Lost Sahara : Interview d’Alan Heller, auteur du tout nouveau Global Manga

Date : 18 / 10 / 2015 à 09h43

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots et parler de votre parcours professionnel ?

Je m’appelle Alan Heller, j’ai 27 ans je suis originaire des Ardennes, mais je vis actuellement en région parisienne. Je fais de la BD dans mon coin depuis que j’ai 12 ans. Et de fil en aiguille j’ai mis mes one-shots sur le net, puis en rencontrant des gens du fanzine. Après quelques années de convention et un nouveau passage sur le net (forum et lecture en ligne), je suis édité par Ankama depuis l’année dernière.

Comment est venu votre intérêt pour la bande dessinée ?

Autant que je me souvienne, j’en ai toujours lu. J’ai lu des Lucky Luke, Asterix, Percevan et autres BD européennes quand j’étais petit. Je me suis aussi plongé dans des comics comme Spiderman et Batman qui restent parmi mes favoris encore aujourd’hui. Avec le recul, je ne sais pas si c’est ce que je ressentais à l’époque mais c’était difficile de toujours tomber sur des histoires complètes. Jusqu’au jour où un pote m’a donné ses Dragon Ball (les demi éditions chez les marchands de journaux). Glénat les rééditait tous les ans, c’était facile de retomber sur le début. C’est comme ça que je suis tombé dans le manga papier. Évidemment, je regardais déjà le Club Dorothée et connaissais ces séries en animé. Au final, tout ça est resté !

Lost Sahara est votre première publication chez un éditeur, comment est venue l’idée de ce projet ?

Lost Sahara, c’est un peu une suite logique de mes erreurs. Autant personnelles que techniques pour la BD. Après avoir proposé aux éditeurs ce qui à l’époque s’appelait Point Geek, je me retrouvais avec de mauvais retours. C’était très référencé et même si je ne voulais pas me prendre la tête en "racontant" des trucs cools, ça manquait d’intérêt. Il n’y avait pas franchement de scénario. Je me suis mis à étudier profondément ce qui touche à la scénarisation et à l’écriture. Et puis au fil des déconvenues personnelles et intimes, je me suis mis à aller rechercher de vieilles idées qui entraient en résonance avec tout ce que je vivais. Et ça a donné le personnage de Cookie (que j’avais déjà utilisé pendant un marathon des 23h de la BD) maudit et qui lutte pour retrouver ce qu’il a perdu. Je pense que c’est la sincérité du projet qui est importante. En tout cas pour moi, mais j’espère que les lecteurs le ressentiront.

Pourquoi avez-vous opté pour le format manga plutôt que le franco-belge ou le comic ?

C’est un format qui m’a toujours plu parce que les auteurs pouvaient prendre leur temps. Mettre des accents sur un élément ou un autre. Évidemment, ce n’est pas le cas de tous les mangas, mais c’est celui qui me parait le plus naturel et que j’interprète comme le plus proche du cinéma en ce qui concerne le rythme et la "longueur". Certains comics que je n’ai découverts que plus tard comme Hellboy ont aussi cette dimension. En général, les gens s’attendent à de la couleur dans un comic (en tout cas je suppose) et je ne suis pas un bon coloriste. Le format européen me parait trop concentré. Même s’il permet de mettre en valeur de beaux dessins, il me donne l’impression d’être souvent précipité à un moment ou un autre du récit. J’ai envie de donner de la place à mes personnages. Le format manga m’a paru le plus naturel, en plus il est économique pour les lecteurs ! C’est un point que j’ai toujours aimé et défendu.

Même si le Global manga se démocratise en ce moment, beaucoup d’auteurs soulignent la difficulté de démarcher les éditeurs. Avez-vous rencontrés ces obstacles et comment s’est faite la rencontre avec votre éditeur Ankama ?

Avec cette question, je vais sans doute lancer un pavé dans la marre. Monter un projet, le tenir et le porter jusqu’aux éditeurs, oui c’est dur. Cela demande du temps, de l’effort, et un effort qui mérite d’être considéré comme déjà du travail. Connaissant un peu mieux l’envers du décor maintenant, si les éditeurs avaient plus de temps pour donner un vrai retour éditorial à chaque projet, les choses bougeraient sans doute de meilleure façon encore. Mais il y a des réalités.

