Rio 2096 : La rencontre avec Luiz Bolognesi

Date : 28 / 07 / 2016 à 08h51
Sources :

Unification


À l’issue de la projection de l’avant-première du film Rio 2096 : Une histoire d’amour et de furie, le réalisateur Luiz Bolognesi est venu répondre aux questions du public.

Voici la retranscription des échanges absolument passionnants qui ont eu lieu. Vous pouvez aussi en visualiser la vidéo en fin d’article.

Le diffuseur français du film, Christophe Calmels, est venu présenter ce dernier ainsi que le réalisateur avant le début de la projection :

Le film raconte l’histoire non officielle de Rio de Janeiro mêlant histoire, mythologie, combats et amour. C’est un récit ambitieux suivant la chronologie du pays. La création du film a été le fruit d’un travail qui a duré 10 ans dont 4 années de recherches, notamment sur la mythologie des indiens Tupinambá.

Le réalisateur Luiz Bolognesi a créé sa société de production qui a produit Rio 2096 : Une histoire d’amour et de furie. C’est aussi l’auteur de nombreux scénarios, ainsi qu’un cinéaste militant ayant fait de nombreux documentaires sur les inégalités sociales au Brésil. Il a aussi créé une association permettant d’apporter le cinéma aux populations défavorisées grâce à une salle de cinéma itinérante

Puis, le réalisateur s’exprime parfaitement en français en présentant son œuvre :

J’apprécie beaucoup la sortie du film en salle. Il y a eu 5 années de production sur le film. L’équipe de production était un petit groupe de 25-30 personnes qui ont travaillé sur des techniques de dessins animés traditionnels.

Ce sont les Français qui sont les premiers arrivés à Rio, puis il y a eu une grande guerre entre Français et Portugais pour l’emplacement.

La recherche a été très importante sur le film et on a fait une très grande recherche sur la mythologie des indiens.

Le plus grand holocauste humain et celui des indiens dans les Amériques. Pendant 5 siècles, il y avait plus de 8 millions d’indiens et maintenant, il en reste environ 500 000. Et ils sont, à l’heure actuelle, toujours tués pour avoir leurs terres, car ils habitent sur des terres riches en minéraux.

Personne ne parle de l’holocauste américain dans le monde et ce film parle de cela aussi.

Pourquoi avez-vous fait ce film ?

Il s’agit de mon premier travail en tant que réalisateur, et je pensais à travailler avec de l’animation, car on peut écrire ce qu’on veut. On n’a pas de problème de réalisation. Depuis tout petit, j’aime la bande dessinée et j’ai toujours eu le désir de travailler avec de l’animation et aussi de travailler sur l’histoire du Brésil. Car jusqu’aux années 80 et la fin de la dictature militaire, on a fait en sorte de raconter l’histoire que l’on voulait. Mais moi, je voulais raconter celle des personnes dont on ne parle pas comme le sort des indiens.

Quelles ont été les critères pour le choix des époques de votre film ?

On a beaucoup travaillé sur l’histoire. Il y avait beaucoup de choses intéressantes concernant le Brésil. Nous nous sommes fixés comme choix deux critères. Les époques retenues devaient être dramatiques et avoir changé l’histoire du pays. Le premier évènement est l’arrivée des blancs qui a changé l’histoire de l’Amérique.

Après, il y a eu plusieurs révolutions des noirs qui ont eu les mêmes fins tragiques avec l’armée qui tue tout le monde à la fin. Mais encore à l’heure actuelle, tous les ans, il y a 60 000 jeunes qui sont tués par un tir à la tête. 80 % ont entre 15 et 25 ans et 80 % sont des noirs. Ils sont encore au cœur d’un massacre.
Moi, je trouve que le Brésil est le pays le plus violent du monde. En numéro absolu de mort, on est les premiers dans le monde, et en nombre relatif, on est dans les 5 premiers pays.

Ensuite, il y a eu la dictature militaire avec les jeunes qui se sont battus contre ce régime. Au début des années 80, la présidente de gauche qui est arrivée au pouvoir était une étudiante comme Janaína, qui avait pris les armes et s’était battue contre la dictature. C’est un épisode très polémique.

