Isan Manga : Interview de Karim Talbi

Date : 25 / 06 / 2015 à 08h55
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Unification


Pouvez-vous vous présenter et également votre maison d’édition ?

Karim Talbi (KT) : Je suis Karim Talbi directeur de collection et fondateur d’Isan Manga, une toute jeune maison d’édition. On a un an et demi d’activité et 8 titres au catalogue.
On a commencé en février 2013 avec Roméo et Juliette adapté par Yumiko IGARASHI et aussi Madame Bovary en mars 2013. La première collection était Isan Manga Littérature où on avait du coup le roman et le manga dans le même livre. C’était un pari assez osé.
Ensuite est arrivé en juin 2013, le tome 1 de Kamen Raider qui est le titre qui a le mieux marché chez nous et qui nous a fait connaître auprès du grand public et le tome 2 en novembre ainsi que l’Epée de Paros encore d’Yumiko IGARASHI et Kaoru KURIMOTO au scénario.
En 2014 on a eu le Disciple de Doraku puis en juin la Nouvelle Ile au Trésor d’Osamu TEZUKA ainsi que Kurenai Sanshiro, plus connu chez nous sous le nom de Judo Boy d’Ippei KURI et de Tatsuo YOSHIDA.

Quel est votre parcours avant Isan Manga ?

KT : J’ai commencé ma carrière dans le manga fin 2005. Enfin ma troisième carrière, j’ai fait pleins de bêtises avant. J’étais graphiste freelance chez un éditeur de manga. Je faisais des maquettes. Il m’a embauché, je suis resté un an et demi. C’était une petite structure, on était 4 à l’époque, on faisait un peu tout. J’ai été responsable des graphistes freelances et j’ai fini par être éditeur junior chez eux, c’est-à-dire que je gérais les plannings de production, le choix des droits, des titres, etc. Puis j’ai quitté la société en 2006 pour redevenir graphiste freelance sur du manga pour pas mal d’éditeurs, ainsi que de la bd franco belge, du comics et même des magazines. Pendant 6 ans j’ai fait ça et en 2011 j’ai rencontré Etienne Barral. Il vit au Japon et est agent d’auteurs. Il cherchait des droits de Yumiko IGARASHI et moi je souhaitais monter une maison d’édition qui correspondait à ce qu’il avait en tête il y a quelques années de ça. Et on est devenu associés sur le projet Isan Manga.

Quelle est la signification du nom Isan ?

KT : Isan manga signifie patrimoine en japonais.

Comment est venu le projet de Isan Manga et de la ligne éditoriale ?

KT : Quand j’ai rencontré Etienne, je lui ai raconté ce que je voulais faire en tant qu’éditeur de manga. J’aimais beaucoup les mangas vintage et pas mal de titres n’étaient pas sortis dans l’hexagone avant l’arrivée massive du manga en France. Les éditeurs présents sur le marché ne s’intéressaient pas spécialement à ces titres pour des raisons simples : graphiquement peut être moins attractifs pour les jeunes, moins porteurs au niveau des ventes. Et nous c’est cette partie du patrimoine de la bd japonaise que nous adorons Etienne et moi et on a décidé de se lancer dans ce créneau.
Ainsi on va se démarquer des autres avec ce genre de titres et en plus de ça on a eu l’idée aussi de faire que des beaux livres au lieu de faire du manga de poche. On souhaitait des tomes qui durent dans le temps, faire en quelque sorte la pléiade du manga, toute proportion gardée bien sûr.

Vous proposez des mangas qui sont plus chers que la moyenne. Quelle est la stratégie derrière ce choix ?

KT : Ces titres vintages qui sont proposés, ne vont pas être vendus à 100 000 exemplaires comme les séries qui cartonnent actuellement. Ce sont des titres dont le potentiel de vente est selon les séries entre 800 et pour les gros succès 2 000 exemplaires.
Ce sont de tout petits tirages, donc forcément cela implique un coût. Glénat avait essayé de faire des titres vintage avec un format poche avant nous comme Cyborg 009 et ce fut un flop, ils vendaient 250 exemplaires. Nous de notre côté on a eu un peu peur de leur échec. Pourquoi cela marcherait chez nous et pas chez eux ?
Glénat a un service marketing, ils avaient fait pas mal de communication autour de leur collection vintage. Bref qu’est ce qui n’avait pas fonctionné qu’il y ait ce flop.
Nous on s’est dit que la cible visée ce sont plutôt les adultes, qui ne sont pas forcément lecteurs de manga actuel et qui n’ont pas l’habitude du format souple.
En proposant un manga haut de gamme que les gens sont fiers de mettre dans leur salon, on pourrait du coup toucher un public qui n’a pas lu ces titres là. Et pour le moment on ne se trompe pas.