Par contre, il faudrait aussi qu’en contrepartie, les auteurs arrêtent de monter des histoires sans queue ni tête, à base de pouvoir élémentaire et d’élu de la prophétie orphelin qui a vu toute sa famille se faire décimer par un empire maléfique. Je vous le donne en mille, c’est un combo gagnant pour du nanard amateur qui ressert les "codes du manga" tels quels. Quand c’est un jeune auteur qui fait ça un peu pour son plaisir, ce n’est pas très grave. Et c’est même normal je pense, quand on est jeune on est influençable mais quand on a parfois 30 ans ou plus... je trouve ça assez triste.

C’est pour ça qu’une œuvre comme City Hall fonctionne. Dreamland reprend ces codes en y intégrant des tranches de vie à Montpellier, le Bac, la première relation sexuelle, des choses traitées par un français s’adressant à des français tout en gardant cette dimension universelle. C’est ce qui fait le sel de son manga. C’est cette direction qu’il faut prendre.

Le sens de lecture japonais est un choix éditorial ou de votre part ?

C’est plus ou moins un choix éditorial de ma part haha ! Il y a quelques années je faisais mes planches en sens occidental, mais pour un projet avec d’autres auteurs on nous avait demandé un sens japonais. J’avais un peu rechigné à l’époque mais je m’y suis habitué, du coup je l’ai gardé. Et puis il faut avouer que ça fait un peu "folklore manga" tout de même. Bien que ça ne change rien sur le fond de l’histoire, la forme peut moins déstabiliser les lecteurs. Je sais que certains sont encore réticents au sens français pour un manga. Personnellement, ça me rappelle des mauvais souvenirs de pages inversées avec des onomatopées retouchées et Goku avec un cœur à droite !

Au Japon, il existe des Tanto (responsables éditoriaux) qui aident les auteurs dans leur processus créatif, avez-vous eu ce type d’aide au sein d’Ankama ou aviez vous une totale liberté dans votre travail ?

J’ai une liberté assez totale dans ce que je raconte, dans ce que je fais. Mon éditrice m’a accompagné pour ce qui est de certaines généralités ou sur la technique pour la fabrication (par exemple le tramage pour éviter qu’il moire à l’impression). Ou sur la présentation, les couvertures etc... Mais d’un point de vue créatif Ankama sait se mettre en retrait. Il y a bien eu un passage en revue du scénario pour voir si aucun plot hole n’était présent ou si je ne me perdais pas dans le récit. Mais aucune retouche ou changement n’a été demandé. Cela dit, si jamais j’ai vraiment besoin d’un conseil ou d’une direction ils seront là ! C’est au goût et au besoin des auteurs en fait.

Combien de tomes sont envisagez-vous pour Lost Sahara ?

Lost Sahara est une histoire en 3 tomes. S’il y a un après, ça s’appellera autrement, ce sera une autre histoire.

Ankama est un des fers de lance du Global manga. On pense à City Hall, Radiant, etc... Quel contact avez-vous eu avec ces auteurs ? Vous ont-il prodigué des conseils ?

Bien sur ! Et d’ailleurs je les en remercie grassement ! Pour certains, je suis un peu allé au culot, je pense à Reno Lemaire que j’ai presque harcelé à chaque convention où nous étions présents, Tony Valente à qui j’ai demandé des conseils après sa première news pour Radiant. Guillaume Lapeyre et Rémi Guérin qui m’ont donné des opportunités et des bons tuyaux. Elsa Brants, tout autant ! Ils ont tous vraiment été très avenants et même si à mon grand tort je n’ai pas suivi certains de leurs conseils, je pense que je ne serai peut être pas dans ma position actuelle sans eux ! J’apprends tous les jours et je vais encore en apprendre dans les années à venir !

Vous étiez présents à la dernière Japan Expo, quel a été votre contact avec vos futurs lecteurs ?

C’était principalement des connaissances et des amis qui sont venus me soutenir et parfois me rencontrer pour la première fois. C’était un bon point de chute pour un peu de teasing. Mais les choses sérieuses vont commencer en fin d’année, quand le tome sera sorti et que je me confronterai aux lecteurs inconnus ! J’avoue avoir un peu d’appréhension et de trac haha !

