The Thing : Retour sur le film d’origine

Date : 09 / 10 / 2011 à 00h15
Sources :

Source : Unification



La sortie de la préquelle The Thing est le prétexte idéal pour revenir sur ce qui est considéré par beaucoup comme un classique des films d’horreur, un voyage dans les terreurs glacées cachées en Antartique, que l’on doit à un maître absolu, John Carpenter.

Une œuvre d’exception, aux différents niveaux de lecture, violente et subtile à la fois, ou l’Homme est passé sous un microscope, ou un centre d’étude devient le siège de toutes les angoisses, ou la survie d’un seul compte autant, si ce n’est plus, que celle de l’humanité avant que ne surgisse l’idée d’actes kamikaze pour gagner sur la « bête » en se montrant plus sauvage et plus extrême encore.

Les origines de la Chose


Pour ceux qui arguent que les remakes sont souvent décevants, voici un parfait contre-exemple : The Thing, sortie en 1982, est une reprise d’un film de 1951 des studios RKO, The Thing from another world (La chose d’un autre monde), signé de Christian I. Niby qui adaptait le roman Who goes there ? de 1938 de John W. Campbell jr (sous le pseudo Don A. Stuart) publié dans Astounding Science Fiction magazine.

Le film original n’avait que peu à voir, dans la forme, avec le roman, la créature tentaculaire et aux trois yeux avant laissé la place à un géant digne de Frankenstein et sensé être de nature végétale. Elle est détruite par le feu, ce qui semble être l’un des rares points communs avec le film de 1982. L’idée de faire un nouveau film a germé dans les années 70 dans la tête de Stuart Cohen, producteur pour la télévision. Universal rejeta sa première proposition de travailler avec John Carpenter, et ne se décida à revenir sur leur décision qu’après le succès rencontré par Alien au cinéma en 1979. Le scénario est confié à Bill Lancaster, le fils de Burt Lancaster, qui aura bien du mal à adapter le roman, et finira par en modifier d’importants segments.


C’est presque immédiatement après Escape from New York (New York 1997 sortie en 1981), déjà avec Kurt Russel (mais Carpenter avait déjà travaillé avec l’acteur pour un film autour de la vie d’Elvis Presley), que la production prévue sur 12 semaines est lancée. Certaines scènes sont tournées au milieu de la neige, mais pas nécessairement coupé du reste du monde, en Alaska et au Canada, mais surtout les nombreuses scènes dans les baraquements sont tourné en studio, pendant un été caniculaire, à Los Angeles bien que les lieux soient réfrigérés pour plus de réalisme, notamment lorsque les acteurs respirent.


A quelques pas de là, un jeune prodige des effets spéciaux gores, Rob Bottin, s’affaire sur des maquillages et des créatures dignes d’un livre de Lovecraft. Même si les principaux effets sont dû au travail du célèbre Albert Whitlock, l’aspect des différentes créatures provient de l’esprit inspiré de Rob Bottin mis en image par Mike Ploog, à qui l’on doit quelques croquis et recherches des scènes les plus spectaculaires. Le studio de Stan Winston sera également appelé à la rescousse pour des effets moins spectaculaires mais efficaces, à l’intérieur du chenil. Ces aspects du tournage sont gardés jalousement secrets pour ne pas éventer la surprise, et l’horreur, que sera la vision de ces scènes devenues mythiques.


Encore aujourd’hui l’ingéniosité qui ne faisait appel qu’à des moyens mécaniques ne cesse de fasciner. Les rares scènes ratées sont malheureusement celles en stop motion, image par image, qui étaient pourtant d’une rare qualité en terme de miniature. On en apercevra que quelques secondes vers la fin du film. Les scènes complètes sont cependant disponibles dans les bonus du DVD Collector.

Et là où certains pourraient croire que tout est fait en bricolant, profitez en pour voir le travail titanesque, et de précision, qui avait été fait pour la soucoupe, ses effets de lumières avec l’électronique de l’époque n’étant pas dû à de l’animation en post production.

