supériorité du cynique sur l’idéaliste, à l’image des showrunners de ST Picard envers les trekkers.
Dans tous les cas, il en ressort une familiarité qui suggère que les deux personnages se connaissent déjà, et s’étaient déjà rencontré IRL auparavant !
Au-delà du fan service, quand bien même cette question se serait déjà posée à la fin de Picard 01x04 Absolute Candor, elle n’en est pas moins légitime dans l’épisode suivant : comment se fait-il que Picard et Seven se connaissent personnellement (et pas seulement de réputation) ? Ils ne sont probablement pas les deux seuls (ni même les deux premiers) humains assimilés par le Collectif et "désassimilés" ensuite, à fortiori depuis la victoire finale de Janeway sur les Borgs.
Dès lors, le principal lien qui unit Picard et Seven, c’est d’être les fan favorites de deux séries. Bah, on va se dire qu’ils se sont rencontrés en 2379 dans une réception, non pas chez l’ambassadeur, mais chez l’amirale Janeway, donnée en l’honneur des anciens Borgs méritants...
Bien entendu, dans l’univers de poche kurtzmanien, les VIP se connaissent toujours tous entre eux… comme les executive producers à Hollywood (et encore même pas toujours). Un pli pris en 2009 dans le reboot d’Abrams...
Alors qu’à l’inverse, dans le ST historique, il n’était pas rare que les VIP ne se connaissent pas entre eux (un cosmos réaliste étant si vaste). Il arrivait même – shocking – qu’ils n’aient jamais entendu parler les uns des autres ! À l’exemple de Kira Neris qui ignorait jusqu’à l’existence de Kirk dans DS9 02x23 Crossover !
Mais cette forme de réalisme sans concession appartient désormais à une autre ère (ou à un autre âge).

Sur la passerelle, Raffi est toujours plongée sur le "site web" de Freecloud (c’est comme aujourd’hui quoi, mais avec l’holographie en plus), et consulte la fiche d’un dénommé Gabriel Hwang :
- [Rios] Elle est là avec lui.
- [Musiker] La ranger. Elle est dans le château avec Picard.
- De quoi peuvent-ils bien parler, ces deux-là ?
- On dirait qu’ils se connaissent...
- Non. Je ne crois pas. Pas de l’époque où je le connaissais, en tout cas. Vous savez, elle était une Borg, comme lui.
- C’est cette Ranger-là. Elle est célèbre. Quatre-vingt-dix-neuf ou Eleven ou...
- Elle s’appelle Seven.
- Seven.
- L’ex-Borg Fenris Ranger.
- Il paraît qu’elle est du Quadrant Delta.
- Seven, l’ex-Borg Fenris Ranger du Quadrant Delta. Et j’avais réussi à oublier que Picard était Borg autrefois, lui aussi. J’ai dû bloquer ça avec joie. Vous m’avez apporté d’étranges passagers, cette fois, Raffi.
- Je ne vous le fais pas dire.

L’exemple même de l’échange dont la fonction est d’emphatiser les autres (échanges), pour faire l’article des personnages historiques de la franchise afin que les néophytes ne restent pas éternellement sur le ban des newbies. Mais finalement, les informations fournies ici sont tellement banales à l’échelle de la pop culture qu’elles sont en général déjà connues de celles et ceux qui n’ont jamais vu un seul épisode de Star Trek.
Du coup, Raffi et Chris font surtout office de chœur antique pour stariser encore davantage les VIP...
Cette figure de style peut être la bienvenue dès lors qu’elle s’accompagne d’un second degré, dans lequel s’était e.g. spécialisée la série Stargate SG-1, par exemple avec l’épisode SG-1 06x08 The Other Guys.

Et à nouveau, une pesante séance de name dropping féministe : 99 renvoie à une héroïne féminine de la série des sixtes Get Smart, et Eleven au personnage principal de la récente série Stranger Things.

La fiche biométrique de Gabriel Hwang consultée par Raffi fait apparaître sur l’écran (à l’envers) des données en unités impériales (en pouces et en livres)... alors que les unités utilisées au sein de l’UFP du 24ème siècle sont métriques (pour d’évidentes raisons scientifiques). En chronologie interne, les derniers vestiges d’unités impériales remontent au 23ème siècle du TOS (et uniquement lors des échanges verbaux). Difficile d’expliquer cette régression supplémentaire vers les USA contemporains (ultime nation à utiliser le système impérial) durant les vingt ans qui séparent ST Picard de ST Nemesis.

Dans ses quartiers, Jurati visionne, émue, une vidéo personnelle d’elle avec Bruce Maddox :
- [Dans la vidéo, Jurati en pleine séance cuisine et nageant dans le rire et le bonheur] OK. OK, je comprends pas. Tu as reproduit la farine le beurre, les œufs, le sucre et les pépites en chocolat.
- [Maddox] Oui. Et le bicarbonate de soude.
- Oui. Le bicarbonate de soude, c’est ça. Et tu leur as mis le feu.
- Je ne leur ai pas mis le feu.
- Je les fais cuire dans mon four. C’est encore chaud.
- Pourquoi tu ne répliques pas les cookies ?
- Parce que je n’aime pas les cookies au chocolat répliqués. Que dire ? Il y a une alchimie. Viens là, Aggie. Goûte ça.

Et alors Bruce et Aggie se roulent un pelle, tandis qu’une grande musique romantique se fait entendre. L’Agnes du "présent" en a les larmes aux yeux.

Il appert donc que Jurati n’était pas seulement une collègue de Maddox, mais qu’ils étaient en couple.
Soap toujours, et plus cliché que jamais.
Avec un zest de provocation de mauvais goût, car Maddox n’étant pas immédiatement reconnaissable, Agnes pouvait au départ donner l’impression d’être en compagnie de son père... jusqu’au moment du patin... suscitant alors le même effet que la relation incestueuse entre les deux adelphes romuliens, Narek et Narissa.
Malgré tout, cette scène prendra toute son importance pour connoter le twist final de l’épisode...

Il faut probablement voir une signification cryptique dans la volonté de Maddox de ne pas dupliquer les cookies par voie de réplicateur (ou de synthétiseur). Est-ce une métaphore un peu affligeante sur Dahj et Soji par rapport à Data : fabriquer un androïde serait comme une recette de cuisine ? Pour le moins ironique lorsqu’on sait justement que les deux "jumelles synthétiques" sont supposés provenir de la réplication (par cyber-mitose ?) d’une seule neurone positronique de Data (alors que dans le même temps, la technologie employée par Noonian Soong est supposée impénétrable en ingénierie inverse, et donc non reproductible).

Plus tard sur la passerelle, tandis que l’ensemble de l’équipage est réuni, et que La Sirena est en orbite de la planète Freecloud, une alarme se fait entendre…
- [Transmission à distante] La Sirena, ici le Contrôle orbital de Freecloud, transfert de conn. confirmé.
- [Rios] Compris.
- [Programme publicitaire holographique personnalisé en forme de mécano à l’attention de Rios] Bienvenue, capitaine Rios. Je vois que votre convertisseur de puissance n’est efficace qu’à 91%. N’oubliez pas que personne ne s’y connaît mieux sur le Kaplan F17 Speed Freighter que le Red Bolian. [Cette pub est interrompue d’un coup de chiquenaude]
- [Programme publicitaire holographique personnalisé en forme de tenancière de salon de thé à l’attention de Picard] Une tasse de thé ? Venez vous joindre au thé d’après-midi du Freecloud Grand Hotel. [Picard, quoique amusé, interrompu le spam d’un geste]
- [Programme publicitaire holographique personnalisé en forme de robot de pulps à l’attention de Jurati] L’Institut Freecloud des robots de divertissement engage des architectes d’évaluation kinétique.
- [Jurati] Non. Non ! Seigneur, faites-le disparaître.
- [Rios] Vous devez le cogner.
- Quoi ?
- Cognez-le aussi fort que possible.
- Je ne cogne pas les choses.

- [Musiker] Non, il a raison, Doc. Vous devez cogner sa tête à la faire sauter. [Jurati trouve alors la force d’adresser un uppercut au hologramme en forme de robot]
- [Rios félicite ironiquement Jurati] Agnes l’a assommé. [Et Chris et Agnes topent là]
- [Programme publicitaire holographique personnalisé en forme de dealer ou de junkie à l’attention de Musiker] Hé, mademoiselle. Vous voulez une morsure de serpent ? Glissez-vous dans le Jardin du venin. Chez Feely, choisissez votre poison. [Raffi, furieuse, écarte le hologramme invasif d’un geste]
- [Elnor, frustré et déçu] Je n’en ai pas reçu un ?
- [Musiker] Je l’ai trouvé, JL.
- Vous avez trouvé Maddox ?
- Oui, mais mon Dieu.
["Oh, my goodness" en VO] Bruce Maddox, qu’avez-vous fait ? Je suis sur un comité de boulots pour interfacers. Juste des intermédiaires pour le recrutement. Une grande affaire pour les entreprises rivales. Des gangs rivaux de criminels, des voleurs et leurs victimes, surtout sur Freecloud. Je viens de m’envoyer une invitation pour adhérer à la guilde locale. Une vieille astuce du Renseignement de Starfleet.
- Oui.
- D’accord. Une dénommée Bjayzl le détient. Ils cherchent quelqu’un pour faire un deal avec le... Tal Shiar.

- [Seven, interpellée] Bjayzl ?
- [Musiker] Vous le connaissez ?
- [Seven] "La." Elle massacre des ex-Borgs pour leurs implants. Sur la liste des plus recherchés par les Rangers depuis des années.
- [Jurati] On ne peut pas offrir plus que le Tal Shiar ?
- [Musiker] Non. Sûrement pas. Elle est assez prudente pour utiliser un facer. C’est probablement un très gros deal.
- [Picard] On doit l’extraire.
- [Musiker] Pas avec la sécurité qu’elle a. La fiche de paie bloquée montre qu’elle a une armée d’entrepreneurs privés. Et un Beta Annari.
- [Jurati] C’est quoi, un Beta Annari ?
- [Rios] Une sentinelle reptiloïde. D’horribles créatures.
- [Picard] Sans Maddox, on ne trouvera jamais la sœur de Dahj. Des options ?
- [Rios] Si on ne peut pas le saisir ni l’acheter...
- [Musiker] On a une sacrée déveine, JL.
- [Seven] Pas vraiment. On échange. Donnez à Bjayzl une chose qu’elle voudra en échange de Maddox. Une chose qu’elle trouvera irrésistible.
- [Rios] Comme quoi ?
- [Seven] Comme moi. [Fondu au noir]

L’assaut publicitaire holographique ultra-personnalisé dès l’arrivée en orbite de Freecloud est probablement le seul passage humoristiquement réussi de l’épisode, moyennant une transposition assez pertinente des actuels identifiants uniques publicitaires (de type MAID) et autres tracking cookies (au centre de nombreuses polémiques actuelles relatives à la protection des données personnelles et aux consommateurs progressivement transformés eux-mêmes en produits), et donnant l’occasion de se jouer en quelques secondes des centres d’intérêt et des obsessions de chaque personnage (ou presque) de l’équipage... comme avait pu le faire en d’autres temps un épisode comme ENT 02x09 Singularity.
Sa spécialité cybernétique vaut ainsi à Jurati d’être démarchée par un mini-robot holographique digne des japanims de genre mecha. Mais le plus hilarant est probablement la pub pour le salon de thé british dédié à Jean-Luc, et celle pour les narcotiques et les poisons à la délicate attention de Raffi. Elnor, lui, sera frustré de n’avoir pas été ciblé par les holo-ads.
Cependant, par-delà le caractère spirituel de cette scène, la littéralité de la transposition pose un problème à l’internalisme trekkien. Car une fois de plus, le Trekverse devient simplement le monde d’aujourd’hui mais avec davantage de technologie (holographique notamment).
Comment se fait-il qu’une planète extraterrestre puisse aussi instantanément connaître l’intimité de tous les passagers d’un vaisseau en mission incognito... jusqu’au passif inavouable de Raffi avec les paradis artificiels ? Si Freecloud est membre de l’UFP, cela suggère une dystopie frappée au coin de l’Empire galactique de Star Wars ? Et si Freecloud n’est pas membre de l’UFP, alors la dystopie est en réalité pire encore...
Cette omniscience de cyber-Big Brother galactique n’est-elle d’ailleurs pas totalement contradictoire avec le subterfuge – au moyen de fausses identités et de faux CV – que s’emploient à monter les protagonistes dans la suite de l’épisode ?
Quant aux questions narcotiques (des usages qu’en a fait Raffi aux holo-pubs décomplexées pour leur consommation), n’est-ce pas contradictoire avec ce qu’avait explicitement établi par exemple TNG 01x22 Symbiosis (au 24ème siècle trekkien, ce n’est pas que les drogues sont illégales, c’est qu’elles sont obsolètes).

