Star Trek Discovery : Review 2.01 Brother

Date : 20 / 01 / 2019 à 14h00
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Unification


Quand Star Trek Discovery est arrivé sur les écrans, fort était l’espoir de voir une série Trek embrasser la modernité visuelle et le rythme apportés par les films de J.J. Abrams tout en retrouvant ce qui faisait l’ADN des séries. Et force de constater que le résultat ne fut pas à la hauteur des attentes de beaucoup de fans de la franchise. Le côté feuilletonnant de cette première saison avec dans sa première partie la guerre contre les Klingons, puis dans un second temps l’univers miroir avait mis de coté l’exploration et donc les questionnements moraux et philosophiques qui étaient la marque de fabrique de l’univers créé par Gene Roddenbery. De plus, Discovery, en se plaçant 10 ans avant La série originale, s’était à de nombreuses reprises pris les pieds dans le tapis de la continuité historique, technique et scientifique de la timeline trekienne.

Pour autant, et en étant fondamentalement d’accord avec les arguments de Yves, j’ai préféré voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Je pensais, sans doute naïvement, que la seconde saison serait l’occasion de remettre la série sur de bons rails. Bon… On va dire que ce ne sera pas encore le cas cette semaine.

Je laisse à Yves les explications sur le fond, il sera plus précis et exhaustif que moi sur tout ce qui ne va pas dans cet épisode, et dieu qu’il y a beaucoup d’éléments scénaristiques qui posent problème. Je vais plutôt m’attarder sur ce qui bloque pour moi au niveau de la forme.

J’imagine la scène dans le bureau des scénaristes réfléchissant à ce que devait être ce début de saison : « hey les gars, et si on faisait l’épisode avec le plus de rythme et d’action de l’histoire de franchise, bref un roller coaster de 45 minutes non stop, de quoi faire passer J.J. Abrams pour un réalisateur apathique… Ça ne serait pas génial les gars ? »

Ben non, ce n’est pas génial les gars. Car cela donne un épisode certes fun et où on ne s’ennuie pas une seconde, mais cela donne surtout une chose boursouflée, irregardable sans vomir tellement ça bouge et explose dans tous les sens et fondamentalement idiot puisqu’il n’y a plus aucune place pour une forme d’intelligence. Bref l’ADN de Star Trek aux chiottes et on tire la chasse.

Cela va tellement vite que les acteurs n’ont littéralement pas le temps d’exprimer correctement une émotion. Ils mettent donc le curseur au maximum. Ils en font des tonnes à l’écran simplement pour que leurs personnages puissent exister dans ce maelström d’images et de rythme. Et ce n’est pas le Techno-blabla de l’épisode qui va relever les choses. Contrairement à celui du passé qui a été développé au fil des ans pour avoir une signification scientifique, celui de Discovery est vide de sens. Et comme il est hurlé par les protagonistes en pleine scène d’action, on a plus une sensation de ridicule qu’autre chose.

Pour autant, je n’ai pas totalement détesté cet épisode. J’ai particulièrement aimé l’introduction de Pike et l’interprétation cool d’Anson Mount. À l’écran, on ne voit que lui et pas seulement à cause du jaune pétant de son uniforme. Cela faisait longtemps que je déplorais le fait que, en dehors du cast principal, le reste de l’équipage était considéré comme des plantes vertes qui agrémentaient visuellement la passerelle du Discovery. Je remarque une inflexion dans cet épisode, bien léger je l’admet, mais ces personnages ont eu plus d’interaction dans cet épisode que dans toute la première saison.

Par son coté décalé et le fait que c’est un des seuls moments calmes de l’épisode, j’ai aussi apprécié les scènes de l’infirmerie improvisée sur l’astéroïde et l’interprétation hallucinante de Tig Notaro que j’aimerais bien revoir cette saison. Comme je l’ai déjà indiqué, l’épisode est quand même assez fun, et nos débats de fans de Star Trek sur la série doivent vraiment sembler hors de proportion aux nouveaux spectateurs de la saga.