C’est pour cette raison que vous avez opté pour le Hard Cover (couverture rigide) alors que la plupart des mangas sont en couverture souple ?

KT : La couverture rigide c’est aussi un moyen d’être rentable. Si on vendait moins cher on en vendrait peut être un peu plus mais on ne serait pas forcément gagnant. Là on a moyen d’être rapidement rentable avec de petit tirage et on se démarque de la concurrence.

Quelles ont été les difficultés rencontrées dans votre projet ?

KT : Elles furent nombreuses. Déjà c’est obtenir des droits. Etienne avait en contact une connaissance de Yumiko IGARASHI et cela s’est passé sans grande difficulté. Elle était enthousiaste sur le projet. Mais derrière on voulait avoir d’autres titres et avec les éditeurs japonais ce fut plus compliqué. Ils nous disaient que le projet était super mais ils voulaient savoir ce que nous avions déjà édité. On n’avait rien c’est pour cela qu’on allait vers eux. Et il nous a répondu qu’il fallait que l’on publie quelque chose et on verra après. C’était le serpent qui se mordait la queue. Et encore une fois Madame IGARASHI nous a soutenu et une fois ces œuvres publiées chez nous on a pu revenir auprès des éditeurs japonais comme Ishimori Productions pour Kamen Rider et les titres que l’on s’était fixé pour le long terme.
Etienne est allé au rendez-vous, on leur a fait une offre en leur montrant les tomes déjà publiés et ils ont de suite accepté.
Kamen Rider est un des héros les plus connus au Japon. Il y a de nombreux films au cinéma, des séries. Donc ensuite pour démarcher les autres éditeurs ce fut une belle porte d’entrée.

La Concurrence dans le manga et la Bd en général est féroce. Comment arrivez-vous à vous démarquer, sachant qu’il n’est pas évident d’avoir des licences porteuses ?

KT : On est vraiment sur un marché de niche. Glénat et Kana s’y étaient récemment intéressés. Pour exemple Kana avait sorti Kamui Den avec de gros volumes avec des couvertures simples dans l’objectif de réduire les coûts et finalement cela n’a pas marché. Je comprends pourquoi ils ont fait ça. Mais en fait les gens qui achètent du vintage cherchent à avoir de beaux livres, une belle qualité et c’est ce que l’on propose. C’est pourquoi nos titres se vendent correctement.
On s’est démarqué sur le côté qualitatif du produit. Peu d’éditeurs le faisaient avant nous. Il y a Cornelius mais pas avec des titres plus confidentiels et touchant un lectorat plus underground. Et nous notre but c’était d’avoir du vintage tout public pour viser les fans de bd, de manga mais aussi de littérature.

Vous faites des conventions comme la Japan Expo, où majoritairement c’est un public jeune qui y vient. Comment se passe le contact ?

KT : La Japan Expo réunit beaucoup de monde de divers horizons et c’est vrai que l’on n’a pas un budget marketing extraordinaire chez Isan Manga. Et la Japan Expo c’est un moyen de nous montrer à 285 000 personnes qui vont venir voir des mangas et qui vont dire « c’est beaux vos livres, qu’est ce que c’est et pourquoi ? » Alors cela ne plait pas forcément à tout le monde, c’est normal. Mais pas mal de gens nous découvrent sur place comme sur d’autres salons Made in Asia en Belgique, Japan Touch à Lyon. A la Japan Expo ils sont beaucoup plus nombreux c’est l’avantage. Et c’est vrai que c’est un évènement très important pour nous. En 2013 on a eu un avant et un après Japan Expo en terme de visibilité auprès des libraires, des professionnels et du public. On a senti une différence dans les ventes, car les gens nous connaissaient.