La séquence qui suit évoque la structure bi-temporelle de la "scène CSI" de Picard 01x02 Maps And Legends, mais sa narration est construite sur le modèle d’Ocean’s Eleven (2001) de Steven Soderbergh : la fine équipe de La Sirena prépare l’équivalent d’un "casse" sur Freecloud, mais le montage superpose l’explication préalable de chaque étape en amont (sur le vaisseau) et l’exécution de l’opération en aval (sur la planète). La planification (timing, attribution des rôles, costumes...) est aussi millimétrée que dans Mission : Impossible, mais s’accompagne d’une composition parfaitement histrionique (notamment Picard en vieux pirate folle de Pigalle avec cache-œil, et Rios en proxénète rococo flambeur dans un style seventies).
- [Musiker] J’ai suggéré une idée assez infaillible pour accéder au système. Vous êtes maintenant un facer. Célèbre, mais pas trop célèbre.
- [Rios attifé d’un look tape-à-l’œil] "Assez infaillible" ?
- [Musiker] On n’a pas beaucoup de temps, ici.
- [Picard déguisé en pirate avec cache-œil] Raffi, vous pensez sérieusement pouvoir nous envoyer là-bas dans cet accoutrement ?
- [Musiker s’adressant à Picard] Les facers s’habillent d’une façon très flamboyante, JL. [Puis s’adressant à Rios] C’est un éclat protecteur. Vous jouez les intermédiaires. Vous voulez vous distinguer. Vous ne voulez pas qu’on vous confonde avec l’autre côté.
- [Rios] Qu’en pensez-vous, Agnes ?
- [Jurati] Je pense que vous faites un malheur.
- [Elnor, naïf] Mais êtes-vous vraiment un facer ?
- [Rios] Non.
- [Musiker] Patenté, à jour pour vos paiements à la guilde. Vous avez rendez-vous avec Mr Vup.
- [Rios] Mr Vup.
- [Musiker] Oui. Rios, vous devez vraiment les convaincre. Vous ne pouvez pas faire votre numéro d’existentialiste ténébreux. Votre personnalité doit être en accord avec vos vêtements. Vous devez montrer un peu de panache.
- [Seven avec ironie] Il vous faut une plume à votre chapeau.
- [Musiker] Et essayez de rester à bonne distance du lézard. Beta Annari peut le sentir quand vous ne dites pas la vérité.
- [Jurati] Vraiment ?
- [Musiker] Et ce que vous avez mangé pour dîner et votre dernière partenaire sexuelle.
- [Rios] Si ce sont deux choses différentes.
- [Jurati, avec une ironie noire] Au moins ce n’est pas perturbant.
- [Jurati injecte un produit à Rios au moyen d’une seringue hypodermique] Désolée.
- [Rios, indigné] Qu’est-ce qui vous prend ?
- [Musiker] Bêta-bloquants, anxiolytiques, benzodiazépines. Libération retardée. Petit mélange maison de Raffi, chéri.
- Pourquoi avez-vous fait ça ?
- Au cas où vous croiseriez l’un de ces reptiloïdes hypersensibles. Ça devrait faire son effet quand vous en aurez besoin.

- [Musiker] Honnêtement, Rios n’est pas celui qui m’inquiète le plus, ici. Je suis plus préoccupée par vous deux. [Raffi dirige son regard vers Picard et Elnor]
- [Picard dans son déguisement de Picard] Je croyais que j’avais l’air [Et alors avec une parodie d’accent rétro-français] adéquatement sinistre.
- [Musiker, indignée] Sans commentaire. En présumant que Rios ne s’étranglera pas ou ne gâchera pas tout.
- [Rios] Jamais de la vie.
- [Musiker tend à Seven ce qui ressemble à un combadge ou à un patch électronique] Voici un activateur de système de transport. Quand vous le mettrez à l’intérieur de leurs boucliers, ça créera un tunnel stable pour vous téléporter dedans et dehors. Ils ne pourront le différencier de vos implants sur le scanner. Les mains, je vous prie. [Avec de la gêne dans la voie, Musiker demande à Seven de se retourner pour pouvoir la menotter] Sans vouloir vous offenser.
- [Seven] Je ne le suis pas.
- [Musiker] Pourquoi... les aidez-vous ?
- L’évacuation a pris fin et la Zone neutre s’est effondrée. Quelqu’un devait maintenir un semblant d’ordre. Je suppose qu’à ce stade, c’est devenu une habitude.
- J’admire ce que vous faites avec les Rangers. (…) Appuyez et tirez pour...
[Les menottes sont donc truquées pour permettre à Seven de se libérer à volonté]
- Oui.
- OK, quand vous aurez Maddox, actionnez l’activateur et le docteur vous téléportera hors des lieux.

- [Jurati] Attendez, attendez. Attendez une seconde.
- [Musiker à Jurati] Je... Attendez une minute. [Puis à Seven, tandis qu’elle lui place une sac sur la tête] Pouvez-vous respirer ?
- [Seven] Oui.
- [Jurati] Comment ça, je les téléporte ?
- [Elnor prend conscience de la situation] C’est un mensonge. Tout le monde se comporte comme s’ils étaient quelqu’un d’autre. [Silence général] Tout le monde sauf moi.
- [Musiker à Jurati] Et, Agnes, vous êtes chargée de la téléportation.
- [Jurati] Vraiment ? Moi ? D’accord. C’est difficile ?
- [Rios] C’est du gâteau.
- [Tandis que Elnor se la joue à la consternation générale] Aguardiente.
- [Soupir général de l’équipage] Oh, Seigneur.
- [Elnor] Je ne sais pas comment ne pas être Elnor.
- [Picard] Alors, sois Elnor.
- [Seven] Un Elnor qui ne parle jamais.
- [la console de Raffi] Gabriel Hwang localisé. Zone médicale de Stardust City.
- [Musiker à Picard] Assurez-vous que le petit suive le scénario. Et surveillez vos arrières. Amiral Picard.
- [Picard] C’est le moment d’y aller.
- [Musiker] Vous avez ça en main.
- [Picard] Ça va être beaucoup plus dur sans vous.
- [Musiker de façon attendrie pour la première fois] C’était presque comme au bon vieux temps, hein ? Je... J’espère que vous trouverez ce que vous êtes venu chercher.
- [Picard] Et je vous souhaite sincèrement la même chose.
- [Musiker] Allez-y. [Et Rios la téléporte sous le regard attentif de Jurati]

Même si le montage possède un certain souffle à défaut de réelle originalité (cf. Steven Soderbergh), cette scène reste pour l’essentiel un empilement de déjà-vu dans l’histoire audiovisuelle et surtout télévisuelle : les préparatifs concertés d’une mission d’infiltration périlleuse réalisée par une savante combinaison de culot personnel et de gadgets magiques. Mais le professionnalisme de l’équipe de Jim Phelps cède progressivement la place à la comédie d’un John "Hannibal" Smith... et finalement, l’équipage de La Sirena se métamorphose en troupe itinérante de théâtre boulevardier préparant sa prochaine représentation tragi-comique (ou mélodramatique). Picard dans le rôle de Matamore, Rios dans celui du séducteur, Seven dans celui de l’ingénue, Elnor dans le rôle du spadassin (à moins que ce ne soit l’inverse pour les deux derniers).
Quant au "cerveau" de l’opération, Raffi, qui sort en un tournemain de son chapeau de prestidigitatrice ce scénario tactique sur mesure, aussi impeccable qu’improbable, il est évident qu’elle ne restera pas absente de La Sirena bien longtemps. Ses adieux de Fontainebleau (pour de faux) avec Picard n’ont d’autre fonction que d’enterrer la hache de guerre pour l’émanciper de son mono-mode "colère" (dont la pauvreté clichée finissait par devenir préjudiciable à la série).

Elnor, en prenant soudain conscience – genre après la fin des préparatifs et des "répétitions" (il aura mis le temps !) – que chaque membre d’équipage allait interpréter un rôle qui n’était pas le sien, il s’écrie alors avec indignation : « It’s a lie. Everybody is behaving as if they were somebody else ! Everyone except me ».
Voilà une saillie qui résume symboliquement l’épisode, et finalement la série ST Picard elle-même... où rien n’est à sa place, ni les personnages, ni les sociétés, ni l’univers lui-même.
Alors faut-il en rire ou être touché ? Et est-ce même intentionnel de la part des auteurs ?
On dit bien que la vérité sort de la bouche des enfants, et c’est apparemment ce rôle que la série semble vouloir faire jouer à Elnor. Manifestement, la voie de la candeur absolue est une forme d’infantilisme, du moins de décalage social. Conférant à Elnor une typo de "fish out of water”, dans le sillage lointain (et tellement appauvri) de Data, Odo, et même Seven jadis (respectivement dans TNG, DS9, et VOY), et tenu peu ou prou jusqu’à maintenant dans la série Picard par Agnes Jurati. Mais considérant le twist de fin d’épisode, il est probable que cette dernière soit appelée à être remplacée par Elnor dans cette "fonction"...