Comprendre quelque Chose


Parler de l’origine, des coulisses du tournage, c’est bien. Mais heureusement pour nous, c’est ce qui passe devant l’objectif de la caméra qui nous importe le plus, et qui s’immortalise sur la pellicule. The Thing est à la croisée des chemins de plusieurs genres : Science-fiction, Horreur, Gore, Action, Suspens… Pour autant aucun détail n’est laissé au hasard, chacun des personnages se distingue des autres, et leur caractère s’exprime rapidement, leurs liens, leur rôle, en quelques images seulement. C’est la force de ce film également, d’impliquer le spectateur dès le départ dans une action pour le moins étrange : un hélicoptère qui pourchasse, et tire, sur un chien-loup qui court dans la neige. Le décor est planté, nous sommes dans un lieu désolé, enneigé…


Le chien passe devant un panneau indiquant qu’il se trouve sur une base américaine de recherche en Antartique : simple, mais efficace. On découvre la base, une majorité de ses pensionnaires sont dans la salle de repos, buvant, jouant au billard, fumant… Mac Ready, pilote d’hélico, joue à l’écart aux échecs sur un ordinateur (qui parle, nous sommes en 1982 doit-on le rappeler, le matériel qui est utilisé ici est « dernier cri ») tout en buvant du Whisky. Mauvais perdant, il verse le contenu de son verre dans la pauvre machine. Le personnage est brossé en quelques secondes, si on lui ajoute son allure de cowboy, avec son vieux cuir et son chapeau, on a le héros solitaire dans toute sa splendeur.


L’arrivée de l’hélicoptère ne passe évidemment pas inaperçue, plusieurs américains sortent et notent que l’engin est sans doute norvégien. Il se pose, un des occupants laisse échapper une grenade qui le fait sauter, lui et l’hélico. Le pilote, loin de s’en occuper, continue de tirer sur le chien qui cherche refuge auprès des américains. La barrière de la langue empêche de comprendre ce que le dément hurle, tout en tirant… Provoquant une blessure à la jambe. Le responsable de la sécurité sur la base, vieux baroudeur aux allures de shérif qui ne quitte jamais son arme, fini par tirer une balle en pleine tête de l’assaillant.


Ce ne sont que les premières minutes du film, pourtant s’est déjà dessiné les rôles des uns et des autres, et le caractère de chacun, avec une terrible énigme à résoudre, seuls, coupés du monde, sans liaison radio disponible. La découverte de ce qu’il reste de l’équipe norvégienne est un prémisse à l’horreur à venir (les décors, et détails, sont à noter scrupuleusement pour le film de 2011). Pour autant, la curiosité, et l’esprit scientifique, prend le pas sur la prudence. Les restes en partie carbonisés d’un cadavre difforme est ramené à la base américaine, ainsi que des vidéos (du matériel portatif, là encore dernier cri pour l’époque) et des documents.


Tout, dans le film, répond à une grande forme de logique, qui mène à la terreur et avant toute chose la méfiance, voire la paranoïa. Un sujet qui rappelle beaucoup les films inspirés des œuvres de K. Dick. Un lieu éloigné de tout, une menace, un monstre qui est finalement en chacun de nous. La créature agit à la fois de manière grotesque, multipliant les apparitions gores, et de manière subtiles, montant les membres de l’expédition les uns contre les autres, tout en assimilant, cellules après cellules, certains éléments. Des copies parfaites est-il précisé… Même les connaissances sont assimilées. Les deux points de vue sont d’ailleurs proposés : l’aspect viral, et l’aspect social. Assimilation des cellules, copie, et assimilation à nouveau, de manière rapide, systématique. Nous sommes au niveau microscopique.