La production de Discovery, et Alex Kurtzman en premier lieu, devrait enfin admettre que la série est conçue uniquement pour attirer un nouveau public à Star Trek. Ce serait plus honnête que de parler dans toutes les interviews de respect des fans et du canon de la série. Personnellement, en tant que Old Fan de Star Trek, je sais pertinemment bien que le Star Trek que j’aime est désormais diffusé sur FOX et que le nom de la série s’appelle The Orville. Point Final pour moi à ce débat.

À noter que les Short Treks sont désormais disponibles sur Netflix, mais difficilement trouvable si on ne sait pas où les chercher. Ils sont dans les bandes-annonces de Discovery.

FM

Be careful what you wish for pourrait être l’épitaphe de Discovery 02x01 Brother et probablement aussi de la saison 2 qui vient…
Le showrunner Alex Kurtzman a manifestement "entendu" une partie des nombreuses critiques exprimées par les trekkers au cours de la première saison (jugée trop belliqueuse, trop dark, pas assez idéaliste, pas assez exploratoire, profondément contradictoire envers TOS pourtant chronologiquement si proche…), et il a tenté de "corriger le tir". Mais sans en comprendre les implications réelles et sans la moindre remise en question.
Et avec un niveau de maîtrise oscillant entre Team America : World Police et Gaston Lagaffe, la fusée explose au décollage et le remède se révèle finalement pire que le mal !

Discovery 02x01 Brother ressemble à une check-list, non pas de writer room, mais de produit de placement.
La première partie de cette check-list comporte ce que les producteurs de Discovery s’imaginent être les gages de trekkisme réclamés à cor et à cri par l’imaginaire collectif des nostalgiques-fétichistes de TOS : les uniformes-pyjamas kitchs, l’humour slapstick, la cool/fun attitude, le technobabble inintelligible, les BEM (ou bug-eyed monsters), l’USS Enterprise NCC-1701 (mais – attention – seulement vu de loin), les personnages si iconiques que recastables à volonté (Spock, Sarek, Pike…).
La seconde partie de la check-list réunit toutes les recettes de succès auxquelles le conformisme branchouille ne permet pas de renoncer : les lens flares à gogo, le roller coaster spatial façon Disneyland, les scènes d’actions enfiévrées (tellement illisibles qu’elles en deviennent soporifiques ou émétiques), des SFX friqués (pour un cosmos de synthèse irréaliste), les écrans translucides et l’holographie généralisée (pour un environnement de plus en plus désincarné), le gigantisme tape-à-l’œil, les twists autoalimentés (largement éventés par les bandes-annonces)…
Enfin, la troisième partie de la check-list réunit les ressorts et les sémiotiques les plus emblématiques des films et séries à succès de ces dernières années : les casques auto-téléscopiques (spacesuite helmets) sortis du dernier remake de Lost In Space, les combinaisons spatiales moulantes et colorées de Power Rangers, les tubes de lancement façon Galactica ou Star Wars, les landing pods vus dans Oblivion, les ascenseurs en Aperture Science des jeux Half-Life, les intrigues métaphysico-nébuleuses copyrightées Lost, le sky/space diving déployé dans ST 2009 et ST ID, les flash-backs introspectifs faussement profonds de tous les redemption episodes hollywoodiens fabriqués à la chaine, le méta-super-héroïsme de la scientifique/pilote d’essai/badass/bimbo/génie "je-suis-la-plus-forte-la-plus-intelligente-et-je-sauve-toujours-tout-le-monde Michael Burnham se confondant avec Actarus (ou d’innombrables épigones mangas)…

N’en jetez plus, la coupe est pleine.
Toutes les cases de la check-list auront donc été consciencieusement cochées, avant d’être enfournées dans un shaker… puis agités au vibromasseur.
En somme, quelques pauvres gimmicks Star Trek pour tenter d’encadrer, d’endiguer, de dompter une avalanche d’artéfacts anti-trekkiens... Un combat bien inégal pour une issue castée.