Vous avez diffusé quelques travaux comme Point Geek sur Internet. Qu’est ce que ce média vous a apporté ?

Avant tout un public et aussi une assez mauvaise réputation du fait que je dise ouvertement ce que je pense sans y mettre vraiment de fards. Bien que je ne m’attaque jamais aux auteurs en eux mêmes, je mets rarement un gros ruban rouge sur mes critiques. Et au delà de mon propre travail comme Point Geek qui mérite tout autant ces critiques marquées qui font avancer, regarder le travail des autres et voir les mêmes erreurs revenir permet de les éviter et comprendre les astuces pour attirer l’attention des gens en général (lecteur et éditeur). On peut prendre le contre-pied en quelque sorte et c’est un avantage.

Un public pour la motivation et les encouragements bien qu’à un moment ça ne suffise plus. Et un vaste terrain d’analyse et de découverte pour progresser, échanger et évoluer !

Quelles sont vos sources d’inspiration en général ?

C’est une question à laquelle il est assez difficile de répondre précisément sans sortir une grande liste. Je trouve des choses intéressantes dans beaucoup d’œuvres différentes. Mais si je devais résumer, Jojo’s Bizarre Adventure pour la structure et les situations inattendues. One Piece pour l’esprit général qui ressort de l’œuvre et du dessin. Scott Pilgrim parce que c’est la meilleure BD de l’univers et que le style déchire. Hellboy pour sa narration et son style épuré. Mais aussi Tezuka pour sa simplicité parfois perdue aujourd’hui, Urasawa pour sa narration et sa mise en scène ou encore Yuko Osada (Kid I luck) ou Satoshi Mizukami (Samidare) pour leur fraîcheur. One Punch Man de Murata et One pour le contre-pied général, la technique et les phases animation !

Évidemment j’en passe et des meilleures, mais c’est ce qui me vient en tête le plus facilement et ce que je vais feuilleter le plus souvent.

Quelle est votre méthode de travail ? Quelle utilisation faites-vous de l’ordinateur dans votre processus de création ?

Je fais pratiquement tout ce que je peux en traditionnel. Je fais mes storyboards puis pour les pages finales, je travaille à la plume et à l’encre de chine accompagnées de liners et autres feutres sur du papier japonais réglé. Je colorise en général au Copic mais je suis mauvais haha. Pour les couvertures et les pages couleurs je me suis mis récemment à la colo digitale par souci d’économie et d’élasticité pour les retouches. En ce qui concerne l’ordinateur, je m’en sers juste d’appoint et c’est une chose que je ne pense pas changer. Trames, lettrage, et parfois certaines petites retouches que j’aurais zappé ou l’ajout de quelques speed lines que je n’avais pas mis sur la planche ou le storyboard et qui me paraissent utiles. Si je devais quantifier, ce serait un gros 80% de traditionnel et le reste au digital !

Est-ce que cette méthode a évolué au fil du temps ?

Il y a bien sur des choses que je fais différemment, les trames que j’utilise ou leur méthode d’application, mais depuis mes premières pages web, le fond n’a pas vraiment changé. La routine reste globalement la même. Je dessine, je scanne, je trame, je lettre, je mets en page et c’est expédié. Mais par exemple j’étais allergique aux tables lumineuses et aux plans de travail inclinés mais j’en ai eu besoin pour certaines pages et pour soulager mon dos haha !

Lost Sahara étant une série courte, avez-vous d’autres projets en tête, si oui lesquels ?

J’ai bien sur une vision à moyen terme à savoir un "deuxième cycle" mais je préfère rester concentré sur le court terme et "Lost Sahara" qui sera une œuvre finie à part entière. Si le succès est là, peut être que j’envisagerai de poursuivre les aventures de certains personnages ou peut être que je m’arrêterai pour toute la vie sur Lost Sahara. Je ne peux pas vraiment en dire plus si ce n’est, il y a de la marge possible et des ouvertures déjà engagées dans le premier tome au cas où =).

Lost Sahara est sorti le 23 octobre 2015 au éditions Ankama


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