De même, jouissive est la réplique par laquelle Musiker balance à Rios : « You can’t do your broody, existentialist spaceman routine ». Parce qu’elle assume ainsi explicitement dans la diégèse ce que les spectateurs pensent très fort de ce protagoniste depuis son entrée en scène dans le troisième épisode.
Pour autant, cette astuce ne saurait à elle toute seule rédimer ni légitimer un personnage aussi stéréotypé (l’existentialiste-ténébreux-cynique-désabusé-qui-a-beaucoup-souffert), si souvent rencontré dans trop de productions audiovisuelles.
Le remarquable épisode "méta" Stargate SG-1 10x06 200 avait révélé comment les scénaristes de séries réussissent à faire accepter aux fans les faiblesses voire les absurdités des scripts en les pointant avec dérision on screen, à travers des in-jokes internalistes. Dans le business, on nomme ça des "lanterns".
Mais sur le fond, ça ne change en fait rien, aussi bien pour le cri d’indignation d’Elnor que pour le sarcasme acerbe de Raffi. Car ce n’est pas parce que l’auteur en appelle à la connivence du public en lui montrant avec autodérision à quel point il a conscience de la nullité d’écriture que celle devient comme par enchantement moins nulle. Au contraire, cela suggérerait plutôt un je-m’en-foutisme éhonté et une mépris goguenard du spectateur...

Mais le plus déplaisant dans cette scène (et la plupart des autres), ce sont toutes les idiosyncrasies actuelles qui s’invitent à la moindre occasion, essentiellement dans les situations psychologiques supposées être les plus "spontanées" et les plus "authentiques", par les postures comme par le langage, du "give me five" entre Chris et Agnes... à la descente du bourbon par Seven (façon JR dans Dallas)... en passant par l’exaspérant sobriquet "JL" (dont est affublé familièrement le héros-en-titre).
Les showrunners de ST Picard ont visiblement oublié à quel point le futurisme, l’exotisme, et le dépaysement trekkiens reposaient avant tout sur la manière non-contemporaine de se comporter, de la prosodie au langage corporel. Ce que Rick Berman nommait à si juste titre "la grammaire de Star Trek".

Après un teasing étalé sur plusieurs épisodes, il est temps de s’abandonner à une plongée spectaculaire dans la ville de Stardust City sur la planète Freecloud... dont le look tient à une hybridation entre Atlantis, la poétique cité des Ancients flottant sur l’océan dans Stargate Atlantis... et un Las Vegas monstrueux, tout droit sorti de Rouge City dans le AI de Spielberg, et saturé de hologrammes (la signature kurtzmanienne).
Une nouvelle fois, la sensation d’être davantage dans du Star Wars que du Star Trek. Il en est en fait ainsi depuis le reboot de 2009.
Mais la première surprise passée, finalement rien de bien innovant au chapitre visuel et CGI… Ce Las Vegas extraterrestre parait finalement de taille plutôt modeste... alors que le pharamineux budget de la série et son tropisme starwarsien auraient plutôt appelé une vision à la Coruscant, avec une cité s’étendant jusqu’à l’horizon planétaire...

Musiker gagne le service de santé reproductive de Stardust City, tandis que diverses annonces publiques se font entendre :
- Ne disparaissez pas dans la foule. Au Planning familial de Freecloud, votre bébé est notre bébé. Joignez-vous à notre famille aujourd’hui.
- ...présentez-vous au labo trois d’implants parthénogénétiques pour votre intervention suivante. Présentez-vous au labo trois d’implants parthénogénétiques pour votre intervention suivante.
- [Après avoir longuement et silencieusement regardé Gabriel Hwang assis dans une salle d’attente, et sans aucune assurance, Musiker] Bonjour.
- [Gabriel surpris et ironique] Wow. Ici ? [Silence, puis Raffi s’assied à côté de lui.] Tu m’as collé un émetteur ou... tu me traques ?
- J’entends toujours des choses. Je t’ai peut-être un peu traqué.
- Tu as juste croisé mon chemin.
- Ton chemin vers où ?
- Vers Freecloud. Vers toi. Gabe... je suis clean
[Raffi adopte alors un vrai ton et regard de junkie repentante, avec un rire dissimulant la douleur] Je me sens bien. Je n’étais pas là pour toi. Même quand j’étais là, je n’y étais pas.
- Pas spécialement.
- Mais je suis là maintenant. Si tu me laisses y être. Pour toi. Et pour mon petit...
- C’est une fille. Il fut un temps où j’aurais rêvé de t’entendre dire ça.
- Gabriel, chér...
- Alors quoi, tu as changé ? Oui, tu es différente, maintenant.
- Oui. Je recommence à zéro. Je remets de l’ordre dans ma vie. C’est pour ça que j’ai fait toute cette route pour te voir.

- [Gabriel, avec une colère rentrée] Alors, l’attaque sur Mars. Dis-moi que ce n’était pas les synthétiques ?
- Chéri...
- Parle-moi du Conclave des Huit. Dis-moi ce qui valait la peine que tu nous ignores, papa et moi, jusqu’à ce qu’on puisse à peine te reconnaître.
- Je n’ai pas...
- Pourquoi tu nous as abandonnés pour une foutaise de conspi...
- Ce n’était pas une foutaise ! Cette attaque n’était pas ce qu’elle semblait ! Chéri, il y a une conspiration, personne ne connaissait son importance. Il y avait des vies en jeu...
- Nos vies, maman. Nos vies comptaient aussi. Mais pas pour toi. Tu ne comprends combien c’était nul d’être ton enfant.

Puis Pel (interprétée par la belle Ayushi Chhabra), épouse de Raffi et mère de sa fille entre en scène. C’est apparemment une Romulienne (quoique son nom sonne plutôt vulcain).
- [Gabriel à Pel] Hé, Pel, chérie, c’est ma mère, Raffaela. Elle passait par là. Elle avait une seconde.
- [Pel] Bonjour, c’est merveilleux de faire votre connaissance. Vous allez rester un moment ?
- [Gabriel] Non. Comme je le disais, elle ne fait que passer.
- [Raffi] Je suis si heureuse de vous connaître. Bonne chance avec le bébé. Au revoir, Gabe.
- [Gabriel] Au revoir, maman.

Gabriel et Pel s’éloignent. Raffi fond en larmes.

Et ainsi s’achève en fanfare sans conteste la pire scène de l’épisode.
Voici donc pourquoi Raffi tenait tant à aller sur Freecloud : grâce à un tracking de hacker, retrouver son fiston Gabriel qui s’était éloigné d’elle en raison de ses obsessions complotistes et de ses turbitudes narcotiques après avoir été évincée par Starfleet. Une éviction dont on ne connait toujours pas la raison d’ailleurs, sauf si le Starfleet de ST Picard suit la Chine impériale de la dynastie Ming en faisant partager aux subordonnés le sort de leur supérieurs.
Ainsi donc, c’est le truisme de la mère junkie rejetée par sa famille qui serait à l’origine du bad trip colérique de Raffi et de sa haine à l’endroit de Jean-Luc... dont la démission a probablement été vécue par elle comme l’élément déclencheur du tourbillon de déchéances dans lequel elle a sombré depuis 14 ans : obsession complotiste, drogues dures, marginalisation sociale... Si tristement contemporain, en terme d’iniquité tant sociétale (la brillante officière Raffi ne méritait en aucun cas ce sort) que personnelle (Jean-Luc ne méritait pas davantage de devenir son bouc émissaire).
TNG 01x22 Symbiosis (sis en 2364) avait explicitement établi qu’il n’existait plus d’addiction narcotique dans l’humanité de l’UFP depuis des siècles (tant pour des raisons médicales que sociales). Mais une fois de plus, la réalité de ST Picard a abrogé tout ça : les injustices sociales sont partout, et les victimes ont bien du mal à sortir du tourbillon de la drogue.
Malheureusement le sacrifice de l’utopie trekkienne ne s’accompagne d’aucun bénéfice narratif ou sémantique pour ST Picard. Car cette rencontre entre la mère repentante et le fils rancunier est d’une inanité humiliante... non pour les personnages (qui auraient pu en soi gagner à être présentés avec des torts et des failles humaines) mais pour la série elle-même. En voulant transposer trop littéralement le contemporain, la série se heurte inévitablement à des maîtres du réalisme, qui ont tout fait incomparablement mieux sur le sujet. Et la comparaison ne peut alors que se révéler fatale pour ST Picard. Car lorsque la culture sériephile a été abreuvée de chefs d’œuvre comme The Wire et The Corner (de David Simon), il est très préjudiciable pour une SF porteuse d’un label aussi prestigieux que ST de se confronter à ces références... pour finalement n’accoucher à l’arrivée que de dialogues encore plus convenus et d’une interprétation encore plus pauvre que dans un épisode de Plus belle la vie. Toute once d’authenticité a cédé ici la place à un mélo cucul la praline interprété par des comédiens amateurs en MJC.

Gabriel Hwang révèle dans ses échanges avec sa mère Raffi qu’un certain "Conclave des Huit" était au cœur de sa dialectique conspirationniste l’ayant progressivement coupée de sa famille. Remarquons que par sa dénomination ésotérique-occultiste, le Conclave des Huit renvoie à de nombreux autres fantasmes contemporains et passés du même tonneau, à l’instar de la Fama Fraternitatis rosicrucienne, des Protocoles des Sages de Sion, des Illuminatis...
Mais le plus significatif est la façon dont le Star Trek kurtzmanien continue à faire un usage intensif des référents, de la dialectique et de la symbolique religieuse, tout particulièrement judéo-chrétienne. Des interjections contemporaines "Oh, my goodness" et "Oh, my God" employées respectivement par Raffi et par Jurati (alors que systématiquement absentes dans le Star Trek roddenberro-bermanien entre 1964 et 2005)... au concept de Conclave indissociable de l’enceinte où s’enferment les cardinaux catholiques pour élire le pape à Rome durant le Sede vacante. Dans ce registre, il faut se souvenir du festival surréaliste qu’avait infligé Discovery 02x02 New Eden.

Par ailleurs, si les examens de grossesse subis s’inscrivent dans l’assistance génétique et médicale que requiert une procréation inter-espèces (ce qui est généralement le cas dans le STU, par exemple entre humains & Vulcains ou entre humains & Klingons), la venue de la Romulienne Pel et du Terrien Gabriel sur Freecloud – une planète possiblement extérieure à l’UFP – résulte-t-elle de l’incapacité technique des sociétés de la Fédération à fournir ce type de prestation, ou bien de leur refus idéologique à caractère discriminatoire à l’encontre des Romuliens voire à l’encontre des unions mixtes entre humains et Romuliens ? Etant donné la décadence dystopique générale de l’UFP, cette déduction infamante n’a hélas rien de capillotractée...

Le service de santé reproductive de Stardust City pratique la parthénogenèse qui représente la forme la plus aboutie la parité. Après la PMA, après la GPA, après l’eugénisme sur catalogue, après le partage intergenre de la grossesse, voici l’autoreproduction (ou reproduction monoparentale).
Visiblement, si la série ST Picard démolit méthodiquement l’utopie trekkienne quant aux grandes questions civilisationnelles, elle ne manque en revanche jamais une occasion de promouvoir le bréviaire SJW.
Dystopique oui, mais à condition d’être politiquement correcte ! C’est ça tout le secret d’une production dans le vent. Une dérive fort bien identifiée (et dénoncée) par la série trash Santa Clarita Diet.