Faut-il que l’amateurisme des scénaristes soit grand pour s’imaginer que c’est par l’accumulation de routines pré-compilables que l’on bâtit un script cohérent, puis qu’il suffit de l’habiller d’une surcouche aux couleurs et aux parfums de TOS pour façonner un authentique Star Trek.
Alex Kurtzman a beau vouloir – ou simplement prétendre démagogiquement – recoller les morceaux d’une chronologie qu’il a lui-même éventrée dans la première saison, il ne réussit qu’à aggraver le problème car il n’a pas le courage – créatif et intellectuel – de son ambition. Il reste hermétique au sens et au charme de TOS, ne jure que par une débauche incontinente d’exhibitions high tech, et ne comprend toujours pas les implications réelles – fatalement frustrantes – de la vocation d’un prequel digne de ce nom. Et pourtant, il a à portée de main le meilleur des modèles avec la série Enterprise, mais aussi BSG 2003 (dont l’approche rétro-technologique a participé de sa reconnaissance critique et publique).
Bref, une constante pathologique de l’écurie Abrams (dont est issu Kurtzman) qui avait caractérisé les trois films Kelvin : chercher à avoir le beurre, l’argent du beurre, et les charmes de crémière…
Sauf que cette fois, le Kelvin-wannabe accouche d’une chimère qui n’a ni queue ni tête, un nouveau monstre de Frankenstein bien gore mais croisé avec un Harlequin clownesque de foire qui prête à rire.

Reprenant le fil de l’histoire exactement là où elle s’était achevée à la fin de la première saison, Discovery renoue sans complexe avec le syndrome du micro-univers (soapy) de la trilogie Kelvin. Il ne s’agit pas "seulement" d’une planète comme la nôtre, mais d’une vaste Fédération multi-stellaire. Et pourtant, qui l’USS Discovery croise au prétexte d’un appel de détresse ? Eh bien comme par hasard l’USS Enterprise de Christopher Pike, vaisseau qui est supposé embarquer Spock, dont Michael Burnham est la sœur adoptive, et Sarek le père (à bord de l’USS Discovery) !
Et tout cela se met à sonner encore davantage Dallas lorsque des flash-backs lancinants (et à dire vrai soûlants) révèlent que Michael Burnham a souffert de l’hostilité de Spock durant son enfance, et qu’après des années sans se préoccuper (et sans nouvelles) de lui, la simple vue de l’USS Enterprise (et sa rencontre avec Pike) aura fait naître en elle un besoin fraternel pressant aussi soudain qu’irrépressible (d’où le titre de l’épisode).
Pareille construction contribue juste à révéler rétrospectivement le caractère profondément artificiel de la typo familiale de Michael Burnham, et de son développement depuis le début de la série. Rien, absolument rien, ne suggérait son existence et son lien avec la famille de Spock, ni dans TOS, ni dans TAS, ni dans les films historiques, ni dans TNG. Les auteurs l’ont sortie de leur chapeau de prestidigitateurs, sans qu’elle n’enrichisse d’une quelconque façon l’histoire de Spock et de Sarek. Au contraire, Burnham réussit seulement à leur enlever de la cohérence, mais aussi de la vulcanité.
Car à en croire Discovery, Spock n’est désormais plus l’enfant sensible (mis en scène par le très poétique TAS 01x02 Yesteryear) qui se cherchait une place au sein de l’héritage vulcain, à qui le père voulait imposer la "voie de la logique" pour l’immuniser contre les "faiblesses" humaines, et qui se rebellera contre l’autorité paternelle seulement à l’âge adulte (en faisant le choix de Starfleet). Non, à en croire Discovery, l’enfant Spock était un morveux humain comme les autres, émotif, égoïste, "méchant", rebelle dès son enfance, et que Sarek voulait humaniser humaniser davantage en lui enseignant l’empathie humaine via Michael Burnham (pourtant éduquée à la Vulcaine). En somme, tout l’inverse !
Discovery 02x01 Brother réussit donc l’exploit de battre à plate couture ST 2009 sur le terrain de la trivialisation anthropocentrée de Spock, et ce avant même que la nouvelle version recastée n’apparaisse à l’écran.
Et quid du demi-frère Sybok, dont ST V The Final Frontier avait formellement établi qu’il avait été élevé au côté de Spock, pour ne devenir v’tosh ka’tur que durant ses études universitaires ? Mais il est probable que les showrunners de Discovery se moquent bien de Sybok (voire en ignorent l’existence), puisque leur Star Trek se limite à faire se croiser et s’entrecroiser sans cesse les seuls VIP entérinés par la pop culture, une des formes de la doxa.