Pouvez-vous nous présenter quelques unes des œuvres que vous publiez ?

KT : Une de nos sorties c’est le Disciple de Doraku. C’est un titre qui parle de rakugo. C’est une forme de théâtre japonais traditionnel qui date de l’ère Edo où un acteur est assis et va jouer tous les rôles de l’histoire en kimono et avec pour seuls accessoire un éventail et un foulard.
Au Japon le rakugo est une institution ; la plus vieille émission de télévision et encore diffusée aujourd’hui au Japon c’est du rakugo. Tous les dimanches après midi il y a une émission qui dure 4 heures et on y voit des rakugokas, des personnes qui jouent du rakugo. C’est très humoristique avec des jeux de mots. Et pour revenir au manga, c’est une série en cours au Japon avec pour le moment 9 volumes. C’est une série récente contrairement aux autres séries publiées chez Isan Manga, mais qui reste dans l’esprit patrimonial car nous sommes dans la culture traditionnelle du Japon. Le manga raconte l’histoire de Shota, un jeune instituteur qui découvre par hasard le rakugo. Il décide de stopper son travail d’instituteur pour devenir rakugoka et il va devenir le disciple d’un acteur réputé.

Nous avons aussi la Nouvelle Ile au Trésor d’Osamu TEZUKA. Il est très particulier ce livre car c’est le premier manga relié au Japon. Il date de 1947. C’est la première œuvre de TEZUKA en volume. Isan Manga publie la réédition de 1984, où TEZUKA avait redessiné pas mal de planches et réécrit un peu le scénario, car beaucoup de planches de 1947 avaient été perdues. TEZUKA a redessiné de mémoire. C’est une adaptation un peu libre de l’Ile au trésor de Robert Louis STEVENSON avec un esprit très DISNEY dans le dessin.

Une de nos publications est Kurenai Sanshiro d’Ippei KURI et de Tatsuo YOSHIDA qui sont les cofondateurs du studio Tatsunoko Production. C’est le manga qui a inspiré le dessin animé. Il a été publié avant la version télévisée qui narre l’histoire de Sanshiro qui voit son père mourir lors d’un combat face à un adversaire borgne et il part pour le venger. C’est un manga qui date de 1968.

Justement, Ipperi Kuri a été l’invité de la Japan Expo 2014, j’imagine que vous avez rencontré ce dernier. Comment s’est déroulée cette rencontre et quelle a été sa réaction quand vous lui avez dit que vous souhaiteriez adapter son manga en français ?

KT : Ce fut assez rigolo en fait, car quand on a contacté Tatsunoko Production pour publier Kurenai Sanshiro, la Japan Expo était déjà en négociation pour faire venir Ippei Kuri en France sans que nous le sachions. Et à un moment donné dans la négociation, l’interlocuteur japonais nous a dit que ce serait bien que notre titre sorte fin juin 2014, sans nous dire pourquoi. En nous disant que c’était une bonne date. Nous avions en tête septembre 2014. Il a insisté pour sa date et il a fini par nous avouer que la Japan Expo tentait de faire venir Ippei Kuri et ce serait bien qu’il y ait une actualité en même temps. Et finalement on s’est calé sur juin et la Japan Expo.
Ippei Kuri je l’ai effectivement rencontré durant le salon et nous lui avons présenté le livre. Il était vraiment très content parce que l’objet lui a plu et il n’imaginait pas qu’il puisse y avoir encore des gens qui s’intéressent à Kurenai Sanchiro, alors que Gatchaman (la bataille des planètes en français) est son œuvre la plus connue.

Ensuite on va sortir Sherlock Holmes adapté par Shotaro Ishinomori et un de ses assistants. Au Japon la série fait 10 volumes qui reprennent une à deux histoires de l’œuvre originale de Conan Doyle. Ce sera dans la collection littérature et donc il y aura en plus des pages du manga l’histoire originale.

Isan Manga sera présent à La Japan Expo 2015
Cutey Honey (Cherry Miel en français) de Go Nagai, papa de Goldorak sortira fin juin
Le Tome 1 de Takeru de Terasawa auteur du célébrissime Cobra sortira en juillet

Le site d’Isan Manga :

http://www.isan-manga.com/

La page Facebook :

https://www.facebook.com/isanmanga


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