Enfin, on avait aussi la possibilité du futur.
Et malheureusement, le problème de l’eau ressemble maintenant à celui montré dans le film, car l’Amazonie est en train de diminuer et l’année dernière, on a eu une grave crise de l’eau.
De plus, depuis l’année dernière, les évangélistes se dirigent vers un régime évangélique qui regroupe 40 millions de personnes qui sont très conservatives.
Et dans le film, on disait que le président allait être un pasteur évangéliste et maintenant, on a un changement très fort dans notre pays. On dit que les professeurs ne sont pas autorisés à parler de certaines choses de gauche, mais on enseigne le créationniste. En plus, les évangélistes ont beaucoup de représentants au congrès et on se dirige vers quelque chose comme l’islamisme, mais du côté évangéliste.

Comment le film a été reçu au Brésil ?

Très bien pour les critiques, surtout après le prix reçu à Annecy qui est un festival très important chez nous car étranger.
Quelques critiques ont trouvé que le film était trop engagé. Et certains l’ont trouvé très pessimiste avec une vision du futur très angoissante. Mais ce n’est pas que ma vision du futur, mais celle de toute mon équipe.
C’est intéressant, car le film a bien marché en salle grâce à Annecy, mais sur Internet, cela a été vu par des millions de personnes. C’est devenu un phénomène.

Comment expliquez-vous que le film ait mis 3 ans pour arriver en France ?

J’ai travaillé avec un petit jeune qui pensait que le film allait gagner beaucoup d’argent à l’étranger grâce à son prix à Annecy, donc il a dit non à beaucoup de monde, car il voulait que ce soit une grosse sortie. On a raté le coche, mais depuis l’année dernière, on a vendu le film à beaucoup de petits distributeurs qui le font tourner dans des petites salles, comme cet été en Turquie.

Quelle est la documentation sur laquelle vous vous êtes basé ?

Il y a beaucoup de documents, car les jésuites et d’autres religieux français sont venus au Brésil et on raconté le pays et les indiens Tupinambá. Les livres sont fantastiques même si les coutumes, notamment anthropophages, et sexuelles (un homme pouvait avoir plusieurs femmes, et une femme mariée pouvait coucher avec d’autres hommes que son mari), étaient différentes.

Il y a aussi la mythologie locale qui est racontée, car les Français côtoyaient les indiens. Les indiens Tupinambá font partie d’un groupe plus grand d’indiens dont on ne parle pas dans le film. Les chamanes croient que l’esprit des gens se trouve dans les animaux de la forêt lorsqu’il fait nuit, car la plupart des prédateurs sont nocturnes. Et à la mort, ils pensent que l’esprit se transforme en animal.

Il y a aussi les dieux dont celui qui a fait le monde et celui responsable de la mort. Ce dieu, Angangà, mange les morts et a besoin de produire la mort pour sa nourriture et pousse les hommes à faire la guerre. Il y a beaucoup de suicide dans un peuple indien ces dernières années et ils disent que le dieu de la mort Angangà les pousse à faire cela. J’ai fait le scénario de La terre des hommes rouges qui parle de cela.

Allez-vous continuer à faire des dessins animés ?

J’ai travaillé avec le réalisateur Alê Abreu sur Le Garçon et le Monde qui a gagné le cristal du long métrage à Annecy en 2015 et a été nominé aux oscars. Je travaille maintenant sur un autre projet professionnel qui sortira dans quelques années.

Qu’est-ce qui a changé dans l’écriture du scénario pendant ces 10 ans de création ?

Le scénario a beaucoup changé. On devait faire 5 histoires et finalement, on s’est mis d’accord sur 4. Puis il y a eu des critiques. Le final n’était pas comme cela au départ. Le groupe a beaucoup influencé le scénario. Quand la production a commencé, on ne pouvait plus le changer. Mais on a quand même fait quelques modifications. Le scénario a été très vivant, mais c’est interdit avec ma prochaine production, car c’est trop compliqué à gérer.

De quoi parlait la cinquième histoire ?

C’était aussi dans la période coloniale, avec d’autres indiens, mais c’était redondant alors on l’a supprimé.

Pourquoi cette constance du prénom de la femme, Janaína ?

C’est lié à cet amour platonique que recherche le héros. Est-ce la même femme, ou une fantaisie du personnage qui l’identifie telle quelle grâce à son prénom ? Le film ne tranche pas ces deux possibilités. Mais le nom est important, car il aime toujours la même personne malgré les siècles.

