[Théâtre] Histoire de Nana : La critique

Date : 11 / 03 / 2017 à 08h00
Sources :

Unification


Histoire de Nana est l’excellente adaptation théâtrale du roman éponyme d’Émile Zola de Florence Camoin, la metteuse en scène ayant déjà adapté en 2015 Au bonheur des dames du même auteur.

Elle a réussi à résumer les 412 pages du livre en un spectacle de 1h40 gardant l’essence même de l’histoire en se concentrant sur quelques personnages masculins forts, amants de Nana, et permettant d’appréhender toutes les facettes de cette femme libérée vivant sans complexe sa vie dans une période où l’émancipation des femmes n’était qu’une vague idée ridicule que la société désapprouvait.

Sa mise en scène est magnifique et en jouant à la fois sur la scénographie de Luca Jimenez, la direction d’acteurs et des déplacements chorégraphiés, l’illusion du 19ème siècle est d’une incroyable puissance.

Les comédiens sont tous impressionnants. Barbara Probst incarne une Nana plus vraie que nature. Elle attire tous les regards et réussit à être vibrante et entière sans jamais faire tomber son personnage dans la bêtise ou la parodie.

Olivia Demorge est formidable en femme de chambre gérant d’une main de maître la maison et la vie déréglée de sa maîtresse. Elle partage une superbe alchimie avec Barbara Probst et les deux personnages féminins de la pièce éclipsent souvent leurs partenaires masculins.

Philippe de Monts fait un acteur fauché, amant violent et décomplexé de Nana très bon. Ce dernier réussit à ne pas être antipathique et incarne une fine image en miroir de sa partenaire féminine.

Jean-Luc Paliès est très drôle en directeur de théâtre désabusé, misant uniquement sur la plastique et le magnétisme de Nana plutôt que ces qualités artistiques. Le personnage transversal est, malgré son cynisme, le plus frais de la pièce.

Alain Guillo fait fort bien un banquier riche infatué par Nana et se complaisant dans la femme volage et frivole qu’elle est.

Quant à Xavier Beja en conte bigot éperdument amoureux de Nana. Il incarne le personnage le plus sombre de l’histoire, tiraillé entre son amour, sa croyance et les convenances. Un individu qu’il joue délicatement alors que ce dernier est perdu dans un milieu de légèreté et d’apparence.

Il faut aussi signaler la présence de trois musiciennes, Miglé Astrauskaité (flûte traversière), Manon Opavska Breysse (harpe) et Clara Baget (violoncelle), qui accompagnent la pièce dans ses passages musicaux. En effet, Nana est la vedette d’une comédie musicale et sa façon de chanter devrait ravir les oreilles des spectateurs.

DE plus, ces dernières meublent musicalement les transitions entre les scènes alors que sur le plateau plongé dans le noir, les éléments du décor sont réorganisés pour le passage suivant. Cet ajout à la mise en scène évite une impression de longueur entre les scènes et garde le spectateur dans l’ambiance de la pièce.

On découvre un décor simple et efficace dont les différents éléments peuvent être réorganisés de façon a aussi bien créer la scène du Théâtre des Variétés, celui où se produit Nana que sa chambre à coucher ou son boudoir. Au fil de la pièce, le décor évolue, montrant les divers lieux que fréquente la cocotte.

Deux rideaux de perles en arrière scène permettent de séparer l’espace scénique en deux et de jouer sur ce que le spectateur doit percevoir comme ce qu’il se passe dans la chambre de Nana. Des rideaux noirs transparents mobiles sur un côté permettent aussi de deviner ce qui se passe en dehors de la scène. Leur réarrangement créé portes et entrées donnant du dynamisme aux arrivées sur scène des différents protagonistes et créant l’illusion d’un véritable appartement, d’un théâtre ou d’une maison.

Les costumes dElisabeth de Sauverzac sont aussi très bien réalisés, habillant chacun au mieux et retranscrivant fidèlement leur personnalité propre.

Histoire de Nana est une excellente pièce de théâtre adaptant à merveille l’un des romans les plus célèbres d’Émile Zola. Le texte, formidablement ciselé garde une véritable actualité. Et cette femme libérée vivant sa vie sans restriction est un merveilleux portrait de femme retraçant la vie éclatante et éphémère d’un être de grâce et d’énergie.

Avec une mise en scène brillante, des acteurs impressionnants et une belle inventivité donnant l’impression de se retrouver à une autre époque, la pièce est un superbe moment de théâtre.

Maîtrisé et ébouriffant.

