EXCLU UNIF - La passion d’Augustine : La rencontre avec Céline Bonnier

Date : 30 / 03 / 2016 à 08h46
Sources :

Unification


Suite à la sortie en salle du film de La passion d’Augustine le 30 mars 2016, Céline Bonnier l’actrice principale du film canadien, a accepté de répondre à des questions pour Unification.

Voici la retranscription de l’interview qui a eu lieu.

Comment avez-vous entendu parler du film La passion d’Augustine ?

On m’a joint directement pour me proposer ce rôle. Je suis tombé amoureuse du scénario et de son personnage. C’est une histoire typique du Québec filmée en hiver, ce que j’apprécie beaucoup. Il suit le changement de saison. C’est aussi une métaphore du changement de saison liée à la révolution tranquille des années 60. On assiste au dégel des glaces et on le voit très concrètement dans le film.
J’ai accepté d’emblée de participer au film.

Dans les années 60, lors de la révolution tranquille, le Québec a décidé de modifier, entre autres, les fondements de l’éducation de ses citoyens. Le film parle d’ailleurs de la récupération progressive des écoles tenues par le clergé par l’état. Avez-vous fait des recherches spécifiques sur cet évènement dans la préparation de votre rôle ?

Je l’ai un peu vécue, car j’ai 50 ans et j’ai 8 frères et sœurs dont je suis la dernière. Tous mes frères et sœurs ont vécus dans un couvent qui était un collège, et y ont étudié la musique. Je connais ce genre de lieus dans lequel 20 pianos jouent en même temps, où le plancher craque.
Les religieuses sont des femmes qui se dévouent et ont élevé plusieurs générations d’élèves.
Je suis retourné dans ma mémoire et j’ai étudié tout le bon que l’époque et ces femmes m’ont donné. J’ai d’ailleurs gardé de bonnes relations avec certaines d’entre elles.
Personnellement, je n’ai eu de mauvaises expériences, mais je sais que certaines personnes ont en eu.
Le film rend hommage à la beauté de ce dévouement.

Vous avez fait vos études secondaires au Couvent de Lévis avant que celui-ci ne se transforme en école publique Marcelle-Mallet. Avez-vous ressentie les transformations de l’enseignement ou est-ce que votre école avait déjà été transformée quand vous y êtes rentrée ?

Mon école était laïque, mais il y avait plus de professeurs religieux que maintenant.
Les sœurs ont fini par accepter les garçons, car la survie du collège dépendait de cette mixité.
J’ai vécu une époque où on rencontrait des religieuses qui portaient différentes tenues. Ces costumes étaient un signe de changement. Certaines venaient au collège vêtues de robe longue noire. Dans mon collège, les religieuses étaient en civil ou dans le costume gris du film.
Leurs tenues étaient plus mixtes, mais il restait toujours le crucifix sur le vêtement.

Comment s’est passé votre collaboration avec Léa Pool

Très bien. Lea, c’est une femme qui est arrivée de Suisse dans les années 70. Elle n’a pas été élevée dans la religion catholique ni par une éducation menée par des religieux. Elle n’était pas au pays dans les années 60.
C’est aussi une femme qui n’a pas nécessairement fait de musique, été élevée dans ce milieu-là.
Elle a apporté une touche sensible au film et a réussi à faire vibrer 3 cordes-là qui sont très importantes qui sont importantes dans notre pays et qui touche à l’internationale, car elle a touché ces 3 points de façon hyper sensible avec une profondeur très humaine.
Je pense qu’Augustine a compris que l’art, donc la musique, est une façon de rejoindre le plus mystérieux de la sensibilité humaine qui est une chose qui ne s’explique pas, mais qui peut se vivre à travers l’art.
L’art, c’est une rencontre avec une façon d’exacerber l’empathie, de l’éduquer dans les sociétés.
À notre époque, au Québec et au Canada, on coupe de plus en plus la musique, les arts dramatiques, et le dessin dans les écoles, car on n’en voit pas économiquement l’intérêt.
Je pense que le film est une petite résistance tranquille à ces pensées qui oublient qu’un être humain est mathématique mais aussi instinctif.
C’est une autre façon de communiquer. Le film est musical et rend hommage à la musique et à la force d’une communauté, d’un ensemble de personnes.
On a besoin d’empathie pour pouvoir fonctionner. Quand je vois comment les américains, québécois parlent du film, cela montre qu’il touche une corde sensible qui dépasse les frontières.
C’est une réussite comme objet artistique, donc le film est très émouvant et très drôle. On rit, on pleure. Cela touche les âmes et les cœurs des gens quels que soient leurs âges.
De plus, cela ne touche pas que les personnes qui ont vécu à cette époque. C’est quelque chose de très bien ciblé.