Le Star Trek abramso-kurtzmanien a toujours recouru à deux cache-misères pour masquer l’absence de fond. D’une part, l’action à grand renfort d’effets spéciaux, et d’autre part le soap opera ruisselant.
DIS 02x01 Brother réussit à cumuler les deux vertus, mais la seconde est bien la plus manipulatoire.
De la même façon que Burnham est sortie de nulle part au regard du passé pourtant déjà bien établi (et nourri) de Spock (jusqu’en 2005 et même tant qu’à faire jusqu’à 2013), l’obsession si soudaine de Michael pour lui a été amenée de façon outrageusement artificielle dans cet épisode de Discovery, d’autant plus que son passé avait déjà été exploré à travers des expériences mentales très invasives durant la première saison.
Voir soudain Michael – pourtant si crypto-vulcaine – polariser une si pesante charge affective, exhiber une pareille émotivité à l’endroit de Spock… ne sonne pas juste psychologiquement. Et achever l’épisode par un entre-soi introspectif – dégoulinant de pathos – entre Burnham et le vide abyssal laissé par son "frère de cœur", cela témoigne d’une volonté patente de faire pleurer Margot. Avec le gros plan sur Sonequa Martin-Green qui en fait des tonnes, cela confine presque à de la pornographie émotionnelle.
De toute évidence, au début de la série, les auteurs de Discovery n’avaient même pas conscience qu’ils bifurqueraient dans cette direction durant la seconde saison, au point d’accoucher d’une forme de reboot (ou redcon) de la caractérisation. Lorsque le work in progress dissimule une navigation à vue...

La mystérieuse disparition volontaire de Spock révélée à la fin de l’épisode est un artifice théâtral auquel les showrunners de Discovery accordent probablement un "coefficient d’addiction maximal" auprès des trekkers.
Mais un fil vert aussi fan-service, donc aussi putassier pour une nouvelle série supposée construire sa propre personnalité, cela prouve juste que les auteurs manquent de confiance et que Discovery ne se suffit plus à elle-même. Cette dernière tente désormais de s’imposer en s’appropriant les composants les plus cultes de TOS (mais sans pour autant en respecter l’univers et la chronologie).
Tout cela démontre également que la seconde saison s’annonce probablement pire encore que la première – chose qui semblait pourtant impensable il y a seulement quelques mois. Car en dépit de toutes ses incohérences, invraisemblances, facilités, et trahisons trekkiennes multiples, la première saison de DIS essayait tout de même d’avoir une existence propre, de développer une inhérence qui aurait pu presque – et j’insiste sur le presque – avoir quelque intérêt si une timeline alternative avait été assumée par les producteurs.

Un fil vert appelle généralement un fil rouge. Or dans la seconde saison, ce dernier débute lorsque la Fédération détecte sept mystérieux red bursts simultanés, déployés sur une étendue de 30 000 années-lumière dans la Voie lactée ! Soit plus d’un tiers de l’envergure galactique.
Mais comment cette détection en temps réel est-elle possible, même via une technologie subspatiale ? Sachant que plus d’un siècle après, à la fin de ST VOY, il faudra tout le génie de Reginald Barclay (et des années de recherches) pour réussir à établir tant bien que mal une liaison/détection sur une semblable distance, et ce via un trou de ver artificiel (le projet Pathfinder).
30 000 AL : une paille… dans un univers miniature. Encore une incohérence… ou bien chronologique, ou bien technologique, et impliquant… soit une timeline alternative, soit que Discovery cherche à faire passer les protagonistes (chronologiquement ultérieurs) du ST historique pour des imbéciles.
Mais dans tous les cas, le Trekverse kurtzmanien n’en est cosmiquement que plus minuscule. On parle aujourd’hui du village planétaire. Dans le ST nouveau, faut-il y voir le village galactique ?