Avec des lunettes de soleil et un look de maquereau, tenant le rôle d’un facer (agent entremetteur et intermédiaire), Rios se téléporte lui aussi dans les rues illuminées de Stardust City. Il se fait scanner à l’entrée du cabaret, puis marque le rythme sur une piste de dance techno, avant de passer commande au bar tel un habitué…
- [Rios-facer] Un Temtibi Lagoon, si ça ne vous ennuie pas trop, et une tablette de jeux. Avec deux ombrelles. Et informez Mr Vup que je suis là, je vous prie. Mon nom est Rios.
- [Le tenancier du bar] Mr Vup est au courant.
- [Vup surprend Rios par derrière, il était déjà là à l’attendre] La chance vous sourit, Mr Rios ? Je suis Mr Vup.
- [Rios-facer] Bien sûr. Mes salutations. [Rios propose à Vup de s’asseoir à une table] Je vous en prie.
- [Vup] Ne perdons pas de temps. Vos références sont solides. Mr Quark de Ferenginar était particulièrement satisfait de la façon dont vous avez géré ses problèmes avec le Breen.
- Oui, c’était un tas de belles paroles.
- Êtes-vous conscient de l’identité de l’autre partie dans la négociation ?
- Absolument.
- Avez-vous déjà traité avec le Tal Shiar ?
- À dire vrai, j’ai fait des efforts pour ne pas les croiser. Ils sont traîtres, violents, impitoyables et subtils. Leur conception de l’honneur est ancrée dans leur art de la tromperie.
- Alors, pourquoi les représenter maintenant ?
- Je ne le fais pas. Je suis ici au nom d’une autre partie intéressée. Je suis venu offrir à votre employeuse une option de rémunération pour le Docteur Maddox.
- Surprenant
. [Et Vup dégaine un arme à particule en même temps que de nombreux gardes armés du cabaret] Je ne suis pas amateur de surprises.
- Je comprends.
- Qu’est-ce qui pourrait valoir la peine de renier un accord avec la police secrète romulienne ?
- Je peux l’expliquer.
- Vous n’en êtes peut-être pas conscient, Mr Rios. Nous, Beta Annari, avons 1253 gènes récepteurs olfactifs. Ce qui veut dire, entre autres choses, que je peux sentir un mensonge. Alors, Mr Rios, agissez avec prudence.

- [Rios-le-facer garde tout son calme bien qu’il ait un phaser de Vup sur la tempe, et il déploie alors depuis sa paume un mini-hologramme anatomique de Seven qui ne laisse pas Vup indifférent] Autant d’implants dans un spécimen vivant. Impossible.
- [Rios-facer] Quelle odeur je dégage ?
- [Vup] La vérité. Et vous avez eu une sorte de viande fumée pour le petit déjeuner, hein ? Tant de composants Borg intacts et en service dans un seul spécimen. Elle serait extrêmement précieuse.
- [Rios-facer] Pourriez-vous me donner un petit espace pour me téléporter ?
- [Un peu plus tard, Picard et Elnor sont scannés sur Freecloud par les hommes de Vup] Il est net.
- [Picard-pirate retire le sac de la tête de Seven devant Vup, et avec son accent de pirate sadique de cabaret] Quelle chose dégoûtante. Quand elles ont le Borg en elles, il n’y a pas de retour possible. Quoi qu’elles pensent. [Picard à Seven] Tu es salie. Damnée ! Maudite.
- [Vup] Un sacré morceau. C’est rare d’en trouver une avec tant d’implants qui soit opérationnelle.
- [Picard-pirate] Ce n’est pas une des nouvelles. Quand le Borg est entré en elle, c’était une "jeune fille" [en français dans la VO]. Vous devrez la couper en morceaux pour sortir tout ça. [Exprimé avec un sadisme gourmand, tandis que Vup en jouit littéralement à cette perspective] Un peu sensible, hein ? Je peux aller faire mon commerce ailleurs.
- [Vup] Non. Pas sensible. Pas du tout.
- [Picard-pirate à Rios-facer, en lui tendant un pseudo-paiement] Votre travail est fait.
- [Rios-facer] Je peux boire un autre verre ?
- [Picard-pirate] C’est une planète libre.
- [Vup] Voyons si on peut s’entendre.
- [Picard-pirate] C’est ce que j’aime entendre. Mais une dernière chose. Je veux la preuve que ma prime est vivante. Je dois voir Maddox !

Composer un vieux pirate "folle de Pigalle" avec cache-œil et un accent français totalement surjoué, voilà qui a probablement représenté un extra d’interprétation jouissif pour Patrick Stewart. Par-delà l’évidente référence au vilain Number 2 d’Austin Powers, il serait possible d’y détecter un hommage (volontaire ou involontaire) au projet originel avorté (lors du développement de TNG) de jouer le capitaine Picard avec un accent français, mais également un clin d’œil à l’unique aventure interlope de Jean-Luc (pirate picaresque malgré lui) dans TNG 07x04+07x05 Gambit.
Malheureusement, le plaisir gourmand de Patrick durant ces séquences est tellement palpable (limite incontinent), et l’incongruité des dialogues tellement grande (au regard du contexte tragique) que le résultat à l’écran s’apparente au pire à une irrespectueuse bouffonnerie de potache, au mieux à un cabotinage vaudevillesque. Entre son déguisement anachonique de pirate (il manque juste la jambe de bois), son surjeu de music-hall, son sadisme cartoonesque nourri de puritanisme autoparodique (mais rencontrant un parfait écho chez Mr Vup), l’opération y perd toute crédibilité et la prestation confine au pathétique. Etant donné l’abjection du sort des xBs qui, après avoir enduré l’humiliation suprême d’être assimilés par le Collectif, sont désormais traqués comme des pièces de boucherie, il est difficile de rire bon coeur avec Picard-le-pirate. C’est plutôt de lui et de son mauvais goût que le spectateur se gaussera.

Mr Vup, le reptiloïde Beta Annari se targue de disposer de 1253 gènes récepteurs olfactifs (lorsque les humains n’en ont que 400), ce qui lui permettrait entre autres de détecter le mensonge ! Ainsi le mensonge aurait une odeur, comme le dernier repas consommé. Hypothèse originale, mais à la crédibilité incertaine, et qui aurait alors dû conduire Vup a détecter la supercherie et la duplicité triple des Pieds nickelés (non pas Ribouldingue, Filochard, et Croquignol, mais Rios, Picard, et Seven). Or rien de tel, en dépit d’une parodie comportementale de leur part que même un gamin détecterait...
Certes, ils bénéficient tous du "mélange maison" de Raffi, mais composé seulement de bêta-bloquants, d’anxiolytiques, et de benzodiazépines... qui sont des médicaments agissant respectivement sur la fréquence cardiaque, la tension artérielle, et le système nerveux (les benzodiazépines étant des psychotropes). C’est donc sans réel impact sur les émanations odorantes...
Il est d’ailleurs curieux de rencontrer des bêta-bloquants dans la médecine futuriste de Star Trek qui repose sur des paradigmes si différents des nôtres (cf. ST IV The Voyage Home).

Nouveau "placement" offert en pâture aux trekkers : Mr Vup cite l’inénarrable Quark de DS9. Il est devenu 23 ans après : "Mr Quark de Ferenginar". Et désormais, il sert de caution pour faire des affaires avec l’un des pires gangs mafieux du quadrant : les vivisectionnistes d’ex-Borgs, qui kidnappent en toute impunité et démembrent les citoyens de la Fédération (ayant eu le malheur d’avoir été un jour assimilé par le Borg). Outre de renforcer toujours davantage de syndrome du micro-univers, ces références internalistes ne servent décidément plus le wordbuilding, mais uniquement l’idéologie de ST Picard. Cette série réussit même à salir les personnages vétérans du ST historique qui n’apparaissent pas à l’écran, en les faisant eux aussi passer à la casserole de la "dystopie pour tous".
Les showrunners savent-ils seulement que tout Ferengi qu’il était, Quark ne franchissait pas certaines "limites morales" (cf. par exemple DS9 05x18 Business As Usual ou encore le refus de faire du business avec le très criminel Orion Syndicate…).

On a beau être sur une autre planète, presque 400 ans dans le futur, Stardust City est un copié-collé de Las Vegas, modulo l’omni-holographie. Mêmes ambiances, mêmes postures, mêmes pistes de dance, mêmes musiques techno, mêmes trafics (ou presque). Décidément, les "voyages fantastiques" de ST Picard réussissent à être moins dépaysants que ceux de Jules Verne...

Picard-pirate et Seven encagoulée se retrouvent face à Bjayzl…
- [Bjayzl] Montrez-moi.
- [Picard-pirate] Comme je disais à Mr Vip...
- [Vup] Vup.
- [Picard-pirate] Vous n’en verrez plus beaucoup comme elle ! [Et Picard-pirate ménage son effet de scène en dévoilant le paquet devant Bjayzl] Quand elles sont assimilées enfants, plus de pièces restent à l’intérieur. [Mais Bjayzl n’est pas surprise, et à son regard, elle reconnait Seven]
- [Vup] Oreilles, yeux, cou, poitrine, colonne vertébrale, reins, hanches. Différents os.
- [Bjayzl] Je pensais que ça pourrait être toi. "Espérais" pourrait même être le mot juste. Je savais que tu étais impressionnante, mais pas à quel point. Et c’est bon de te revoir, Annika.

Picard est stupéfait, il s’est visiblement fait manœuvrer par Seven ! Et malheureusement pour lui, sa sidération et son émotion l’incriminent. Dès lors, d’un regard de Bjayzl, Vup et ses hommes mettent en joue Picard. Tandis qu’au loin, au bar, Rios assiste à la scène : le plan ne se déroule manifestement pas comme prévu…

À bord de La Sirena, Jurati est visiblement très angoissée à la perspective de devoir manipuler le téléporteur pour rapatrier l’équipe. Elle soliloque entre la panique et la méthode Coué.
- [Jurati à elle-même] Ça va aller. Tu peux le faire. Tu dois le faire. [Et soudain, un hologramme à l’effigie de Rios apparaît]
- [L’EMH à moins qu’il s’agisse d’un EPH] Quelle est la nature de votre urgence psychiatrique ? Votre pouls et votre tension sont élevés.
- Parce que vous m’avez fait une peur bleue.
- Je vais vous donner un sédatif.

- [Jurati, furieuse et suffocante] Je n’ai pas besoin...
- [Rios depuis Freecloud] Agnes, vous me recevez ?
- [EMH/EPH] Vous êtes certaine que...
- [Jurati] Oui, j’en suis certaine !
- [Rios] Agnes.
- [Jurati] Oui. Salut.
- [Rios] À qui parlez-vous ?
- [Jurati] Vous. Mais pas vous-vous. Personne.
- [EMH/EPH à Rios] Capitaine, Docteur Jurati a...
- [Jurati] Désactiver l’EMH. [Puis après un long silence où elle tente de reprendre le contrôle de ses émotions, elle s’adresse à Rios] Je suis là.
- [Rios] Les termes opérationnels sont : "bien reçu" ["copy" en VO] et "allez-y" ["go ahead" en VO]. Il y a un problème, on va peut-être devoir annuler. Vous les surveillez ?
- Oui. Affirmatif. C’est rouge.
- Ils n’ont pas encore actionné l’activateur de transport. Prévenez-moi quand ils le feront.
- Oui. Bien reçu. Affirmatif, quel que soit le mot. Que se passe-t-il, là-bas ?