Lors de la composition de votre rôle, vous êtes-vous inspirée d’un modèle réel ?

J’avais différentes options pour approcher le rôle et Léa m’a indiqué une direction très intéressante : l’économie.
Ces femmes-là intégraient beaucoup la pensée, la réflexion voir même le silence. Cette communauté regroupe des femmes différentes : des jeunes qui ont hâte que le changement arrive, des féministes, des traditionalistes…
Avec Léa, c’est la passion tranquille d’Augustine, très forte, qu’elle a filmée. Le personnage avance sans trop se décourager et va survivre à l’abattement.
C’est un hommage à la force de la musique. Cela crée de la communauté.
On est dans une époque d’individualisme. Cela fait du bien de voir cette flamme que peut porter un groupe en accord avec une pensée. Même si les individus sont clairement définis dans l’histoire, il n’est pas seul, il y a une sororité qui est touchante.

Le passage ou les sœurs changent de tenues vestimentaires est très fort. Avez-vous rencontré de véritables sœurs qui avaient vécu cette époque ?

Oui, il y a des femmes qui nous disaient, « on avait hâte que cela se passe », « cela fait du bien », « cela nous a oxygéné ».
Comme anecdote, nous avons tourné dans deux couvents différents. La première journée de tournage sur l’un d’entre eux, nous sommes arrivés à 7h00 le matin. Les 5 dernières religieuses du lieu sont sorties, car c’était leur dernière journée dans ce couvent et elles devaient aller dans une maison de retraite pour religieux.
Dans le sous-sol, à la cafétéria où elles recevaient leurs familles. Leurs familles leur ont chanté « Ce n’est qu’un au revoir ».
Elles avaient entre 75 et 85 ans et nous ont croisées habillées en religieuses.
On leur a demandé « comment vous vous sentez ? ».
Elles étaient très sereines, apparemment, et nous ont dit qu’il faut vivre avec son temps, qu’elles s’en allaient vers des maisons plus petites avec leurs sœurs. Mais ce qu’elles disaient aussi, c’est qu’elles s’en allaient vers la fin de ce monde-là. C’était tellement bouleversant.
Nous avions les larmes aux yeux. C’était très étrange d’arriver dans ce lieu-là juste au moment où elles partaient. Juste avant le tournage, les cloches du couvent ont retenti, car c’était un adieu. La fin de cette époque-là où ces femmes-là habitaient ces lieux-là et avaient éduqué une grande partie du Québec pendant des générations.

Vous jouez vous-même du piano dans le film. Est-ce que vous aviez été formée à cet instrument ou avez-vous dû prendre des cours pour votre rôle ?

Non, j’ai pratiqué ce morceau-là, car je ne joue plus du piano, mais je m’y suis remise pour le film. Dans la maison de mes parents, il y avait un piano. On a tous joué du piano dans la famille. Moi, je joue de la flûte traversière, de la contrebasse et de l’accordéon.
C’est la deuxième fois que je travaille avec Léa Pool et j’interprète un personnage qui joue du piano dans chacun de ses films. C’est étrange
Par contre, je ne connaissais pas Lysandre qui a été trouvée dans un conservatoire de musique. C’est une grande pianiste.
Dans le film, il y a trois talents, dont un qui chante. Les jeunes filles ont un naturel désarmant, car elles n’ont jamais joué au cinéma.
Elles jouent du piano. C’est beau même si on a souvent été obligé de couper les scènes. Cela participe à la force de la musique dans le film.

Vous avez une très belle alchimie avec la jeune femme qui joue votre nièce. Comment avez-vous travaillé vos relations ?