Au nombre des victimes tombées sur le champ de bataille du "réajustement" pseudo-TOSien de cette seconde saison, il y a l’arrivée du capitaine Christopher Pike, sa prise de commandement en urgence, et avec, la nouvelle vie à bord de l’USS Discovery.
La première saison avait péché par la dérive dystopique des institutions trekkiennes, d’autant plus dystopique que cette dérive ne semblait pas du tout consciente (ni chez les personnages ni chez les auteurs).
Depuis, les trekkers ont parlé (enfin gueulé), et Alex Kurtzman a "entendu". En quelque sorte. Et ça a donné quoi : eh bien un retour dare-dare à la "tonalité Kelvin" (by Kurtzman aussi bien entendu). Soit l’autre "pôle" stylistique du Star Trek 2.0.
Dans la première saison, Starfleet, c’était la terreur. Organisation ultra-verticale, même entre amis. À la moindre désobéissance, tu prenais perpète. La guerre faisait rage, on accusait ceux qui avaient essayé de l’éviter de l’avoir provoquée. Les Klingons et le Miroir infiltraient Starfleet. La Fédération était à genoux.
Dans la seconde saison, Starfleet, c’est devenu cool. Pike est super-sympa, il blague avec tout le monde, on a le droit de pas être d’accord et de l’envoyer balader, on lui obéit seulement quand on en a envie. Organisation horizontale, les grades on s’en fiche. Bon, ok, y a des morts aussi (comme Connolly et l’équipage de l’USS Hiawatha NCC-815), mais on les oublie vite pour ne pas gâcher la teuf.
Les nostalgiques de ST 2009 (le bon vieux temps) vont kiffer. La mort stupide du blueshirt imbécile Connolly étant d’ailleurs un hommage touchant à la mort stupide du redshirt imbécile Olson. Ou quand le Star Trek kurtzmanien se référence lui-même ! Puissant...
Alors certes, en apparence, "l’utopie lycéenne" pourrait sembler plus trekkienne que la "dystopie inconsciente", mais c’est sans compter avec la manipulation sur laquelle cette pirouette repose. L’épisode tente de faire croire avec une impudente mauvaise foi que ce changement de régime tient au remplacement du si sinistre Mirror Lorca par le si joyeux Christopher Pike. Sauf que ce sont bien les institutions de Starfleet qui se sont comportées de façon stalinienne (ou cardassienne) dans la première saison, et celles-ci n’ont pas changé dans le seconde saison (aucun examen de conscience ni réforme institutionnelle). Tandis que paradoxalement, le seul et unique à s’être comporté de façon équitable et trekkienne envers Burnham durant la première saison, c’est justement Lorca (du moins avant de faire tomber son masque Mirror) ! Mais il est probable que les scénaristes tablent sur l’amnésie et/ou la superficialité des spectateurs. Après tout, Discovery n’est qu’un produit de consommable jetable...

Accessoirement, si Anson Mount est incontestablement un bon acteur, son Pike – primesautier et sarcastique – n’a strictement rien de commun avec celui – sombre et profond – de Jeffrey Hunter. L’écart est presque aussi grand qu’entre Simon Pegg et James Doohan. Comparativement, l’excellent Bruce Greenwood composa un Pike bien moins inauthentique.
Les postures complices et ironiques du Christopher Pike nouveau oscillent entre une recherche désespérée de connivence (private joke) avec le spectateur et une piètre tentative de briser le quatrième mur (mais n’est pas Bertolt Brecht qui veut).