Le traditionnel incipit de l’EMH (« Quelle est la nature de votre urgence médicale ? ») depuis VOY est remplacé ici par la variante : « Quelle est la nature de votre urgence psychiatrique ? ». Est-ce à dire que, fidèlement à un running gag dorénavant établi, il s’agirait de l’entrée en scène d’un cinquième programme holographique sentient à l’effigie de Rios, nommé par exemple EPH (Emergency Psychiatric Hologram)... après l’EMH, l’ENH, l’EHH, et l’ETH/Emmet ? L’ambiguïté demeure néanmoins, faute de précision. À l’inverse, la psychiatrie pourrait très bien constituer un sous-programme (ou programme spécialisé) de l’EMH, comme l’avait d’ailleurs créée à son initiative l’EMH de l’USS Voyager plus de 20 ans avant.
Mais contrairement aux médecins holographiques de TNG/DS9/VOY, l’hologramme se déclenche désormais automatiquement, ce qui suppose un monitoring constant et à distance de tous les paramètres vitaux des membres d’équipage.

Le manque de confiance en soi et l’émotivité débordante du Dr Agnes Jurati à la perspective de devoir manipuler elle-même la console d’une téléporteur (pourtant préprogrammée à son attention par Rios) est un peu over the top, a fortiori pour un personnage que la série présente comme l’une plus grandes scientifiques de son temps...
Mais du coup, pourquoi n’avoir pas confié cette tâche automatisable à l’un des nombreux techniciens spécialisés – et dépourvus d’émotions – que compte La Sirena, à savoir les hologrammes ExH ?

Retour au face à face entre Seven et Bjayzl sur Freecloud :
- [Bjayzl] Tu es fâchée car j’ai découpé un être que tu chérissais pour ses implants ? Ou parce que tu me faisais confiance ? Tu étais si noble, à l’époque. Sauver les parias. Secourir les oubliés. Tu étais si facile.
- [Seven] Vraiment, Jay ? Alors, comment je me suis enfuie ? Comment j’ai échappé à la puissante Bjayzl ? Une fortune en technologie Borg et tu l’as perdue. [Seven avec un air triomphant] Tu m’as perdue. Personne ne t’a jamais été aussi chère que je l’étais. Et je t’ai glissé entre les doigts. C’est moi qui me suis enfuie.
- Plus maintenant.
- Faux, Jay. [Seven se libère de ses menottes électronique et une fraction de seconde saisit par la gorge Bjayzl] Lâchez vos armes.
- Écoutez-la. Maintenant ! [Et tous les gardes de Bjayzl abandonnent leur artillerie].
- [Picard] Que se passe-t-il, ici ?
- [Seven] Je n’ai pas été tout à fait franche avec vous.
- [Picard avec ironie] Vraiment ?
- [Elnor toujours à l’ouest] On fait encore semblant ?
- [Picard] Non, Elnor. Je crois que tout le monde s’est enfin arrêté. [Elnor saisit les armes à particules et tient tout le personnel de Bjayzl en respect]
- [Picard à Maddox, gisant au sol et fort amoché] Bruce. Comment allez-vous ?
- [Maddox] Picard.
- [Bjayzl toujours tenue par la gorge par Seven, mais sidérée] Picard ? Le célèbre amiral Picard ? Il semblerait que vous croyiez nous duper alors que vous étiez dupé, amiral. Je présume que vous ignoriez tout de ma relation personnelle avec Annika.
- [Seven à Bjayzl, tout en la projetant au sol de colère] Ferme-la. [Seven à Picard, lui jetant l’activateur de système de transport] Prenez Maddox et partez.
- [Picard] Que voulez-vous dire ?
- [Bjayzl] Ça veut dire qu’elle va me tuer. Mais héroïne jusqu’au bout, notre Annika va d’abord sauver vos vies.
- [Seven à Picard] Partez.
- [Picard] Vous aviez raison. Ce n’est pas sauver la galaxie. C’est juste un règlement de comptes.
- [Seven] Vous n’avez aucune idée de ce que c’est.
- Dites-le-moi. Qu’est-ce que c’est ?

- [Seven lâche Bjayzl] Quand il n’y a plus eu de secours, certains d’entre nous ont voulu maintenir l’ordre dans les mondes laissés par la Fédération. On était basés à Fenris. L’un de nous était un jeune officier scientifique en permission de l’USS Coleman. En reconnaissance près de Daimanta, son vaisseau a reçu un appel de détresse. Il s’est avéré que c’était une embuscade. Il était ce que je n’aurai jamais de plus proche d’une famille. [Seven très émotive] Comme moi, Icheb était un ancien Borg, sauvé et récupéré par le Voyager dans le Quadrant Delta. C’est pour ça qu’elle le voulait. Ses pièces étaient... une bonne affaire. Bjayzl a fait arracher ses implants sans anesthésie. Sans même la miséricorde infime de la mort. [Description de Seven entrecoupée de flashbacks extraits du teaser gore, notamment lorsqu’elle a euthanasiée Icheb] Je l’avais connue sur Fenris. Elle prétendait être des nôtres, quelqu’un qui essayait d’aider. Elle avait appris par moi l’existence d’Icheb.
- [Picard] Mais le meurtre n’est pas la justice. Il n’y a pas de réconfort dans la vengeance. Votre humanité vous a été rendue. Ne la gâchez pas.

Tandis que Mr Vup extrait une arme téléscopique de sa manque, Rios anticipe son geste et le descend.
- [Rios] Vous êtes prêts à partir ?
- [Seven] Emmenez-les. Actionnez l’activateur de transport [que Seven lance à Rios] et emmenez-les hors d’ici.
- [Rios] C’est entendu. La vengeance. Je comprends la pulsion. Mais si vous faites ça, nos têtes seront mises à prix. Personnellement, je m’en fout. Mais le gosse et le vieux, ils n’ont pas une chance en sortant d’ici avec leurs têtes mises à prix.
- [Bjayzl] Ton ami dit vrai, Annika. Faisons un échange. Maddox contre ma vie. [De colère, Seven la saisit de nouveau par le cou]
- [Rios à Seven] Eh… faites le calcul. Vous l’avez trouvée une fois. Il y a des chances que ça se reproduise. [Seven semble se laisser convaincre]
- [Picard à Jurati] Cinq à téléporter, Docteur.
- [Elnor à Maddox] Venez.

Ils se téléportent tous les cinq à bord de La Sirena.

Dans cette scène et la précédente, Jean-Luc Picard apparaît plus que jamais "mou du bulbe". Celui qui était parti avec assurance pour enfumer des criminels de pointe… se révèle incapable de s’adapter à l’inattendu, et perd tous ses moyens au premier retournement de situation imprévu. Il ne dissimule alors plus rien de son étonnement et de ses émotions, comme un vulgaire cadet sans expérience de terrain, jusqu’à faire capoter la mission. Heureusement pour lui que Seven a gardé l’ascendant jusqu’au bout. Et il faudra encore que celle-ci se fende de longues explications et mette les points sur les "i" pour que Jean-Luc saisisse pleinement la situation, sans pour autant se dispenser de leçons de morale plutôt déphasées...
Visiblement, la raison d’être de cet enchainement est de fournir un éclairage aux spectateurs, mais sur le dos de la vivacité d’esprit du héros-en-titre, et en poussant la lourdeur jusqu’à insérer des flashbacks de scènes déjà vues quelques minutes avant. Un manque de considération pour les spectateurs et un pédagogie descriptive qui aurait déjà juré dans les sixties, alors c’est particulièrement poussif en 2020.

Toujours est-il qu’on apprend donc ici la triste histoire, non pas des rois, mais de Seven et d’Icheb. Prédation abjecte qui se sera médiocrement transformée en tragédie ordinaire, de celles qui hantent l’humanité depuis son origine et qui prétendent justifier toutes les violences et toutes le guerres : le désir de réparer des injustices.
Mais ici, cette quête irrépressible de rétribution est née de l’incurie d’une société décadente, de la démission de la justice, d’un système qui a renoncé à ses devoirs régaliens, à son autorité, à sa souveraineté, et à la protection de ses ressortissants. Par-delà le réflexe anti-trekkien de Seven, c’est surtout l’anti-trekkisme de la Fédération qui se dessine ici, si loin des promesses de l’USS Voyager et de Janeway à sa protégée en 2378.

Le pauvre prêche de Picard contre la vengeance et la violence est au niveau des pires leçons de patronage pour mômes. Ce qui donne une idée de l’incompréhension par les showrunners de l’idéalisme trekkien, qu’ils confondent avec des leçons de catéchisme.
Le véritable Star Trek n’a jamais fait dans la sémiologie, mais seulement dans l’étiologie, à savoir le traitement des causes et non des symptômes. Si Seven éprouve le besoin de se venger, c’est la conséquence d’une faillite sociétale, un point que Picard se garde bien d’aborder avec elle, ce qui situe tout de suite le niveau de l’échange, aux antipodes des débats éthiques qui caractérisaient la franchise jusqu’en 2005.

De son côté, Rios ne voit-il pas l’incongruité de ses pieux conseils ?! Il dissuade Seven de tuer Bjayzl en raison des conséquences (sa tête et celle de ses compagnons seraient mises à prix)... exactement trois secondes après avoir lui-même descendu le premier lieutenant de Bjayzl, Mr Vup ! Et ça, c’est sans conséquences ? Un vrai gag nonsensique.

Mais quel est le fondement de ce si terrible "wanted", auquel le plus redoutable bretteur romulien (Elnor) et un amiral de Starfleet à la retraite (Picard) ne pourraient survivre, et qui a apparemment convaincu Seven de renoncer à sa vengeance (pourtant ruminée durant 13 ans) ?!
Serait-ce des représailles mafieuses intergalactiques, mais cela signifierait alors que la redoutable Bjayzl ne serait pas la chef de gang qu’elle prétendait être, mais un simple maillon d’une organisation criminelle plus vaste et plus redoutable encore ?
Ou serait-ce des conséquences pénales, mais qui ne feraient alors que magnifier l’abjection d’un système qui n’a même pas cherché à sanctionner celle qui a enlevé, torturé, et démembré un officier de Starfleet (parmi bien d’autres innocents)... mais qui poursuivrait en revanche les amis ou la famille de celle qui a tué la criminelle à la tête d’un empire criminel. Auquel cas, ce serait encore plus kafkaïen que le procès stalinien de Michael Burnham à la fin du pilote de Discovery->50148#yr].

Enfin, Il y a de curieux subtexts qui ressortent des échanges entre Seven et Bjayzl, à croire qu’elles auraient été... amantes ! Serait-ce une volonté des showrunners de s’aligner sur la même doxa que Discovery, d’offrir sur le tard à Seven la relation gay que certains appelaient de leurs vœux avec Janeway durant les dernières saisons de VOY ?
Une hypothèse qui s’appuie non seulement sur l’intensité émotionnelle qui lie Seven à Bjayzl, mais également à tous les efforts que cette dernière semble avoir déployé à l’origine pour approcher Icheb au travers de Seven... alors qu’Icheb ne valait pas financièrement davantage que Seven pour une prédatrice d’implants borgs. En d’autres termes, comme expliquer que Seven ait été épargnée par Bjayzl et non Icheb ? Sauf que si Bjayzl s’était vraiment infatuée de Seven, comme expliquer qu’elle s’en soit prise au "fils" de celle-ci ?