Cela été très instinctif et facile. Lysandre est très curieuse. Cette jeune génération est très inspirante. Elle fait tout naturellement comme si elle était vraiment ma nièce. On a gardé des liens, même si je pourrais être sa mère. Cela a été très rapide et facile. C’est toujours beau quand nos aventures nous mettent en contact avec des gens comme cela.
En ce qui concerne la mort de sa mère dans le film : au moment du tournage, ma mère était malade et elle est morte peu après la fin du film. Lysandre était très sensible à cela.

Vous avez tourné dans un véritable couvent à Saint Jacques. Les dernières religieuses venaient juste de le quitter définitivement. Est-ce que le poids, physique et spirituel, de l’édifice a eu un impact sur votre jeu.

Forcément, car dans des endroits comme les églises, on n’y croit ou pas, mais il y a une grande force et énergie dans ces lieux.
Ils ont une vie. Moi, je la ressens très fortement. Les Filles du film aussi ont toutes ressenti cela.
C’est une vie qui s’impose. Une vie d’offrande, de dévouement et de sacrifice qui s’est déroulée dans ces lieux. Sacrifice, ça a l’air d’un vieux mot mais, il y a encore quelque chose de très grand qui nous bouleverse encore fortement.
Donc, les lieux, aussi porter le costume. C’est quelque chose qui s’imposait. L’odeur entraîne notre mémoire olfactive, car le bois est imprégné des odeurs d’encens, l’odeur de plusieurs années de vie.
C’est sûr que cela nous habitait.

Avez-vous une anecdote concernant le tournage pour vous souhaiterez partager ?

Cela a été fantastique de se trouver avec tant de femmes ensembles. C’est rare. Et au moment où on se dévêt, les filles étaient bouleversées.
C’était la première fois où on était tous les personnages principaux ensembles et on se passait des boites de mouchoir.
Il y avait beaucoup de femmes sur le plateau, avec des âges différents. Cela créé une atmosphère différente. Les êtres sont différents quand les équipes de tournage sont très mixtes.

Dans la série Unité 9, Suzanne est le personnage que l’on voit le plus souvent après Marie Lamontagne. C’est un personnage sensible et délicat, au grand cœur, mais terriblement inquiet et angoissé. Comment arrivez-vous à interpréter aussi bien les signes physiques de l’angoisse ?

Notre métier, c’est de l’observation, et de l’engrangement d’informations. On cumule les impressions, les observations et à un moment donné, les choses qu’on a enregistrées nous servent.
J’ai rencontré la personne qui m’a inspiré Suzanne 10 ans avec le début de la série. Je l’avais rencontrée en prison pour autre chose, un autre film, et quand on m’a offert le rôle de Suzanne, je m’en suis inspirée.
Moi-même, étant une personne nerveuse, mais qui le cache assez bien, j’ai laissé dépasser le jupon quoi.
C’est toujours intéressant d’aller à un endroit où les gens ne nous attendent pas. Ce n’est pas le genre de personnages que je fais d’habitude.
J’ai surtout fait des personnages très sûrs d’eux, très fortes qui explosaient beaucoup, qui avaient beaucoup de misères dans la vie et qui se battaient, qui étaient toujours au front.
Suzanne est très en retrait, très gênée, très mal dans son corps et j’avais envie de faire cette expérimentation. Augustine est assez forte, mais ce n’est pas quelqu’un qui porte des gros sabots.

Comment travaillez-vous votre rôle de Suzanne Beauchemin : seule ou en groupe lors du tournage ?

L’auteur s’inspire ce que je fais et cela m’amène à voir mon personnage sous d’autres angles.
J’y vais franchement et cela surprend autant le personnage que moi-même. C’est un dialogue entre auteur et moi sans forcément qu’on se parle directement.
Mais parfois, elle me demande si je me sens à l’aise avec certaines scènes comme le tournage avec les rats. Elle m’a demandé à ce moment-là si j’avais peur de ces rongeurs.
C’est un auteur assez inspiré, qui mène ses personnage dans des endroits inattendus : est ouest, nord et sud.

Unité 9 est très populaire. Vous recevez du courrier de spectateurs qui s’adresse non pas à l’actrice, mais directement au personnage que vous interprétez (comme on peut le découvrir ICI dans le centre de tri du courrier de Lietteville. Ce courrier a-t-il une influence dans la composition de votre protagoniste ? Vous a-t-il déjà amené à modifier votre jeu ?