Les paradigmes de la trilogie Kelvin s’invitent également de bien d’autres manières.
Par exemple avec des valeurs trekkiennes en trompe-l’oeil : Pike et Burnham se gargarisent soudain de la devise "nobody gets left behind", qui flatte apparemment l’humanisme trekkien, mais qui renvoie en réalité à l’esprit militaire brother-in-arms (au centre des "films virils" de James Cameron et de Paul Verhoeven).
Ou encore avec la volonté de s’approprier immédiatement et voracement tous les bénéfices du temps, du vécu, et de la postérité... au mépris de toute évolution crédible et naturelle.
Ainsi, non content de disposer déjà de technologies qui sont pourtant supposées être l’apanage du seul 24ème siècle (voire au-delà), Discovery 02x01 Brother révèle via Pike que le jeune Spock sait déjà que "la logique n’est que le commencement de la sagesse" (alors qu’il est pourtant encore loin d’entamer le Kolinahr). Pourtant, dans le Star Trek historique, il lui aura fallu une vie entière dédiée à la logique pour découvrir cette vérité dans ST VI The Undiscoverd Country (et longtemps après l’expérience inachevée du Kolinahr).
En somme, c’est l’équivalent philosophique vulcain de la promotion express cadet -> capitaine de vaisseau direct de ST 2009.

Côté forme, en réalisant cet épisode – tourné en 2,35:1 et disposant presque d’un budget de blockbuster ciné (si on le rapporte à sa durée d’une heure), Alex Kurtzman a tenté de se hisser au niveau de son mentor JJ Abrams. Mais formellement, il en est bien loin. Par exemple, le rallye en landing pods à travers les astéroïdes est illisible, et l’éjection de Pike et Burnham donne le coup de grâce à un spectacle aussi laid qu’inutile.
Les SFX sont montés d’un cran par rapport à la saison précédente, mais la représentation colorée du cosmos – très CGI – n’y gagne hélas pas en crédibilité, par exemple lorsque les nébuleuses lointaines sur reflètent sur la coque des vaisseaux. Exit toute ombre de hard-SF, on cherche surtout à en mettre plein la vue.
Mais le pire tient au manque de mesure en termes de représentation et de dimensionnement des objets 3D, ce qui induit de profondes incohérences. Si vraiment les landing pods sont propulsés dans l’espace par de si longs tubes d’accélération, et si les turbolifts traversent des volumes intérieurs aussi vastes (on se croirait dans un cube Borg !), l’USS Discovery devrait faire plusieurs km de long ! Or il est pourtant présenté comme de taille équivalente à l’USS Enterprise de TOS, qui lui n’atteint pas 300 m !
Plus généralement, l’épisode témoigne d’une incontinence caractérisée en matière d’équipement technologique, à la façon d’une vitrine no limit du futurisme le plus high tech, aussi bien en terme d’interface VR (Paul Stamets qui se projette mentalement des souvenirs de feu Hugh Culber) qu’holographique (les commandes gestuelles, Burnham qui matérialise une cathédrale de cierges dans ses quartiers…).
Visiblement, les producteurs se lâchent complètement... et ils semblent donc avoir abandonné tout scrupule et toute intention de se glisser humblement dans la chronologie de TOS ! Ce qui jure tout de même pas mal lorsque, dans le même temps, Alex Kurtzman prétend avoir "écouté" les doléances des fans et martèle en toute occasion qu’il s’agit de la même timeline.
Ah mais c’est vrai, les showrunners ont trouvé un "alibi passe-partout" ! Cela tient du sophisme, mais c’est astucieux ! Le principe est de faire périodiquement s’extasier l’équipage de l’USS Discovery devant la "beauté" et la "robustesse sans égale" de l’USS Enterprise de TOS (quoique HS pour une raison inconnue)… mais néanmoins en se gardant bien de nous le montrer de trop près. La visite finale de Burnham dans les quartiers vaguement rétro-futuristes de Spock constituant un beau joker schizophrène.
Néanmoins, il est inutile désormais de s’attarder sur tout ce qui ne s’accorde pas visuellement à TOS 00x01 The Cage ni aux séries et films ultérieurs (qu’il s’agisse de l’aspect extérieur de l’USS Enterprise, des uniformes kitschs de Pike et de Spock, des quartiers de Spock au numéro de porte pourtant identique, des badges et autres accessoires, de la technologie des spacesuit helmets totalement absente dans le futur trekkien...), car sur ce plan-là, la messe est dite et la cause perdue depuis longtemps.

