Désenchantée : Review de la saison 1

Date : 23 / 08 / 2018 à 13h30
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Dans une industrie fortement concurrentielle, la mue de la plateforme Netflix se poursuit avec la production de séries originales signées par des noms prestigieux. Ainsi, après Veena Sud (Seven seconds) et David Fincher (Mindhunter), Matt Groening offre aux abonnées Netflix sa troisième création Désenchantée, dont la première partie (10 épisodes) est disponible depuis le 17 août 2018.

S’entourant d’une équipe créative qui n’a plus rien à prouver, le créateur des Simpsons et de Futurama – 64 ans – se frotte à un gros challenge, dans un format inédit pour lui.

Première grande surprise, qui peut décevoir certains, Désenchantée n’est pas à proprement parler une série comique, même si l’intrigue regorge de punchlines savoureuses. Loin d’enchainer les vannes, Désenchantée est une épopée reposant sur le détournement des clichés et des codes des contes médiévaux et de l’heroic fantasy.

A noter que passées les excellentes premières minutes, la série connaît une première moitié de saison un peu poussive avant de prendre son envol au 5ème épisode. En effet, les showrunners prennent le temps d’introduire et de poser les bases d’un univers dont les limites se trouvent dans leurs cerveaux artistiquement fous.

Cette longue introduction présente l’avantage de renforcer au maximum l’impact des révélations de la fin de saison. En contrepartie, elle confère à la série un rythme nonchalant, donnant presque la désagréable impression qu’il n’y a pas grand chose à raconter ou à découvrir dans le royaume de Dreamland.

Toutefois, cette impression a priori négative est balayée par la puissance des personnages qui redoublent d’énergie et d’excès de folie pour dynamiter l’apathie de ce monde rempli de merveilleux et de magie. En un sens, le génie de Matt Groening réside dans sa capacité à créer des personnages, immédiatement attachants, dotés d’une forte identité visuelle, pleins de vices et de vertus à la mesure de la société moderne dont ils sont une juste caricature.

Sur ce point, les personnages principaux – la princesse Bean, Luci et Elfo – cristallisent des caractéristiques et des problématiques qui vont parler intimement à une partie de la jeunesse contemporaine.

La princesse Tiabeanie (Bean), n’est clairement pas une princesse classique. Elle fait partie des rares personnages principaux, sans véritable ambitions, pas très futés, un peu gauche, qui se laissent embarquer par ces compagnons – surtout son démon intérieur Luci (Lumière) – dans des mésaventures rocambolesques et douloureuses.

Véritable cyclone en pleine adolescence, Bean n’est pas la belle et gracieuse princesse, qui attend le prince charmant pour être heureuse et avoir beaucoup d’enfants. Au contraire, elle mène sa vie comme elle l’entend ; ce qui se résume à boire sans modération, entretenir de mauvaises fréquentations, chercher le coup d’un soir ou saboter les responsabilités qui lui incombent.

En fait, le personnage est un reflet cartoon d’une partie de la jeunesse occidentale contemporaine. Avide de liberté, un peu perdue, elle croque égoïstement sa jeunesse à pleine dent en délaissant volontiers les responsabilités au profit des voyages ou l’oisiveté – pas question, en effet, d’abandonner trop longtemps le confort offert par la vie de château et le statut de princesse.

De plus, Bean est classiquement une adolescente qui par ses frasques et ses bêtises cherche désespérément l’attention et la reconnaissance d’un père remarié.

Par ailleurs, Luci, le démon intérieur de Bean est la lumière de la série. Bien qu’il ne soit pas pleinement exploité, ce personnage renferme à lui seul l’énorme potentiel de Désenchantée. Gratifié d’une voix grave et suave, et doté du charme envoutant des mâles badass, le démon Luci est la voix intérieure que tout un chacun rêve secrètement de suivre. Il possède surtout la personnalité et l’attitude que beaucoup, au fond d’eux même, voudraient adopter en société. Car il cristallise et exprime tout haut que ce qui est murmuré tout bas.

De son côté, avec sa gentillesse et son caractère ingénu, Elfo est un personnage à travers lequel Matt Groening fait passer un discours acide et caustique sur l’amitié, l’amour, les relations humaines en générale. A travers Elfo, il livre aussi un regard pertinent sur une jeunesse fuyant l’ennui et la morosité d’une société trop confortable et opulente pour voyager vers l’inconfort et l’insécurité, à la recherche de son identité.

En ce sens, Désenchantée est un conte initiatique où les personnages, errant sans véritable but, redonne par leur action une identité et un sens à un monde où chacun a déjà un rôle prédestiné, où la naissance décide des destinées individuelles.

Finalement, Désenchantée regorge de belles trouvailles, appuyées par une animation fluide et une direction artistique très inspirée. Et en dépit d’un rythme nonchalant quelque peu déroutant, son intrigue se bonifie de manière indéniable au fil des minutes. D’ailleurs, les révélations en fin de saison créent une impatience et une excitation qui éclipsent les moments d’ennui des premiers épisodes.

Puis, rien que pour la belle brochette de personnages, superbement écrits, Désenchantée mérite les honneurs, même si elle n’est pas instantanément culte comme Rick et Morty.

Vivement donc la suite puisque la première partie de Désenchantée laisse à penser que le meilleur de la série est à venir.

EPISODES

- Episodes : 10
- Titre : Désenchantée
- Date de première diffusion : 17 août 2018 (Netflix)
- Réalisateurs : Dwayne Carey-Hill – Frank Marino – Wes Archer – David D. Au – Ira Sherak – Albert Calleros – Peter Avanzino -Brian Sheesley
- Scénaristes : Matt Groening – Josh Weinstein – David X. Cohen -Rich Fulcher – Jeff Rowe – Reid Harrison – Eric Horsted – Jeny Batten – M. Dickson – Patric Verrone – Shion Takeuchi – Bill Oakley
Interprètes : Abbi Jacobson – Eric Andre – Nat Faxon – John DiMaggio – Tress MacNeille

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