Non, je ne lis pas cela.
Par contre, l’auteur est assez fidèle à ses liens avec le public et tient un dialogue serré avec celui-ci.
Je ne sais pas si elle tient compte de ces commentaires pour diriger son écriture, mais elle doit les lire.
Cela me demanderait beaucoup de temps si je lisais toutes les lettres et les commentaires et je travaille pas mal.

Vous retournez régulièrement sur les planches entre deux tournages. Avez-vous actuellement une pièce en vue ?

Je vais jouer à nouveau dans Un tramway nommé désir, une pièce de Tennessee Williams écrite en 1947. C’est une reprise cette année, car nous avions joué à guichet plein, et déjà avant même le début de la reprise, nous avons presque vendu toutes les places.
J’ai rencontré le personnage de Blanche DuBois qui est un personnage magnifique et complexe. Mais je ne m’attendais pas à cela, à une rencontre aussi surprenante, intense, compliquée, épuisante. Mais j’ai adoré cela et c’est un exercice fantastique pour une comédienne.
J’avais joué un solo avec un texte de Sylvia Plath issue de son seul roman, La cloche de détresse. C’était un personnage qui vivait la dépression, qui était très complexe aussi et très fort.
Mais en Blanche DuBois, j’ai rencontré quelque chose qui vaut Sylvia Plath aussi dans sa complexité et sa folie aussi.
Sylvia Plath implosait, tandis que Blanche est capable d’exploser. Elle est un peu plus extravagante au départ.
On a travaillé sur la façade qui expose ces fissures et sur l’évolution de ces fissures jusqu’à la folie. C’est vraiment un beau et grand personnage.

Je vais aussi travailler avec Denis Marleau sur différentes Marguerite, sur des auteurs comme Marguerite Duras et d’autres écrivaines qui ont vécu à une époque plus lointaine.
C’est un beau projet qui va se faire avec d’autres femmes.

Mais j’essaye de toucher le théâtre et/ou la création au moins une fois par année. On apprend beaucoup et on s’y investit différemment.

Lors d’une autre interview, vous aviez indiqué que le premier livre que vous aviez lu était Le journal d’un fou de Gogol. Cela a-t-il eu un impact sur la carrière que vous avez choisi ?

Forcément, je vais probablement vers des musiques et lectures qui m’ont entraîné vers ma carrière.
Mon frère à 21 ans était l’assistant de Pierre Henry, un compositeur d’électroacoustique.
Ce compositeur a créé l’Apocalypse de Jean qui est un morceau très théâtral. J’avais 8-9 ans et j’étais fascinée parce que les voix étaient amples, théâtrales.

La folie est extrêmement théâtrale. Elle est plus grande que ce qui l’entoure, surréelle. Cela nous intéresse quand on est jeune. C’est comme les cimetières qui peuvent nous attirer.
Au théâtre, on rentre dans une boîte noire. Il n’y a pas de limite, on peut tout recréer. C’est comme avec la folie.

Comme avez-vous travaillé le personnage de Blanche dans Un tramway nommé désir pour toucher la folie ?

Il faut dépasser ses propres limites sans savoir où cela va nous amener.
C’est cela qui est beau dans la folie. On dépasse tellement les limites que pour se rattraper et se reconnecter avec la Terre, on se créé son propre univers, on invente plein de choses.
Le théâtre, c’est cela, c’est de la folie. Dans la schizophrénie, les malades entendent des voix, recréent des mondes, se recréent des pensées, comme si une boite noire les suivait et qu’il fallait la remplir.
C’est pour cela que ça nous attire. Cela m’a toujours attiré. La folie est un bien grand mot. Elle inclut plein d’états différents.

Je remercie beaucoup Céline Bonnier de son interview passionnante et chaleureuse. L’actrice est vraiment très sympathique et captivante.

La passion d’Augustine est un magnifique film d’une grande humanité qui fait chaud au cœur et du bien à l’âme. C’est un véritable coup de cœur que je ne saurais que très vivement vous recommander. Vous pouvez en retrouver la critique ICI.

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