Rarement une série aura été aussi prétentieuse que Discovery sur le terrain scientifique... pour finalement se révéler aussi fumeuse à l’arrivée. À croire qu’en l’absence de conseillers scientifiques sérieux (comme l’étaient en leur temps Naren Shankar et André Bormanis), des Pieds Nickelés aient prélevé au hasard des vocables pompeux dans un dictionnaire scientifique et les auraient fait passer au Pipotron. L’arnaque pouvait peut-être marcher au départ, par exemple lors de la présentation initiale du moteur sporique. Mais en ce début de seconde saison, ça ne prend plus du tout !
Discovery 02x01 Brother invente des prétextes bidons pour proscrire à la fois la téléportation et l’usage de la navette à proximité de "l’astéroïde non baryonique" qui prodiguerait une "énergie infinie" (ils ont inventé le mouvement perpétuel ? et l’entropie alors ?). Et tout ça, c’est pour se payer à la place un trip sensationnaliste et anxiogène en landing pods à 9G (tout en oubliant le concept cardinal trekkien d’inertial dampers sans lequel aucun voyage à impulsion et a fortiori à distorsion ne serait possible). Mais le questionnement qui s’impose en premier lieu à l’esprit du spectateur, c’est : « pourquoi donc les super-héros menés Actarus vont-ils si vite, au-delà même des réflexes humains, pour slalomer dans un champ d’astéroïdes aussi instable ? ». Bah ! afin que le spectacle soit bien clinquant, faut-il encore que les risques pris soient totalement inutiles.
Puis on impose à l’USS Discovery une manœuvre inutilement alambiquée pour avaler dans son gigantesque hangar starwarsien un gros morceau d’astéroïde... afin de donner l’occasion à l’exaspérante enseigne Sylvia Tilly d’asséner un « this is the power of maths » sous un tonnerre d’applaudissements (un vrai slogan pour t-shirts).
Bizarrement, la matière noire est toujours présentée comme une énigme dans le timeframe de l’épisode, alors que celle-ci avait déjà été largement démystifiée plus d’un siècle avant, dans ENT 02x24 First Flight.
Mais la médaille du portnawak revient sans conteste au Commander Denise "Jet" Reno (l’actrice Tig Notaro est pourtant fabuleuse !), ingénieure (mais en rien médecin) aux accents proto-Scottiens (mais version Pegg et non Doohan) qui, suite au crash de l’USS Hiawatha, a maintenu en vie durant dix mois une partie de son équipage... en les "bricolant" comme des androïdes quitte à déporter leurs organes dans des bocaux... because "le corps est une machine aussi et je sais lire" !
Euh... c’est Futurama ou Tripping The Rift ?
Rien d’étonnant d’ailleurs que désormais la "science pour rire" de Discovery devienne l’apanage de Sylvia Tilly, prétendant tout savoir mieux que tout le monde, au point même de prendre l’ascendant sur le scientifique Paul Stamets (traversant il est vrai quant à lui une crise de confiance et sur le point d’être muté sur Vulcain). Difficile de déterminer ce qui relève de l’intentionnel (écriture ?) et ce qui relève de l’involontaire (interprétation ?) dans la typo de cette cadette vaniteuse et nombriliste sous des dehors faussement légers et gaffeurs... mais que les auteurs s’obstinent à présenter comme débordant d’un "amour universel" au point de fondre en larme en toute occasion !!! Son seul "mérite" aura finalement été de faire amèrement regretter Welsey Crusher.

