Nocturama : La critique

Date : 29 / 08 / 2016 à 10h20
Sources :

Unification


De l’aveu même de l’auteur le titre Nocturama, "renvoie à l’idée de cauchemar". Et ce film en est bien un.
Tant il évoque péniblement l’un des pires cauchemars de notre société à l’heure actuelle.

Et tel un mauvais rêve il ne cesse d’instiller avec pesanteur le malaise, en déclinant lourdement son obsédante crainte de voir s’abattre la terreur sur la ville. En l’occurrence Paris, ici admirablement photographiée. Par le bras armée d’une jeunesse paumée, (aussi bien dans les beaux quartiers que dans les cités de banlieues-il n’y a ici pas de limite à l’embrigadement).

Et tel que dans un cauchemar, on se sent englué dans l’inéluctable. On se doute bien de ce qui va arriver, sans vouloir l’admettre, mais on sait qu’on n’y échappera pas. Et tout est fait pour entretenir un suspense écrasant.

Le rythme est lent. D’aucun y verront une nécessité, personnellement, je reste convaincue que c’est "un peu trop".

Si le huis-clos à l’intérieur du grand magasin est une bonne idée, bien filmée, il est malheureusement amené avec une lenteur qui confine à la lassitude. L’exposition prend un temps fou. On se demande quand l’action va enfin démarrer. Et quand enfin "il se passe quelque chose"... c’est répliqué, "ra-re-montré" sous tous les angles à coup de flash-back décomposé, pour voir la scène sous tous les plans.

A un moment, "l’effet tue l’effet" et cela devient saoulant.
Mais n’oublions pas que l’on est dans un cauchemar... et l’ambiance est de ce point de vue, réussie. Provoquant un désir ambivalent de connaître la suite, et de se réveiller, de se décoller de son siège et de fuir.

Pour autant, en dépit de "quelques points de crispation", tel que la pesanteur du placement de produit, vous me direz et vous aurez bien raison "qu’on n’échappe pas aux marques dans un grand magasin" (tout de même, certaines scènes s’apparentent presque au spot de pub) le film est plein de qualités.
De fort belle facture sur le plan technique. Son et image irréprochables. L’illustration sonore est diversifiée, surprenante par moment.
Le récit est classique mais la forme interpelle. Quelques touches "d’incongruité" rendent l’oeuvre originale et parfois déconcertante.

L’interprétation est étonnement homogène, et performante, alors même qu’une grande partie du casting est inexpérimentée (de jeunes acteurs en devenir, à l’avenir prometteur...).

La mise en scène est efficace certes, mais souffre un peu à mes yeux de ce choix de montage, saccadé et trop riche en flash-back. Ce qui pour autant peut plaire, j’en conviens, à un public habitué à zapper et familier des "vidéos-hachées", des images consommées vite-fait, sur tous les supports... c’est tout le paradoxe de ce film à la fois lourd et ponctué de scènes choc. Comme une espèce de songe hallucinogène, rédigé en morse (un coup long, un coup court)... ça fait partie des choses qui me déroutent.

En tête desquelles, l’intention... le point le plus troublant à mes yeux...
Tout d’abord, je m’interroge sur le "goût"... il sera perçu soit de mauvais goût, par les uns d’avoir choisi cette période pour sortir ce film... soit pour les autres il apparaîtra comme un vrai choix politique et une réelle intention de s’interroger sur un fait de société qui nous interpelle douloureusement par les temps qui courent... un beau pavé dans la marre pour secouer les consciences... mais comment sera-t-il interprété ?
Cela est-il de la responsabilité de son auteur ou du spectateur ?

"En tant que cinéaste, je ne suis pas là pour me substituer à un journaliste, un sociologue, ou un historien." répond en substance Bertrand Bonelo, lorsqu’il présente son film.
" Mon but n’est pas de décrypter l’actualité, ni de la commenter. De toute manière, l’actualité est trop rapide pour le cinéma, qui sera toujours dépassé s’il essaie d’y coller. La force de la fiction est ailleurs. Dans la recréation d’un monde, avec ses règles, ses logiques, des lignes de force qui lui sont propres. Poser un regard plus qu’une analyse. Qu’on ressente ou s’inspire du réel est pour moi une nécessité, mais il faut ensuite s’en dégager et se l’approprier. Se sentir libre.
Le réel, on le retrouve de toute manière ailleurs : le choix d’un acteur, d’un décor."
Il vous laisse juge.

Je me garderai de commenter ici le final afin de ne pas gâcher le suspense, et encore moins la réflexion qu’il inspire. Mais après cela, il subsiste un temps comme une envie de répondre à la fatalité, qui engage quand même un tant soi peu "celui qui tire la sonnette".

Un film qui fera débat et qu’il faudra avoir vu si l’on veut en parler car il ne se raconte pas. Il s’exprime. A mon tour, je vous laisse juge.
Pour un public averti.
Intéressant.


SYNOPSIS


Paris, un matin. Une poignée de jeunes, de milieux différents. Chacun de leur côté, ils entament un ballet étrange dans les dédales du métro et les rues de la capitale. Ils semblent suivre un plan. Leurs gestes sont précis, presque dangereux. Ils convergent vers un même point, un Grand Magasin, au moment où il ferme ses portes. La nuit commence.

BANDE ANNONCE


FICHE TECHNIQUE


- Durée du film : 2 h 10
- Titre original : Nocturama
- Date de sortie : 31 août 2016
- Réalisateur, Scénariste : Bertrand Bonello
- Interprètes : Finnegan Oldfield, Vincent Rottiers, Hamza Meziani
- Photographie : Léo Hinstin
- Montage : Fabrice Rouaud
- Musique : Bertrand Bonello
- Costumes : Sonia Philouze
- Décors : Katia Wyszkop
- Producteur : Edouard Weil, Alice Girard
- Distributeur : Wild Bunch Distribution

LIENS


- SITE OFFICIEL
- ALLOCINÉ
- IMDB

PORTFOLIO

Nocturama



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