Si leur passif mutuel reste nébuleux en dépit des explications factuelles fournies, il est très étonnant que Seven ait attendu 13 ans avant de tenter de se faire elle-même justice (la société n’assurant plus cette charge). Alors que l’ex-Borg est redoutablement efficace (comme le prouvent ses actes dans l’épisode), alors qu’elle dispose de toutes les ressources des Fenris Rangers (dont la profession est justement vigilante), et alors qu’elle n’avait aucun raison de moins haïr Bjayzl à la fin des années 2380 pour sa trahison et ses crimes qu’en 2399.
En somme, à la lumière de ce qui a été dit et montré, il est bien difficile de croire que Seven ait vraiment eu besoin d’attendre 13 ans et le petit La Sirena pour approcher et éliminer Bjayzl. Alors à moins qu’il s’agisse d’un énième agenda caché hérité de Alias, toute cette opération commune sur Freecloud respire le prétexte fan service d’une rencontre forcée entre Picard et Seven non véritablement justifiée par la narration.

Il est toujours étonnant de voir quels efforts la série ST Picard déploie pour contenter les trekkers... tout en massacrant les fondements mêmes de l’univers trekkien.

Revenus tous à bord de La Sirena :
- [Jurati, étonnée par sa réussite] Je l’ai fait. [Puis voyant Maddox au sol] Oh, mon Dieu. Bruce. ["Oh, my God. Bruce" en VO]
- [Picard] Il est en mauvais état. Exposition. Déshydratation. Peut-être d’autres choses. Il faut vite l’emmener à l’infirmerie.
- [Jurati] Je m’occuperai de lui.

Curieusement, à ce moment-là, Rios pose discrètement l’activateur de système de transport sur la console de téléportation
- [Tandis qu’il est transporté à l’infirmerie, Maddox divagant un peu en voyant Juratie] Aggie. Aggie.
- [Picard] Capitaine Rios.
- [Rios] Je nous emmène hors de ce fichu endroit.

Seven se saisit alors discrètement de l’activateur de système de transport laissé par Rios. Restée seul avec Picard dans la salle de transport.
- [Picard à Seven] Je suis content que vous ayez fait ce choix. Un transport est la moindre des choses que je puisse vous offrir.
- [Seven] Les Rangers m’ont déjà envoyé un corsair. Il devrait déjà être là. Mais je prendrai deux de vos phasers, si c’est possible. Un vigilante peut toujours en utiliser deux de plus.
- Bien sûr.

- [Seven tend alors à Picard une carte électronique] Au cas où vous ayez un jour besoin d’un vigilante.
- Merci.

Seven se saisit alors des deux phasers que Picard l’a autorisée à prendre]
- [Seven] Après qu’ils vous ont ramené de votre séjour dans le Collectif... vous croyez vraiment que vous avez retrouvé votre humanité ?
- Oui.
- Entièrement ?
- Non. Mais on s’y emploie tous les deux, n’est-ce pas ?
- Chaque foutu jour de ma vie.
[« Every damn day of my life » en VO]

Un bel échange de regards, apparemment sincères, conclut cette rencontre culte.
Et tandis que Seven fait ses adieux en montant sur les plots de téléportation, une variation mélancolique du magnifique générique de VOY se fait entendre...
Picard lance la téléportation. Sauf que Seven ne se téléporte pas à bord d’un vaisseau ranger, mais sur Freecloud dans le cabaret de Bjayzl ! Et aussitôt matérialisée, elle descend au phaseur les gardes, laissant toutefois généreusement la clientèle prendre la fuite… pour se retrouver seule avec son ennemie à sa merci.
- [Seven, ironique, tout en flinguant] Salut.
- [Bjayzl] Eh bien… Franchement, j’ai été étonnée quand tu es partie. Je croyais que tu essaierais de partir en tirant.
- Je le fais.
- Comme c’est sentimental de ta part. Risquer ta vengeance... en sauvant leurs vies. Ça me rappelle presque... l’Annika d’autrefois.
- Moi aussi. Picard pense encore qu’il y a une place dans la galaxie pour la miséricorde. Je n’ai pas voulu lui ôter ses illusions. Quelqu’un devrait encore avoir un peu d’espoir.
- Comme tu en avais avant ? Avant que je te l’enlève.
- Quelque chose comme ça.
[dit Seven avec une mélancolie autodérisoire] Tu gagnes du temps, Jay. Ta seconde vague de sécurité sera là dans moins de cinq secondes.
- Annika.

- [Seven met alors Bjayzl en joue] Il était un fils pour moi, Jay. Ça, c’est pour lui.
Et Seven flingue à bout portant, faisant littéralement exploser Bjayzl.
- [Gardes de sécurité] Défoncez la porte ! Bjayzl !

Et alors, telle Lara Croft... ou un personnage féminin à grosse pétoire de Quentin Tarantino tendance Kill Bill, ou encore Helena Braddock & Melanie Ballard dans le médiocre Ghosts Of Mars (2001) de John Carpenter... Seven Of Nine tire à feu nourrie sur l’armée privée de feue Bjayzl.
Ce sera la dernière apparition de Seven (du moins dans l’épisode).

Donc voilà, la messe est dite !
Seven Of Nine, ce personnage référentiel de VOY qui avait su donner ses lettres de noblesse à la recherche de la vérité, à la quête de perfection, à la rationalité et à l’honnêteté intellectuelle, celle qui fut si subtile mais dépourvue d’ambiguïté, celle qui fut un autre Spock et un autre Data... vient d’être immolée sur l’autel de la trivialité et de la vulgarité ! Elle chiale, elle a la haine, elle s’enfile des whiskies comme JR, elle euthanasie, elle jure (à la mode contemporaine), elle est ambivalente et inquiétante, elle ment, elle manipule, elle se venge froidement, elle fait sa vigilante badass, elle massacre en mode "don’t fuck with me", et elle singe les super-héroïnes stéréotypées pour ados boutonneux de la culture gaming.
Et sans recast s’il vous plait, c’est encore mieux. Une vraie uncanny valley de la contrefaçon.
Mais d’aucuns estimeront certainement que Seven aura ainsi parachevé pleinement sa quête d’humanité entamée dans VOY... en devenant aussi commune que le PGCD de la médiocrité. Mais cela reviendrait à estimer que la société futuriste imaginée par Gene Roddenberry n’atteindrait sa consécration (en réalisme ou en signifiance) qu’en devenant... la société contemporaine !
Une question de paradigme et de définition.

Il est particulièrement symptomatique que la "séquence massacre" ait été annoncé par la mélopée cosmique de la série Voyager (alors qu’en est sa plus totale négation), et qu’elle ait immédiatement suivi le moment le plus introspectif – et donc apparemment le plus trekkien – de l’épisode, à savoir le point culminant de la rencontre entre Picard et Seven, où ils philosophaient sur leur humanité volée par les Borgs et seulement partiellement retrouvée ensuite.
Le symbole même de l’hypocrisie et de l’illusion véhiculée par ST Picard : prétendre rendre hommage à VOY pour mieux déféquer sur elle, lorsque la trahison cache en réalité un dol.

Quant au verdict implacable de Bjayzl sur Seven qu’elle ne dément pas (« How sentimental of you, then. Risking your revenge while saving their lives. Almost reminds me of the Annika of old »), il sonne comme un requiem, avec une généralisation et une banalisation de la désespérance. S’il est devenu héroïque de ne pas tout sacrifier (les innocents, la parole, etc.) à la déesse "vengeance", alors fatalement, la profanation des personnages cultes ne pourra être évitée (ou du moins se limiter) qu’au détriment de la société elle-même.

Admirons aussi avec quel naturel – sans concertation ni même échange verbal – les deux larrons, Rios et Seven, s’entendent pour duper "papy Jean-Luc" et promouvoir la philosophie de vengeance (Rios ayant délibérément laissé l’activateur de système de transport à la disposition de Seven). La vengeance, ce catégorème foncièrement anti-trekkien serait donc devenu la norme sociale dans ST Picard et le dénominateur commun des héros de la série. Un équipage d’assassins que la bonne conscience médiatique considèrera probablement "fresh" selon l’agrégateur Rotten Tomatoes.
Mais tout va bien dès lors que Jean-Luc devient le dépositaire, pour ne pas dire le mausolée des rêves d’enfances et des espérances violées de chaque personnage. Tel le tabernacle contenant la mémoire et les cendres liturgiques d’une utopie perdue dans le dédale des timelines.
Et tant pis si le héros-en-titre n’en devient que plus has been... et plus crétin aussi... lorsque par exemple il laisse à Seven deux phasers et ne se rend pas compte qu’il la re-téléporte lui-même précisement dans le cabaret de Bjayzl...
Ou alors, les scénaristes auraient-ils oublié leur propre définition de l’activateur de système de transport, à savoir un dispositif permettant aux téléportés de dissimuler leurs caractéristiques physiques... et non la destination de leur téléportation ?!

À bord de l’infirmerie de La Sirena, Picard s’adresse à Maddox tandis que ce dernier est alité, médicalement traité, et retrouve progressivement les esprits. Mais durant cet échange verbal, toute l’attention visuelle est porté sur le visage Dr Agnes Jurati, au premier plan de la photographie. Celle-ci écoute discrètement (et à bonne distance) les confidences de son amant Bruce Maddox, et l’enchainement de ses expressions à contremploi laissent pour le moins perplexe. Comme si elle n’était pas une alliée. Le spectateur est alors saisi du même doute concernant Agnes que lorsqu’elle avait débarqué providentiellement à la fin du troisième épisode.
- [Ordinateur de bord au sujet de Maddox] Massive hémorragie abdominale. Augmentation à 12 % du facteur de coagulation.
- [Picard] Ils vous ont vraiment roué de coups.
- [Maddox] Dahj est morte... n’est-ce pas ?
- Elle m’a trouvé. Et puis je l’ai perdue. Je suis profondément désolé.
- Quand le Tal Shiar est venu me chercher... a fait sauter mon labo... je savais.
- Sa mère IA intégrée ne l’aurait pas activée si elle n’avait pas été en grave danger. [Maddox est alors terrassé par la douleur]
- Bruce. Bruce. Je dois savoir. A-t-elle une sœur ?
- Oui. Soji.
- Soji. Où est-elle ?
- Elle est sur l’Artefact.
- L’Artefact ? Vous voulez dire... Pas le Cube Borg capturé ?
[Silence] Pourquoi ?
- Pour la même raison qui m’a conduit à envoyer sa sœur sur la Terre. Pour découvrir la vérité.
- La vérité sur quoi ?
- Sur l’interdiction. Il y a des mensonges par-dessus les mensonges. Ils cachent quelque chose.
- Qui ?
- Je ne sais pas. Ceux qui la poursuivent.
- Les Romuliens ?
- Pas juste eux. Je crois que la Fédération est impliquée. C’est ce que je les ai envoyés découvrir.

- [Jurati] Amiral, il est à peine stable. Il doit se reposer.
- Compris. Je vous laisse faire.

Dans TNG 02x09 The Measure Of A Man, le Commander Bruce Maddox avait été interprété par Brian Brophy, et ici il l’aura été par John Ales.
Encore un recast, et c’est dommage. Quoique inévitable étant donné que Brian Brophy semble avoir quitté la profession. Et à la faveur de 34 ans d’écart et d’une longue barbe, les changements d’apparence ne sont pas trop difficiles à vendre… même si le personnage y perd une part d’ambivalence qu’il avait à l’origine.