Toujours est-il qu’a l’appui du "message d’adieu" de Spock et de la cartographie holographique déployée à la fin de l’épisode par Michael, on devine à ce stade du développement de la saison que Spock a pressenti (télépathiquement ?) plusieurs mois avant les instruments de détection omniscients de la Fédération l’émergence des sept red bursts à travers la galaxie. Et il est probablement parti seul pour répondre à cet "appel"... tandis que les autres protagonistes vont tenter de le suivre...
Euh... cela ne vous dit pas quelque chose ?
L’appel de V’ger bien sûr, dans ST The Motion Picture... et dont la seconde saison de Discovery pourrait bien être un remake inassumé dans une forme longue et nerveuse (mais également prequelle). Si ce n’est que les "équivalents kurtzmaniens" de V’ger prendront probablement ici la forme d’anges rouges ailés, "apparitions" peut-être seulement visibles de quelques "élus", représentant (dans la dernière bande-annonce) une menace globale selon Mirror Georgiou (désormais officière de la Section 31) et une annonciation apocalyptique d’après Spock (rien de moins que l’anéantissement de toutes les vies sentients de la galaxie !), et suggérant de rampantes bondieuseries (d’inspiration bibliques ou millénaristes) n’ayant strictement rien à foutre dans Star Trek (ni dans aucune vraie SF d’ailleurs) ! Michael Burnham en a déjà entraperçu un dans l’épisode (avec une BO plus ou moins féerique voire religieuse derrière), tandis qu’elle était blessée à la jambe dans les décombres de l’USS Hiawatha. Il y a aussi un Ange rouge qui apparaît dans le générique d’ouverture de la seconde saison...
De quoi être pessimiste – ou du moins inquiet – lorsque l’on sait que ST TMP était en fait issu du script In Thy Image (1977), lui-même adapté du scénario originel The God Thing (1975). Or si Gene Roddenberry et son successeur Rick Berman s’imposait, quant à eux, de toujours démystifier toute notion de divinité... en sera-t-il de même pour Alex Kurtzman ? Au risque sinon de trahir philosophiquement l’essence même de Star Trek bien davantage que ne pourrait le ferait n’importe quel viol de continuité ou d’internalisme !
À moins que... pour tenter de "réintégrer" (un peu) Discovery dans la timeline de TOS-TNG-DS9-VOY... la venue des Anges rouges soit une résultante de l’emploi du spore drive durant la première saison, ce qui aurait pour conséquences d’obliger Starfleet à proscrire définitivement l’usage de cette technologie de rupture (qui permet en théorie de se matérialiser instantanément n’importe où dans l’univers).

L’épisode égrène d’autres indices, tel le mystérieux message issue d’un fortune cookie (« Not every cage is a prison, not every lost eternal ») pouvant aussi bien annoncer le retour Gabriel Lorca (pas celui du Mirror mais celui – mystérieusement disparu – de notre univers) que faire écho au Christopher Pike de TOS 00x01 The Cage (un épisode supposé s’être déroulé en 2254, soit trois ans avant DIS 02x01 Brother, mais que ce dernier intègre – de façon possiblement contradictoire – à une mission exploratoire quinquennale que viendrait d’achever l’USS Enterprise).
"La chasse au trésor" intergalactique va donc pouvoir commencer... Mais en direction de TNG 06x20 The Chase... ou de la série Lost ? À moins qu’un Event Horizon ne se tienne en embuscade...

Même s’il est trekkien de "wish for the best but prepare for the worst", comment ne pas avoir la sourde impression que, depuis 2009, le "Star Trek" abramso-kurtzmanien est une inéluctable descente aux Enfers. À chaque numéro ou presque, on franchit un nouveau cercle.

Du coup, en réaction, et par-delà les pitreries de Seth MacFarlane, la série The Orville peut être perçue comme un acte de "résistance" d’un éminent vétéran de Star Trek (Brannon Braga) contre l’actuelle politique faussement trekkienne de CBS...
Dans cette logique, le magnifique The Orville 02x04 Nothing Left On Earth Excepting Fishes – sorti comme par hasard aux USA le même jour que Discovery 02x01 Brother – constitue une belle rouste de Brannon Braga (et d’André Bormanis) à la délicate attention d’Alex Kurtzman.
Un petit orgasme qui ne se boude pas.

YR

EPISODE

- Episode : 2.01
- Titres : Brother
- Date de première diffusion : 17/01/2019 (CBS All Access) - 18/01/2019 (NETFLIX)
- Réalisateur : Alex Kurtzman
- Scénariste : Aaron Harberts, Gretchen Berg, Ted Sullivan

BANDE ANNONCE





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