Game of Thrones : Review 8.05 Les Cloches

Date : 14 / 05 / 2019 à 14h30
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Les pénultièmes épisodes de Game of Thrones sont éprouvants. L’épisode intitulé The BellsLes Cloches – ne déroge pas à la règle. Visuellement somptueux, il est même sans doute, de loin, le plus impactant puisqu’il change à jamais la lecture de la série.

Après avoir mise en scène la bataille de Winterfell, Miguel Sapochnik est de nouveau à la direction d’un épisode qui était vendu comme un siège. Or il n’en est rien. Pour la première fois, dans Game of Thrones, la caméra adopte non pas le point de vue du soldat, mais celui de la population, misérable victime collatérale d’une lutte de pouvoir entre dominants. Ce point de vue permet de renforcer l’idée, que Daenerys et son armée déferlent l’enfer sur la ville de Port Réal. Ce procédé rappelle d’ailleurs celui adopté par Zack Snyder dans le film Batman V Superman : Dawn of Justice. Afin d’appuyer l’atmosphère de fin du monde régnant dans la cité, l’équipe créative enrichit l’épisode d’un visuel très symbolique se référant en particulier aux frêles silhouettes carbonisées de Pompéi.

Le titre lui-même est évocateur. Les cloches sont généralement joyeuses. Elles sonnent la joie, la célébration, la libération. Cependant, elles peuvent également annoncer la mort et sonner le glas d’une population entière à la merci des humeurs de monstrueux despotes. Sur ce point, le succès d’une série mettant en scène une élite gouvernante déviante, dégénérescente et ivre de pouvoir, n’est pas anodin. Il est très révélateur d’une société contemporaine où la défiance et la perte de confiance envers les gouvernants sont très prégnantes.

Cette saison – en particulier l’épisode 5 – donne à voir l’ampleur du changement de personnalité qui frappe tous ceux qui aspirent au trône. Dans une certaine mesure, la gravité du syndrome d’Hybris ou " folie du pouvoir " est à la mesure de l’ampleur du pouvoir auquel on aspire. A travers le règne de Daenerys à Essos, le show démontrait qu’il était possible de déjouer efficacement le syndrome en s’entourant de conseillers critiques. Malheureusement, le jeu des trônes à Westeros et les enjeux de pouvoir sont tels que, la jeune reine Daenerys n’entendra jamais que " quiconque lutte contre des monstres devrait prendre garde dans le combat à ne pas devenir monstre lui-même " (Par-delà le bien et le mal de Nietzsche).

Le positionnement de Daenerys à Westeros est compréhensible. Sans égal, ni adversaire à sa mesure dans le continent d’Essos, Daenerys à l’instar d’Alexandre le Grand pouvait asseoir son pouvoir sur l’amour de ses sujets. A Westeros où la concurrence est beaucoup plus rude, elle adopte les habits d’une princesse de Machiavel qui pense qu’il est beaucoup plus " sûr d’être craint que d’être aimé ".

N’en déplaise à certains, la décision radicale prise sciemment par Daenerys dans l’épisode est attendue et préparée depuis 8 saisons. Comme l’écrit Raphael Enthoven : " Ce qui est stupéfiant dans la stupeur (des téléspectateurs), c’est qu’elle n’est pas provoquée par l’irruption d’un évènement inattendu, mais l’accomplissement d’un évènement nécessaire ". Sans évoquer la réalisation des visions prophétiques de Bran près des Barrals et de Daenerys à Qarth durant la saison 2, il est inenvisageable que la reine Targaryen ne soit pas affectée par la mort de ses enfants dragons et de ces intimes Jorah et Missandei, le rejet de Jon et les nombreuses erreurs de ces plus proches conseillers. Il aurait aussi été incohérent que son insatiable soif de vengeance n’apparaîsse pas à la vue du Dongeon rouge, symbole Targaryen, dont la prise par les rebelles Tywin, Robert et Eddard, est à l’origine de son exil et de tous les sévices qu’elle a pu subir jusqu’ici. A l’instar des massacres lors de la prise de Jérusalem par les croisés en 1099 ou lors de la destruction méthodique de Carthage, la ville de Port Réal et sa population, étrangères aux yeux de Daenerys, payent par le prix du sang le soulèvement à l’encontre des Targaryen et ses années de souffrances.

En substance, l’assaut de Daenerys sur la population de Port-Réal s’explique à travers deux points majeurs : la vengeance et l’acte politique. Quant à la vengeance, en sonnant la reddition, les cloches rappellent à Daenerys que la population de Port-Real a abandonné de manière similaire les Targaryen en ouvrant les portes à Tywin Lannister et les rebelles. En un sens, le son des cloches représente à ses yeux non pas un accueil chaleureux du peuple, mais la manifestation de l’hostilité des habitants de Port-Réal envers n’importe quel occupant du Dongeon Rouge. Ainsi, le premier acte politique du tyran Daenerys sera de fondre sur la population tel un Néron afin de lui éviter de se retrouver piégé avec une population dangereusement hostile encore plus difficile à gouverner que les habitants de Meereen et les fils de la Harpie.

Au même titre, comme d’aucuns n’auraient accepté de laisser mourir une partie de son propre corps, il aurait été inenvisageable pour Jaime de ne pas rejoindre sa jumelle Cersei pour la secourir, une fois qu’il a honoré le serment qu’il a formulé lors de la bataille de Winterfell. Il faut se rappeler les propos de Jaime au Lord Edmure Tully pour mesurer ce qu’elle représente à ses yeux. Tout comme il faut se remémorer les propos de Cersei sur le fait que les jumeaux Lannister constituent un Tout, ayant partagé la même poche matricielle. Evidemment, Cersei aurait dû se douter qu’en dépit de ses intrigues et ténébreuses manigances, elle et ses proches devaient un jour subir le poids des conséquences de ses choix.

Comme le rappelle Raphael Enthoven, dans Game of Thrones, " rien n’est plus étonnant que ce qui arrive et pourtant, rien n’est plus prévisible. Le scénario le plus improbable est aussi celui auquel on devait s’attendre. Ce qui semble être un détour du destin ou une fourberie de la providence est en réalité la voie la plus économique pour accomplir le " fatum " (le destin)". 

Au fur et à mesure que la conclusion se dévoile, Game of Thrones apparaît plus que jamais comme un immense spectacle de cirque dont la principale attraction est la galerie de monstre. Après la Reine régente et sa créature Frankenstein, la scène se vide pour l’entrée fracassante de Daegenerys Targaryen, la Mad Queen et son Drogon.

Elle partagera, néanmoins, la scène avec une Arya qui embrasse définitivement la Mort elle-même sur son cheval blanc pâle au moment de l’apocalypse.

A l’aube du grand final, le jeu des trônes est clairement un jeu où tout le monde perd : les personnages n’arrivent pas à se défaire de leur pire aspect, les héros sont inexistants, les messies échouent. Seules les prophéties se réalisent pour bien signifier la cruauté de Dieux envers les créatures terrestres.

EPISODE

- Episode : 8.05
- Titre  : Les Cloches
- Date de première diffusion : 12/05/2019 (HBO) - 13/05/2019 (OCS)
- Réalisateur : Miguel Sapochnik
- Scénariste : David Benioff et D. B. Weiss

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