Mais également assimilation d’un être social, qui doit interagir, communiquer, établir une stratégie pour mieux tromper son monde, et continuer à assimiler de manière subtile ou spectaculaire. Pour autant, des éléments séparés faisant un tout, des pions, d’une terrible partie d’échec. La réflexion de Mac Ready se retrouve du coup dans son acte vengeur envers l’ordinateur, il était Echec et Mat, tout mène à la mort, alors tant qu’à faire, autant tout faire sauter, et empêcher la créature d’atteindre la civilisation, ici (sur Terre) ou ailleurs (dans l’espace, à l’aide de l’engin trouvé dans les sous-sols, bricolé par Blair…). Le cowboy retourne la situation et reste un élément perturbateur, jusqu’au bout.


Un personnage que semble apprécier John Carpenter. Dans beaucoup de ses films y apparaît une sorte d’anarchiste, qui remet en doute tant et si bien les codes et la morale que des éléments fantastiques, comme une créature venue de l’espace, des fantômes zombies, ou bien encore des aliens qui nous contrôlent de manière subliminale, ne le surprennent guère. Loin de céder à la folie, il est le seul capable de faire face efficacement, dû-t-il y mettre sa vie dans la balance.
Lieu isolé, personnages au caractère bien trempé, atmosphère lourde à couper au couteau, menace et paranoïa, avec ce qu’il faut d’images chocs, d’action, d’explosion et même de dialogues crus, nous avons là une formule typique (depuis L’assaut) de John Carpenter pour une histoire qui est pourtant au départ pour le moins tirée par les cheveux. Ce qui aurait pu rapidement devenir un nanar de compétition devient une réflexion sur le genre humain, un film d’action efficace et un film de monstre aussi effrayant que cohérent.


Profitons en pour signaler que le DVD Collector de The Thing, qui se trouve facilement et à petit prix chez Universal, est un petit bijou en ce qui concerne les bonus et les infos qu’il contient. Si la jaquette est ignoble, à peine digne d’un fond d’écran composé par un amateur, la galette vous réserve de nombreuses surprises qu’il vous faudra plusieurs heures pour découvrir. Repris de l’antique Laser Disc qui était déjà une merveille, de nombreux éléments sont sous forme de texte, et en anglais (ce qui prouve que pour la version française, ils ne se sont pas foulés), mais nous renseigne sur absolument tous les aspects de la production. De nombreux renseignements de cet article en sont d’ailleurs tirés.

Leçon de Choses


Que l’on ne s’y trompe pas. A la sortie des films aux USA le nom du réalisateur est souvent mis en avant, à la manière d’une œuvre de Hitchcok, ou tout simplement pour lever, en partie, le voile sur un titre mystérieux. John Carpenter’s The Thing est en soit un moyen classique de « vendre » le film aux amateurs de frissons qui avaient déjà apprécié ses titres précédents. Mais c’est aussi un excellent moyen de faire comprendre que ce remake n’appartient qu’à lui, et même dans certains morceaux musicaux, censés être signés d’Ennio Morricone, on ne peut que le reconnaître. Bien que toute une équipe exprime tout son talent dans les cascades, les décors, la lumière, les effets spéciaux, l’acting, The Thing reste bel et bien la créature difforme de John Carpenter alors au sommet de son art.

Nous verrons donc ce mercredi 12 octobre prochain ce que nous réserve ce second film, supposé se passer avant, avec l’équipe Norvégienne. La chose vous laissera-t-elle de glace ? Voir ou revoir The Thing de Carpenter est de toute façon nécessaire pour mieux saisir le travail réalisé, il y a trente ans et maintenant, et mieux apprécier encore ce qui reste, nous ne le répéterons jamais assez, un chef d’œuvre hors genre comme a su l’être, quelques années plus tôt, Alien le huitième passager.


The Thing est Copyright © Universal Pictures, Morgan Creek Productions et Strike Entertainment Tous droits réservés. The Thing, ses personnages et photos de production sont la propriété de Universal Pictures, Morgan Creek Productions et Strike Entertainment.



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