Quant aux "révélations" de Maddox, cela mérite bien une conclusion...

Picard rejoint Rios sur la passerelle, tandis qu’un plan s’attarde une nouvelle fois sur l’ouvrage déiste Le sens tragique de la vie de Miguel de Unanumo (une pub qui ne dit pas son nom).
- [Rios] L’Artefact ? C’est dans l’espace romulien. Voler dans l’espace romulien double ma paie. [Silence] D’accord, "jefe" [qui signifie "patron" ou "chef" en espagnol]
- [Picard] "Le vieux", en effet !
- Alors... on va parler de notre passagère clandestine ?

Picard se rend alors à la cabine de Musiker…
- Raffi ?
- Laissez-moi tranquille.

- [Picard tout bas, et avec contentement] Bienvenue à nouveau.

Oui, Raffi a regagné le Radeau de la Méduse. Aucun suspens de ce côté-là, la promo de la série avait d’emblée vendu son personnage comme faisant partie du main cast.

Picard gagne apparemment l’affection du mercenaire Rios, car ce dernier semble désormais accepter les missions à l’œil... après avoir déjà risqué sa peau gratos pour Picard en undercover sur Freecloud.
Mais le "jefe" de Chris ne signifie en aucun façon "vieux" en espagnol comme le croient les dialoguistes (ou du moins Jean-Luc). Cela signifie en fait "patron" ou "chef".

Après un épisode entièrement épargné par les scènes sur le Cube romulano-borg, aka l’Artefact, il est prévisible que le suivant (ST Picard 01x06 The Impossible Box) lui soit entièrement consacré...

De retour à l’infirmerie, Maddox et Jurati se retrouvent seuls :
- [Maddox] Aggie. Je croyais que je rêvais.
- [Jurati] C’est moi. Je n’aurais jamais cru te revoir.
- Tu… Tu l’as vue ? Tu as rencontré Dahj ?
- Non.
- Elles sont parfaites. Parfaitement imparfaites. On a réussi, Aggie. Soong et moi. Et toi. Ta contribution était essentielle.

- [Jurati fait alors la grimace, et semble très contrariée] Encore une chose pour laquelle je dois expier.
- Que veux-tu dire ?
[Et alors, Jurati exécute une opération irrégulière sur la console médicale qui traite Maddox]
- [EMH/EPH apparaît et s’adresse à Jurati] Quelle est la nature de votre urgence psychiatrique ? Votre tension et vos niveaux de cortisol... [Puis devant la soudaine aggravation de l’état de Maddox] Quelle est la nature de votre urgence médicale ? Il y a un risque élevé de défaillance d’organe à moins de reprendre le traitement de micro-réparation hématique.
- [Jurati] Désactiver l’holo médical.
- [Maddox agonisant] Aggie !
- [En larme, Jurati regarde mourir Maddox] Si seulement tu savais ce que je sais. Si seulement je ne le savais pas. Si seulement ils ne me l’avaient pas montré. Je suis désolée.

Puis Agnes s’effondre en sanglots après avoir assassiné Maddox. Fin d’épisode.

Même s’il était relativement prévisible depuis la fin de Picard 01x03 The End Is The Beginning que Jurati jouait double jeu, étant au minimum une informatrice pour le compte de la Commodore Oh, Picard 01x05 Stardust City Rag a néanmoins composé là un vrai "twist pour le twist" hautement discoverien, dans la bonne vieille "tradition kurtzmanienne" de l’irregardable Alias.
Dans la mesure où ST Picard a beaucoup soigné le personnage d’Agnes Jurati depuis son introduction (notamment sa candeur, sa sensibilité, et ses maladresses), et comme il apparaît qu’elle n’a aucunement joué la comédie sur sa personnalité réelle et sur son attachement véritable à Bruce Maddox (comme le confirme le visionnage attendri d’un film immortalisant leur idylle), il est évident que l’objectif de ce coup de théâtre est de convoquer Monsieur Loyal.
En somme, ce que le Commodore Oh a montré à l’innocente et douce Agnes – elle qui n’a jamais fait de mal à personne et qui a même peur de son ombre – serait tellement effrayant, tellement insupportable, tellement apocalyptique... que dans le seul espoir de l’éviter, elle en viendrait à tuer père, mère, mari, amant, et enfant !

Ouais. Libre à chacun d’y croire... ou pas.
OK, le teasing est bel et bien grandiloquent, aucun doute à ce sujet.
Mais un tel parti pris n’est guère crédible.
Notamment au regard de la personnalité impressionnable et scrupuleuse de Jurati : il faut voir comment elle paniquait à la simple idée de manipuler un téléporteur et d’exposer la vie de l’équipage (et ce n’était pas une feinte puisqu’elle était alors seule). Elle ne pouvait guère se métamophoser du jour au lendemain et dans de telles proportions au seul contact d’informations alarmantes. Au point d’assassiner de sang froid les personnes qui lui sont les plus chères, sur la seule base d’un dossier de la Sécurité de Starfleet (et qui aurait parfaitement pu être une intox), en se refusant même d’envisager la possibilité d’en appeler à la raison et aux précieuses connaissances scientifiques de Maddox ?! Pourquoi n’avoir pas tenté de le mettre au parfum plutôt que de le tuer d’office ?
Si elle, Agnes, a été si facilement convaincue et "retournée" par le Commodore Oh dans l’épisode 3, pourquoi son mentor et son amant Bruce, n’aurait-il pas pu l’être lui aussi ? Pourquoi ne lui a-t-elle pas tout simplement laissé une chance ?
Et un cybernéticien aussi exceptionnel que Maddox n’était-il pas le mieux placé pour comprendre les résultantes éthiques (pour l’humanité et la galaxie) de ses propres travaux ?
Assassiner plutôt que de discuter et débattre, est-ce vraiment la "voie trekkienne" ?
Rien que sur le terrain tactique le plus cynique, Agnes ne s’est-elle pas dit que Maddox serait plus utile vivant que mort (notamment pour en tirer un maximum d’information et d’expertise), sachant en outre qu’il ne représentait aucun danger direct dans l’état où il était ? Et bien que Jurati manque encore d’expérience et de pratique dans l’art subtil de l’assassinat, a-t-elle seulement songé au fait que l’EMH/EPH a été témoin de son meurtre, et qu’elle sera donc "grillée" auprès de Picard et de l’équipage de La Sirena ?!
Même Sarah Connor – qui était pourtant une authentique badass et sans relation sentimentale aucune avec sa "cible" – avait finalement fait le choix de la communication et du dialogue lorsqu’elle s’est retrouvée face à Miles Dyson dans Terminator 2 : Judgment Day (1991)... Or l’univers de Terminator est pourtant bien loin de véhiculer la richesse discursive de celui de Star Trek, du moins du Star Trek pré-2009...

Allez, soyons aliasiens, soyons rambaldiens, soyons kurtzmaniens, soyons fous un instant, rien que pour le fun.
Auquel cas, malgré la présence de l’EMH (témoin du meurtre), nul de devrait incriminer Jurati pour son meurtre dans l’épisode suivant. Le crime passera inaperçu et les aventures continueront comme si de rien n’était...
Et tant qu’à faire, il serait même possible d’envisager que le Bruce Maddox assassiné par Jurati ne soit pas vraiment Bruce Maddox, et qu’il s’agisse d’un repliquant cybernétique se faisant passer pour humain et trompant les équipements médicaux de La Sirena ! À moins qu’Agnes Jurati soit l’androïde-sans-le-savoir… à la façon de Juliana Tainer dans TNG 07x10 Inheritance.
Quelle perspective gourmande à l’idée de pouvoir retrouver les Cylons-inconscients-de l’être de Battlestar Galactica 2003... Miam. Voilà qui donne tout de suite envie de dévorer la suite... en attendant bien sûr le retour de Fantômas, c’est-à-dire de Lore et/ou de Sela.

Conclusion

Hors de toute référence trekkienne, Picard 01x05 Stardust City Rag parvient à combiner avec une certaine efficacité un écheveau d’intrigues personnelles qui s’entrecroisent sans temps mort ni redondance, tout en véhiculant un sens du tragique, entrecoupé de quelques fragments poétiques (comme la brève séquence de ragtime auquel le titre lui-même rend hommage) et de quelques plusieurs instants spirituels (comme les hologrammes publicitaires personnalisés ainsi que les diverses autodérisions). Une série de désillusions inexplicables, des personnages krypto-proustiens à la vie brisée, trahissant par leur actes tout ce que en quoi ils ont jadis cru, et tentant désormais de préserver coûte que coûte les illusions d’un vieil homme afin que ne meure pas avec lui l’ultime flamme de l’espérance. Formulé ainsi, c’est beau et touchant. Déchirant même...
Malheureusement, un tel paroxysme de noirceur et de désespoir sur le fond aurait appelé bien davantage de viscéralité dans le ton et le rythme pour être pleinement pris au sérieux, à l’image par exemple des épisodes de Battlestar Galactica 2003 qui assumaient vraiment jusqu’au bout leur partis pris dark’n’gritty. Sauf qu’ici, en enchaînant les meurtres violents (Icheb, Bjayzl, Maddox) de façon relativement prétexte pour la seule "vertu" du badass, en stylisant d’authentiques scènes de tortures par l’irréalité de résolutions à la Lara Croft, en raillant une société à l’agonie par des pitreries de vaudeville, en imputant les duplicités et les crimes à des dynamiques complotistes à rallonge (directement sorties d’Alias ou de Lost), Picard 01x05 Stardust City Rag se révèle une chimère qui ne réussit guère à se positionner entre la tragédie édifiante et le divertissement de foire, ne réussissant pleinement ni l’une ni l’autre.
Dès lors, avec du recul, les intrigues apparaissent pour ce qu’elles sont : artificielles et bancales, avec trop de scènes pauvres ou clichées (prix de le médiocrité décerné aux retrouvailles de Raffi avec son fils).
L’épisode ne pourra pas davantage tabler sur la synesthésie de "ressourcement" avec les personnages historiques tant ceux-ci sont aussi dénaturés et profanés que la société dont ils procèdent.