INFORMATION

Le spectacle est joué le samedi 11 mars à 20h30 au Théâtre de Saint Maur (20 rue de la Liberté, 94100 Saint-Maur-des-Fossés), puis au Festival d’Avignon du 7 au 30 juillet 2017 Au Nouveau Roseau à 16h30

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- SITE OFFICIEL

SYNOPSIS

Après la création en 2013 du spectacle Le bonheur des dames de Zola, Florence Camoin s’attaque à un autre roman culte de la saga des Rougon-Macquart.

Née en 1852 dans la misère du monde ouvrier, Nana est la fille de Gervaise, héroïne de L’Assommoir. Livrée à elle-même très jeune, plutôt gironde, Nana va vite comprendre que le seul moyen de s’en sortir, c’est d’user de ses charmes. Elle sort de l’ombre quand le directeur du Théâtre des Variétés, ayant flairé son potentiel de séductrice, lui propose le rôle de la blonde Vénus. Les amants affluent et la couvrent de cadeaux somptueux. Elle devient une personnalité incontournable des soirées parisiennes, à l’instar de Liane de Pougy ou Valtesse de la Bigne, célèbres cocottes dont Zola s’est inspiré pour créer son personnage. Repérée par des diplomates, des princes, de riches marchands, des banquiers, la fine mouche va tous les conduire, insouciante, à la ruine et au déshonneur…

Un spectacle à l’univers musical original inspirée notamment de l’opérette et de la musique proposée dans les théâtres de variété de l’époque ; un subtil mélange de tragicomédie, entre XIXème siècle et modernité.


DISTRIBUTION

  • Adaptation théâtrale et mise en scène : Florence Camoin
  • Nana : Barbara Probst
  • Zoé, femme de chambre de Nana : Olivia Demorge
  • Muffat, comte, diplomate, amant de Nana : Xavier Beja
  • Jojo, comédien, amant de Nana : Philippe de Monts
  • Steiner, Banquier, amant de Nana : Alain Guillo
  • Bordenave, directeur du théâtre des Variétés, amant de Nana : Jean-Luc Paliès
  • Musiciens : Miglé Astrauskaité (flûte traversière), Manon Opavska Breysse (harpe), Clara Baget (violoncelle)
  • Texte : d’après le roman Nana d’Émile Zola
  • Scénographie : Luca Jimenez
  • Création musicale : Jean Roudon
  • Lumières : Anne Gayan
  • Costumes : Elisabeth de Sauverzac
  • Durée : 1h40
  • Public : à partir de 12 ans
  • Avec le soutien de l’ADAMI et de la SPEDIDAM
TARIFS

  • Plein tarif : 28 euros
  • Tarif abonné)  : 23 euros
  • Tarif jeune : 10 euros
COMMUNIQUḖ DE PRESSE

La pièce

Le choix des personnages m’a paru limpide. Zoé, la femme de chambre et confidente était indispensable pour nous faire partager les sentiments réels de Nana. Le personnage du jeune amant, Jojo, est l’alter ego au masculin de notre courtisane. Il n’a ni conscience, ni morale et c’est peut-être pour cela que Nana est séduite par ce mauvais garçon qui n’hésite pas à profiter d’elle et à la remettre à sa place. Le directeur du théâtre, le mentor de Nana, campe un ami qui n’a guère d’illusions sur son époque. Il fallait bien entendu une victime riche, un banquier, qui saurait finalement garder son cynisme et ne pas sombrer. N’oublions pas le Comte Muffat qui représente le sens moral, l’idée du pêché, le désir insurmontable, le cocu désespéré qui viendra au pied de l’hôtel attendre la mort de Nana sans qu’on sache finalement ce qu’il adviendra de lui après… Zola décrit un monde de faux-semblants où, si l’on ne se laisse pas emporter sans vergogne par le tourbillon léger de son époque, on finit par s’effondrer dans l’indifférence générale.

Intentions de mise en scène

Le bonheur des dames de Zola traite de l’émancipation des femmes de toutes conditions sociales. Nana traite de leur asservissement. Quel choix avait Nana, fille de la pauvre Gervaise, sinon se prostituer ?

Elle est belle. Les hommes tombent dans ses bras. Elle est pauvre alors elle se fait payer en toute bonne logique. Il n’est pas question d’amour. Il est question de survivre, et pourquoi pas dans le confort, tant qu’à faire, pas comme sa mère ! Elle respire la joie et la simplicité d’un contrat avec la gente masculine qui lui convient. Ils l’aiment, la désirent, en souffrent, c’est leur problème. Nana croit qu’elle aurait pu être une femme honnête ou une gentille religieuse mais son destin l’a condamnée à dispenser toutes sortes de joies. Elle ne sait pas faire autrement. Elle vit au jour le jour, prête à s’échapper à tout moment.

Florence Camoin


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