Janaína a changé dans le film. Au début, elle est secondaire, puis après, c’est elle qui continue la lutte alors que lui a abandonné. Pour moi, les femmes sont plus fortes que les hommes. Et au Brésil, dans les familles pauvres, les hommes s’en vont et la famille est maintenue par la femme et les filles. Maintenant, quand le gouvernement donne des maisons, c’est souvent au nom de la femme que le contrat est signé pour éviter que l’homme ne la vende et parte avec l’argent, car le gouvernement sait que la femme en a besoin pour faire vivre la famille.
On a une grande crise en ce moment et on peut voir que c’est principalement les femmes qui vont travailler tous les jours.

Vous avez donné à votre histoire une orientation très politique. Est-ce que cela perdure dans vos autres projets ?

J’ai fait un court métrage sur un chamane qui vivait dans un groupe indien sans contact avec les blancs, et maintenant, il est devenu évangélique et a arrêté d’être un chamane.

Parlez-nous des autres films d’animation sur lesquels vous travaillez ?

Le premier, c’est l’histoire de 2 garçons qui sont perdus dans une forêt enchantée. Cette situation est très liée à la situation politique mondiale, mais c’est un voyage fantastique.

Mon deuxième film, Immortel, se situe au Brésil dans le futur. La science permet aux gens d’être immortels, mais ils ne peuvent plus avoir d’enfants et les jeunes de moins de 25 sont terriblement dangereux, car ils essayent de remettre en doute les lois. Aussi, il y a la décision de tuer tous les jeunes gens. Les héros sont un jeune homme et une jeune fille de 16 ans.

Parlez-nous un peu plus du chamane évangéliste ?

Les évangéliques viennent avec des cadeaux, de la médecine, et ils portent le message de la religion et c’est très attachant. Ce mouvement est arrivé avec les jésuites. On parle d’ethnocide : ce n’est pas les gens, mais la culture qui est morte. Néanmoins, il y a beaucoup de leaders brésiliens qui s’élèvent contre cela. On a un grand philosophe qui est un chamane et qui a un discours très fort sur la mythologie. On a aussi un mouvement très fort contre cette évangélisation, une grande résistance.

Même chez les indiens qui sont presque tous évangéliques, ils commencent à reparler de magie, de choses qu’ils ne veulent pas perdre.

En voyant la lutte que mènent vos personnages, on ne vous voit pas optimiste ?

Si je ne l’étais pas, je n’aurais pas fait le film.

Je remercie le diffuseur français du film, Christophe Calmels et Films sans Frontières d’avoir sorti ce très beau dessin animé en France.

Et surtout merci au réalisateur Luiz Bolognesi qui a fait un Q&A vraiment passionnant permettant de découvrir non seulement son film, mais aussi son pays avec une image bien éloignée de la coupe du monde de football et des Jeux Olympiques.

Rio 2096 : Une histoire d’amour et de furie est un très bon film qui permet de découvrir 6 siècles d’histoire du Brésil à travers une merveilleuse histoire d’amour. Vous pouvez en retrouver la critique ICI.

- SITE OFFICIEL

VIDÉOS

Rencontre avec Luiz Bolognesi :


Bande annonce :



Les films sont Copyright © leurs ayants droits Tous droits réservés. Les films, leurs personnages et photos de production sont la propriété de leurs ayants droits.



 Charte des commentaires 


Reactor Motors : Pierre Morel pour donner vie au jeu de course (...)
Rogue Trooper : Le film animé de Duncan Jones bouclé, et avec (...)
Road House : Le Double Deuce rouvrira avec Jake Gyllenhaal comme (...)
Rust : Drame sur le plateau, Alec Baldwin a tué accidentellement (...)
Rust : Le Western, nouveau terrain de jeu de Travis Fimmel
Tracker : Découvrez Melissa Roxburgh en petite soeur de Justin (...)
Festival national du film d’animation 2024 : Le (...)
Neverland : La critique du Jeu de Rôle Peter Pan
Paramount+ - Bandes annonces : 20 avril 2024
For All Mankind : Un renouvellement stratosphérique pour la série (...)
Captain America - Brave New World : Un film Marvel 10 fois plus (...)
The Walking Dead - The Ones Who Live : Critique 1.05 (...)
Chucky : Critique 3.06 Panic Room
Star Trek : Le baiser entre Kirk et Uhura, et le passage à vide (...)
Le Déserteur : La critique