En revanche, à l’aune de Star Trek, Picard 01x05 Stardust City Rag assène une démolition au bulldozer d’une ampleur encore inédite. Et pourtant, ce ne sont pas les terrassements industriels qui manquent depuis 2009...
Car la proposition trekkienne n’existe tout simplement plus... si elle se contente de survivre dans les rêves d’un seul individu, au crépuscule de sa vie, trompé, manipulé, maintenu en état d’illusion, et tourné en ridicule par tous, y compris ceux qui se déclarent être ses collaborateurs et amis.
La collusion naturelle (pas même préméditée) entre Seven et Rios pour assouvir une systémique de vengeance dans le dos de Jean-Luc (juste après lui avoir dit ce qu’il voulait entendre) restera un moment emblématique de la forgerie de ce nouvel équipage. Derrière les clichés enfilés comme des perles, c’est la duplicité généralisée qui caractérise les personnages. Nous sommes bien dans Alias, où chaque personnage possède des agendas secrets pour empiler les intrigues factices à tiroir.
Même le MacGuffin Bruce Maddox réussit à définitivement disparaître quelques minutes après être apparu (au terme de cinq épisodes de quête) et avant de révéler quoi que ce soit de concret... hormis le prénom et la localisation de la "sœur" de Dahj, et le fait qu’elle fut envoyée pour enquêter sur les causes secrètes de la proscription des Synthétiques par l’UFP. Par-delà le jeu de piste, sa fonction narrative aura donc été de faire un peu monter les enchères du fil rouge (en réalité du péril et de la nébulosité), exactement comme l’auront fait précédemment les vaticinations de Ramdha (Ganmdan, le "Jour de l’Anéantissement", Seb-Cheneb, la "Destroyer") dans Picard 01x04 Absolute Candor et sa spectaculaire tentative de suicide dans Picard 01x03 The End Is The Beginning. Ainsi, d’une part Maddox a annoncé qu’il y avait "des mensonges par-dessus les mensonges" et que la Fédération est impliquée (mais Raffi l’avait déjà annoncé et prétendait même détenir des preuves dont curieusement Jean-Luc n’a jamais tenu compte), et d’autre part sa seule existence (i.e. ses recherches et ses connaissances) aura conduit sa disciple et maîtresse sincèrement éprise de lui – et qui n’est de toute évidence ni une tueuse ni une perverse – à l’assassiner de sang-froid... tellement ce que la Commodore Oh (ou la Section 31) lui a montré est paroxystiquement insoutenable.
Oui, les surenchères discoveriennes sont désormais relancées... pour le pire.
Et il est symptomatique qu’au sujet du "complot" de tous les fantasmes, Bruce Maddox n’ait comme par hasard rien dévoilé à Picard que celui-ci puisse pleinement interpréter et appréhender. C’est bien là toute la vocation allumeuse de la Mystery Box abramsienne (copyrightée Alias et Lost).

Un tel décalage avec l’utopie préservée de 2404 dans la timeline initiale de VOY 07x25+07x26 Endgame pourrait laisser penser que c’est au seul retour de l’USS Voyager dès 2378 (et à sa victoire sur le collectif Borg) que l’UFP doit sa dénaturation (et Romulus sa destruction) dans la timeline de ST Picard...
Mais ce serait faire trop d’honneur aux scrupules internalistes des showrunners de la nouvelle série...

Chaque scène de l’épisode, chaque dialogue, chaque déchéance individuelle ou collective est un clou supplémentaire planté dans le cercueil de la Fédération, et donc de Star Trek. Telle une bour
Désormais, on ne débat plus, on n’informe plus, on ne soupèse plus. Non, désormais on assassine, on se venge, on complote.
Désormais, "il n’y a plus la moindre place pour la miséricorde dans toute la galaxie" (dixit Seven Of Nine dont la sagacité est difficilement contestable).
Désormais tout se monnaye, l’ensemble de la société est gouvernée par la prédation, l’appât du gain, et la loi du plus fort.
Désormais, la réification des individus est devenue telle que même des officiers de Starfleet sont kidnappés en toute impunité pour leurs organes (ou leurs pièces détachées).
Désormais, la Fédération, trahit sa parole, ses valeurs, ses idéaux... en laissant sciemment mourir des milliards de Romuliens, en pratiquant des amalgames et des ségrégations systémiques – donc racistes – envers certaines espèces.
Désormais, la Fédération abandonne des territoires entiers à l’anarchie et à la loi de la mafia ; désormais elle n’assure plus ni la protection ni la justice de ses ressortissants ; désormais elle délègue son autorité à des milices privées et à des vigilantes.
Et alors qu’elle a trahi et vicié tout ce qu’elle était à l’origine, nul citoyen de la Terre ne semble le remarquer ni s’en indigner (hormis quelques marginaux telle Raffi).
Désormais, les plus éminents représentants (Picard, Seven Of Nine, Maddox, les sœurs Asha, et même Jurati à sa façon) sont systématiquement ridiculisés, pervertis, salis.
Désormais, les seuls enjeux et les seuls highlights des épisodes, c’est le "character porn" (la surexploitation des émotions autocentrées, les involutions triviales des protagonistes, le retour médiatisé de tel ou tel personnage iconique comme si c’était une fin en soi), et c’est le Trivial Pursuit sans fin (clins d’œil vains au Star Trek passé, références branchouilles à la pop culture, placements conscientisés...).
Il ne subsiste plus rien de la distanciation et de la pudeur émotionnelle qui caractérisait Star Trek (et tout particulièrement le ST bermanien de TNG à ENT ; désormais c’est le règne sans partage du mélodrame et du pathos.
Désormais, ST Picard a vraiment franchi le Rubicon. Soit la série s’efforcera de rester un tant soit peu crédible envers ses partis pris profanateurs et dystopiques, et elle réduira sa petite équipe des Sept – en réalité des Cinq dont une traitresse – Mercenaires à une errance picaresque et à une succession de causes perdues dans une société ravagée à la mode de Firefly, soit elle perdra le peu de crédibilité intradiégétique qui lui reste à vouloir restaurer l’idéal trekkien.
Violer l’utopie trekkienne résulte d’un alignement conformiste sur les canons hollywoodiens de la bienpensance qui n’estime la SF qu’à la mesure de sa transposition présentiste, et professe que seuls le cynisme et la dystopie sont les attributs du réalisme. Mais à ce stade de décadence, de reniement et de corruption généralisée, prétendre restaurer ladite utopie par la volonté d’un seul (et par un tour de passe-passe résolutif), cela relèverait à la fois d’une démagogie politicienne et d’une naïveté comicsienne ou immature (à laquelle ne s’était justement jamais abaissé le ST historique).

Et comme si cela ne suffisait pas, en ne cessant de marginaliser Jean-Luc et sa "vision trekkienne", ST Picard pratique un révisionnisme sournois à l’endroit de toute l’Histoire de la franchise... en suggérant que les idéaux trekkiens n’ont en réalité jamais vraiment existé, sauf dans la tête de quelques "trekkies dreamers", rêveurs naïfs et immatures.
Gene aurait de quoi se retourner dans sa tombe.

Et puis, le moins que l’on puisse dire est que le héros lumineux de TNG sait s’entourer. Son "fils spirituel" Elnor est un tueur, et il a décapité le Romulien gTenqem Adrev. Son "homologue" Seven est une tueuse pratiquant l’euthanasie (d’Icheb) et la vengeance de sang-froid (de Bjayzl et de son personnel). Son mercenaire Rios a tué Mr Vup et s’est spontanément porté complice du massacre prémédité par Seven. Sa protégée Agnes Jurati est une "apprentie tueuse" qui assassiné de sang-froid son mentor et amant Bruce Maddox.
Quelle fine équipe hautement trekkienne que l’équipage de La Sirena ! Assurément digne de ceux de TNG ou de DS9. On est tout de suite rassuré pour la restauration en gloire de l’idéal roddenberrien

On laisse donc jouer Jean-Luc Picard à l’idéalisme dans un bac à sable : tout son équipage se ligue pour lui épargner les "dures réalités" d’un monde dont il serait supposé tout ignorer (ben voyons... après une carrière de diplomate et de commandant du vaisseau amiral de Starfleet)… au motif que la période 2385-2399 serait soudain devenu une parodie grotesque du début du 21ème siècle. Et ainsi, Locutus peut continuer à prêcher la bonne parole, non pas roddenberrienne mais US Democratic Party en vase clos et in abstracto, tel un vieux combattant gâteux, pour alimenter la vaillance conscientisée des réseaux sociaux.
Star Trek a bel et bien perdu ce qui le rendait unique à l’échelle de la SF : bâtir une Histoire du futur, mentaliser un monde meilleur, inspirer et élever les spectateurs, structurer des sociétés qui progressent et grandissent, philosopher et débattre sur l’ontologie et l’épistémologie... À la place, Picard nous sert la pire malbouffe de la concurrence pour devenir absolument quelconque : dystopies multimodales, empires galactiques, désabusement cynique, normalisation de la médiocrité, violence ritualisée, désespérance dark, fantasy elfique, cow-boys spatiaux, quêtes narcissiques, parodie du présent, autodérision connivente, inconséquences à la pelle...
Agrégat foutraque et boursouflure orgueilleuse d’une effroyable nullité, jamais encore un faux Star Trek produit par Alex Kurtzman n’aura été aussi insultant envers le créateur de la franchise, Gene Roddenberry, envers son successeur adoubé, Rick Berman, et envers les trekkers de longue date. Et ce n’est pas la masse critique des connexions internalistes (stériles), des Easter Eggs ludiques, des clins d’œil pris par les showrunners pour du fond, et des name droppings 100% woke qui rédimeront le camouflet infligé ici.
Réussir à enfoncer Discovery sur son propre terrain, il fallait tout de même le faire ! À tel point que ses perpétuels WTF scientifiques et ses incohérence internalistes à la pelle passeraient presque pour du menu fretin en comparaison...
Peut-être aussi que l’absence de recast des personnages les plus iconiques (Jean-Luc, Seven...) rend psychologiquement la trahison plus prégnante et le viol plus douloureux dans ST Picard... Qui aurait jamais imaginé que l’absence de recast puisse être un "facteur aggravant" ?

Il ne faudrait même plus s’étonner que le fil rouge de ST Picard soit relié à celui de ST Discovery à travers quelque péril apocalyptique sis dans le futur et en relation avec les IA (Contrôle par exemple).
Et si ça se trouve, il faudra attendre sept siècles pour que Mary-Sue Super-Burnham restaure l’utopie morte et enterrée dans ST Picard – une série dont la fonction kurtzmanienne serait en fait de fournir un SAV (et un faire-valoir) aux tribulations de Discovery.
Le Discovery-Picard-verse n’a décidemment (plus) rien de commun avec le Trekverse (ou STU).

NOTE ÉPISODE

NOTE STAR TREK

YR

ÉPISODE

- Episode : 1.05
- Titre : Stardust City Rag
- Date de première diffusion : 20 février 2020 (CBS All Access) - 21 février 2020 (Prime Video)
- Réalisateur : Jonathan Frakes
- Scénariste : Kirsten Beyer

BANDE ANNONCE





 Charte des commentaires 


Star Trek Strange New Worlds : Critique 2.10 Hegemony
Star Trek Strange New Worlds : Critique 2.09 Subspace (...)
Star Trek Strange New Worlds : Critique 2.08 Under the Cloak of (...)
Star Trek Strange New Worlds : Critique 2.07 Those Old (...)
Star Trek Strange New Worlds : Critique 2.06 Lost in (...)
Marvel Rivals : L’annonce et le gameplay du jeu de (...)
La Dernière Chose qu’il m’a dite : Une seconde saison (...)
Uncoupled : Showtime fait à son tour marche arrière
Le vieil homme et l’enfant : La critique
Sidonie au Japon : la critique
NCIS - Origins : La préquelle complète son casting
Japan Party et le salon fantastique 2024 : Deux fois plus de (...)
Dawn of Green Arrow & Black Canary : La critique du tome (...)
L’Anneau Unique : La critique des Ruines du Royaume (...)
Jeux Vidéos - Bandes Annonces : 29 mars 2024